Au bout de l’allée majestueuse bordée de cèdres centenaires, la boutique de la fromagerie Baechler ne désemplit pas. L’origine diverse des plaques d’immatriculation donne un premier indice de la singularité d’un lieu que la famille Baechler a façonné depuis 1928, faisant de cette fromagerie familiale et artisanale, l’une des références mondiales dans la production de fromages, beurres et, dans un degré moindre, de yaourts 100% naturels. « L’été, nous mettons sous vide des plaques d’un kilo de beurre ou d’énormes morceaux de fromage pour les touristes étrangers qui viennent en vacances dans la région » souri Eric Vonner, directeur commercial de Baechler. Connue notamment pour ses 21 variétés de raclette, dont certaines seraient plébiscitées par le palais de l’Élysée, la fromagerie Baechler est présente dans tous les commerces (GMS ; crémeries/fromageries) et sur les meilleures tables de restaurant, en France et partout dans le monde. « Des grossistes distribuent nos fromages et beurres sous d’autres marques sur tout le territoire. Nous faisons de l’export, direct ou indirect, en travaillant avec de nombreux MOF (meilleurs ouvriers de France) qui commercialisent nos produits, auréolés de l’étiquette tricolore, avec leurs propres marques notamment au Moyen-Orient, Canada, USA… Parmi eux, on trouve Rodolphe Le Meunier, organiseur du mondial du fromage à Tours et champion du monde du meilleur fromager en 2007 » souligne Eric Vonner. En privilégiant du lait pasteurisé et thermisé au lieu de lait cru, Baechler travaille étroitement avec la boisson bordelaise Cacolac depuis plusieurs années.
Economie circulaire
« La fromagerie Baechler entend rester à taille humaine pour privilégier la qualité de ses produits »
Après la pasteurisation, la crème restante est utilisée pour la confection de beurre de baratte extra-fin, un secteur en croissance grâce à la demande d’artisans boulangers notamment bordelais, dans un système qui, depuis la création de la fromagerie, favorise l’économie circulaire. En effet, si les cochons nourris à partir des excédents de production ont disparu, un méthaniseur a pris le relais afin de transformer les eaux blanches et autres résidus en gaz naturel alimentant l’unité de fabrication flambant neuve. Représentant 0.04 % de la production de beurres et fromages en France (avec 900 tonnes de fromages pour 250 à 280 t de beurre par an) la fromagerie Baechler entend rester à taille humaine pour privilégier la qualité de ses produits. « C’est inscrit dans notre ADN » insiste Eric Vonner en rappelant que le lait de vache utilisé depuis 1928 provient à 99% de producteurs installés dans un rayon de 30 km autour du Temple/Lot, fief historique de la famille Baechler.
Beurre de baratte extra-fin
« Baechler a fixé un barème de prix haut pour ses producteurs qui bénéficient de bonus financiers selon la qualité du lait »
Utilisant à 80% du lait de vache (les 20% restants sont du lait de brebis venu d’Aveyron et de chèvre du Lot), Baechler a fixé un barème de prix haut pour ses producteurs qui bénéficient de bonus financiers selon la qualité du lait ramassé tous les 2 jours par la fromagerie. Alors que le fromage reste le cœur d’activité de l’entreprise familiale, dont un tiers dédié à la raclette, Baechler dispose aussi d’un atelier de beurre de baratte extra-fin, une variété qui ne représente plus que 10% de la production de beurre en France : « C’est un beurre qui prend du temps, mais que nous avons toujours produit. Quel que soit le conditionnement final, il affiche un taux minimal de 85% de matière grasse car on ne dilue rien entre l’écrémage (séparation de la crème et du lait) et le barattage, une méthode de moins en moins utilisée mais à laquelle nous sommes attachés » précise Eric Vonner.
Héritage familial
« Une baratte en inox de 800 litres achetée en 1951 et toujours en fonctionnement »
Dans l’entreprise familiale, on ne badine pas avec l’histoire et l’héritage légué par les 5 générations de Baechler qui se sont succédées depuis que Charles Baechler, transformateur de lait dès 1860, a quitté le canton de Vaud (Suisse), pour le Lot-et-Garonne en 1928. Accompagné de sa famille, de ses équipes, et même de ses vaches (c’est lui qui est à l’origine de l’introduction en France des Brunes des Alpes), Charles Baechler achète alors le domaine de Broc composé d’une bâtisse abandonnée depuis 1923 par l’armée française (une ancienne halte de remonte destinée aux cavaliers) et les 80 hectares de terrain autour pour y installer la fromagerie familiale désormais gérée par Xavier Baechler, son arrière-petit-fils. C’est ainsi qu’au cœur de l’unité de production flambant neuve, se trouve encore une baratte en inox de 800 litres achetée en 1951 et toujours en fonctionnement.
Nouvelle unité de production
« La fromagerie Baechler a ainsi profité de cet investissement pour partager son savoir-faire aux visiteurs »
D’un montant de 7M d’euros, l’investissement dans une nouvelle unité de production en mars 2021 a permis à la fromagerie de consolider la qualité de ses produits face aux normes de plus en plus drastiques entourant toute entreprise en lien avec l’alimentation. Auditée régulièrement par des revendeurs et grossistes, la fromagerie Baechler a ainsi profité de cet investissement pour partager son savoir-faire aux visiteurs curieux de voir à l’œuvre les maîtres fromagers ou affineurs tels que José, maître affineur depuis 41 ans : « Nous avons conçu ce bâtiment avec un couloir de visite donnant sur nos ateliers afin de montrer toutes les étapes du process de fabrication. Enfants, adultes ou sportifs de haut niveau de passage par la base sportive voisine voient ainsi les techniques d’affinage, de brossage et d’entretien de nos fromages » se félicite Eric Vonner. En cette saison hivernale, la trentaine de collaborateurs présents toute l’année sont épaulés par des intérimaires pour répondre aux fortes demandes, notamment de raclette, autour des produits multimédaillés comme la tomme des croquants à la liqueur de noix de Sarlat, récemment titré d’une médaille d’or au concours de saveurs de Nouvelle-Aquitaine. Tandis que la foule continue de se presser dans le magasin du Temple/Lot, le discret PDG Xavier Baechler nous confie son projet de fromage à la bière avec un brasseur local, Maltéo. Au loin, sa mère Marylène souffle les feuilles tombées au sol…