Couverture du journal du 17/09/2024 Le nouveau magazine

Alimentation : Une révolution de bons goûts

C'est une première : un Centre national d’éducation populaire à l’alimentation vient d’ouvrir dans le cadre majestueux de l’abbaye de Cadouin, pour tirer la restauration collective vers le haut.

Alimentation

© SBT - La Vie Économique

« La promotion du 100 % bio, local, de saison et fait maison est bonne pour les consommateurs comme pour les producteurs », résume Marine Jobert, coordinatrice nationale des Pieds dans le plat, collectif né en Dordogne pour promouvoir l’alimentation durable en restauration scolaire. Après avoir fait ses classes dans le département, le mouvement s’est amplifié. « En 2021, ce collectif a créé la société coopérative d’intérêt collectif SCIC Nourrir l’avenir, bras opérationnel pour répondre aux demandes des écoles, collèges, lycées, Crous, Ehpad et établissements de santé, et à des entreprises privées qui ont une réelle volonté de changer les pratiques. » Toute la restauration collective est concernée par les mêmes problématiques d’approvisionnement. « En mai 2025, nos rencontres nationales se feront sur l’alimentation du grand âge. » Lors des précédentes rencontres organisées à Cadouin, en 2022, Germinal Peiro avait annoncé la rénovation de la cuisine professionnelle liée à l’auberge de jeunesse (l’une des 80 en France de la fédération HI) aménagée dans les communs de l’abbaye de Cadouin, propriété du Département qui y a investi 500 000 euros : ainsi est né le Centre d’éducation populaire à l’alimentation qui vient d’être inauguré à l’issue de sa première session, le 12 juillet.

Des produits sains, durables, éthiques

« On l’a fait pour que l’expérience que nous menons ici depuis 2014 puisse essaimer, assure le président du Département. Pour des raisons de santé, avec des repas sains et équilibrés proposés aux collégiens, pour des raisons économiques en faisant travailler les producteurs locaux et pour des raisons environnementales, en sortant des pesticides. » L’organisation locale du passage progressif des 35 collèges en repas bio et locaux (17 seront labellisés fin 2024), de l’accompagnement de la production en amont à celui des cuisiniers dans les établissements en passant par le stockage et la distribution des denrées, est exemplaire. Une équipe s’est constituée autour de Jean-Marc Mouillac, aux manettes de la première cantine 100 % bio à Marsaneix et de Nicolas Lamstaes, qui a rangé son passé étoilé et gastronomique au profit d’un avenir au service des jeunes générations. Tous deux sont, au-delà de leur poste, des militants engagés pour Les pieds dans le plat, collectif parrainé par Olivier Roellinger, qui réunit 200 professionnels en France sur le même socle de valeurs.

Les formateurs accompagnent le changement systémique de la restauration collective

Réinventer une économie dans son ensemble

Ce centre pédagogique va accueillir des chefs de cuisine d’établissements de toute la France mais la volonté d’éducation populaire s’exprime aussi en direction de particuliers soucieux d’apprendre à préparer des repas autrement (pour des raisons de santé, de transition végétarienne…) et aussi de professionnels de la restauration commerciale. Dans le cadre exceptionnel de Cadouin, des binômes cuisinier-diététicien de Nourrir l’avenir se relaieront pour des sessions et des modules sur mesure pour faire monter en compétences et revaloriser des métiers de cuisinier, cantinier, agent de cuisine.

« Ce positionnement structuré, avec une relation aux producteurs bio et locaux, relève d’une politique publique engagée », poursuit Marine Joubert. Un des chefs présents travaille à plus de 80 % sur son territoire périgourdin. « On a inauguré l’an dernier la première cantine publique d’Île-de-France qui y parvient à 70 %, sans être dans un pays de cocagne comme ici ! » Un travail local de sourcing, effectué par Aurélie Mansard, diététicienne de l’équipe du Département et cofondatrice du collectif, avait révélé des origines aberrantes de produits servis dans les cantines, petits pois du Nicaragua, etc.

Alimentation

Un jardin médiéval a été aménagé par le Pôle Paysages et Espaces Verts du Département à l’arrière de l’abbaye, avec des carrés aromatiques. © SBT – La Vie Économique

Circuits courts pour tous

Autre objectif, dans une région hautement touristique : accueillir des restaurateurs pour partager ces expériences, « ça fait partie des publics visés car l’agence bio indique que les établissements privés n’utilisent pas plus de 1 % de produits bio : la marge de progression est colossale ! En allant au restaurant, on recherche aussi une qualité de goût », note Marine Jobert. Ce CEPA n’est qu’un début, « pour transmettre un nouveau rapport à l’alimentation », insiste Isabelle Bretegnier, présidente de la SCIC Nourrir l’avenir. Les formateurs interviennent dans toute la France, en Europe, au Japon. Ils accompagnent le changement systémique de la restauration collective, « grande actrice de la transition que nous devons mener car elle représente 10 millions de repas par jour » tout en étendant l’action à la société civile, « suite logique du mouvement insufflé par une poignée de courageux ».