LVE : Comment évaluez-vous, aujourd’hui, la vitalité des industries du secteur de la métallurgie sur le bassin de l’Adour ?
Didier Lacassagne : Sur le territoire, nous sommes « protégés » au regard du contexte national. La situation en France est en effet contrastée entre, par exemple, les régions du nord, davantage tournées vers les activités automobiles aujourd’hui en souffrance, et les régions du sud, plus orientées aéronautique, un secteur en pleine croissance. L’activité de nos adhérents, qui sont à 82 % des entreprises de l’aéronautique, est de fait soutenue. Malgré tout, les difficultés de recrutement et, dans une moindre mesure, d’approvisionnement, persistent et demeurent problématiques.
LVE : La CCI Pau Béarn constatait dernièrement une prudence des dirigeants. Remarquez-vous le même état d’esprit chez les adhérents de l’UIMM ?
D. L. : Cette prudence est une réaction logique : les dirigeants, nos adhérents compris, ont tendance à freiner le niveau d’investissement pour conserver leur compétitivité, pénalisée par l’exercice budgétaire qui vient d’être clôturé. Cela étant dit, je pense que le gouvernement en a conscience, puisque les mesures exceptionnelles prises pour 2025 ne seraient pas forcément reconduites en termes de taxes et impôts supplémentaires sur l’année suivante.
LVE : Qu’attendez-vous des pouvoirs publics en termes de soutien aux industriels ?
D. L. : Nous souhaitons avoir des liens plus étroits avec les élus et l’État afin de leur donner notre vision du terrain. J’ai ainsi rencontré Jean-Marie Girier, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le 4 février. Nous avons balayé plusieurs aspects et en particulier celui de la simplification, qui est un très gros frein pour nos adhérents.

© Eustelle Loustalet-Turon – La VIE ECONOMIQUE
LVE : Revenons aux difficultés de recrutement. Ne craignez-vous pas qu’elles s’intensifient au regard des nombreux projets industriels portés localement et, aussi, du contexte national ?
D. L. : Les difficultés de recrutement existent à l’instant T, mais elles seront en effet d’autant plus présentes demain. Dans l’aéronautique, les besoins évoluent de 15 à 20 % par an, et nous nous attendons à une forte croissance sur les prochaines années. Notre territoire sera particulièrement concerné. Par ailleurs, les discussions qui se jouent actuellement au niveau de l’État nous amènent à être attentifs : si le budget de la défense augmente, cela se traduira par des commandes et des besoins en matériel militaire supplémentaires. Les industriels, dont Safran, devront se mettre en ordre de marche afin d’avoir la capacité nécessaire pour travailler sur ce type de matériel. De fait, nous devons redoubler d’investissement sur l’attractivité et la formation.
LVE : Cette pénurie de main-d’œuvre est selon vous la conséquence d’un manque d’attractivité des métiers industriels ?
D. L. : Nous n’arrivons pas à recruter parce que nos métiers, en particulier ceux de l’usinage, ne sont pas à « l’ordre du jour ». L’UIMM travaille sur l’attractivité de la filière en allant le plus tôt possible à la rencontre des jeunes et de leurs parents, voire des professeurs, pour leur montrer le vrai visage de l’industrie. Nous devons casser certains stéréotypes et donner du sens à l’activité professionnelle.
LVE : Qu’en est-il, en parallèle, de l’offre de formation ?
D. L. : La partie formation doit aujourd’hui se réajuster. C’est ce que propose Cami Aéro, l’école de Safran Helicopter Engines qui vient d’être créée sur notre site de Bordes. Nous nous sommes rendu compte que la filière de formation technique que nous dispensions sur nos lignes de fabrication n’était plus adaptée. Avec cette nouvelle structure spécifique, équipée de machines neuves et des formateurs tuteurs dédiés à 100 %, nous avons réorienté notre manière de faire. Et il n’y a pas que Safran qui dispose de ses propres centres de formation : par exemple, Airbus Helicopters porte un projet similaire.
82 % des adhérents de l’UIMM Adour Atlantique travaillent en tout ou partie pour l’aéronautique.
Un parcours de formation pour dirigeants
Le Pôle Formation de l’UIMM Adour Atlantique, en partenariat avec l’IAE, lancera en avril le parcours « Industriels engagés pour un management durable ». Ce dispositif unique en France a pour ambition d’assurer la pérennité des entreprises mais également de faire monter en compétences les dirigeants sur la RSE. En parallèle, l’UIMM maintient son rôle d’accompagnement des dirigeants, comme le précise Didier Lacassagne : « Nous aidons à trouver des organismes qui permettent de réfléchir aux meilleures organisations et à travailler sur des dossiers de financement avec le dirigeant. Par ailleurs, nous pouvons procéder à une évaluation de leur société afin d’estimer sa solidité et procéder à de futurs investissements. Ce diagnostic s’inscrit pleinement dans notre démarche RSE ».
Les femmes « ont leur place »
« Tu as ta place », la campagne nationale lancée par l’UIMM, se décline localement à travers le portrait de 6 femmes évoluant dans les métiers de l’industrie. Leurs témoignages, à retrouver sur la page YouTube de l’UIMM Adour Atlantique, s’inscrivent dans un vaste axe de travail destiné à sensibiliser les femmes à ces métiers et, in fine, d’augmenter de 10 points la part de salariées dans la branche d’ici 2023. Aujourd’hui, les femmes représentent seulement 22,6 % des effectifs dans la métallurgie. Pour Didier Lacassagne, il est grand temps « d’enclencher une marche en avant après avoir stagné pendant dix ans ».