C’est avec de multiples précautions et précisions que le préfet a annoncé avoir signé le 5 novembre l’arrêté portant autorisation environnementale pour le nouveau projet présenté par le Département pour Beynac, insistant sur le changement d’échelle que représente cette « boucle multimodale d’accès aux deux rives de la vallée de la Dordogne pour de nouvelles mobilités sécurisées » dans l’épicentre patrimonial qui comprend Beynac, Marqueyssac, Castelnaud et les Milandes. Le sujet est clivant, le mot est faible pour un feuilleton fleuve qui court depuis plusieurs décennies, aussi Jean-Sébastien Lamontagne prend une décision qu’il assume en jugeant utile d’expliquer qu’elle n’est ni une prise de position ni un arbitrage.
L’État se prononce sur la conformité au regard des réglementations applicables, après dix mois d’étude du dossier avec les services compétents, en premier lieu la direction départementale des territoires, et de nombreuses vérifications (Natura 2000, défrichement, loi sur l’eau, biodiversité, patrimoine, archéologie préventive…). Des compléments d’informations ont été fournis par le Département, des avis sollicités (Drac, ARS, OFB, ONF, Epidor, DRAE, CNPN…), les collectivités locales consultées, une enquête menée par l’Union des maires (20 intercommunalités, 866 élus) et l’enquête publique a dégagé un avis favorable.
Nouvelle approche de la vallée
La DREAL et les affaires juridiques du ministère de l’Écologie se sont penchées sur ce dossier et la nécessité de déroger à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, motif qui avait causé l’annulation du précédent projet. L’absence de solutions alternatives satisfaisantes (six variantes étudiées), les mesures d’évitement, de réduction ou de compensation pour maintenir les espèces concernées (restauration de zones humides, gîtes à chiroptères, plantation de 27 000 arbres et arbustes) le justifient, de même que les enjeux de développement économique et touristique au regard de « l’incontestable progression de la fréquentation estimée à 800 000 visiteurs annuels » sur les sites riverains.
« Nous nous devions d’instruire le dossier, indépendamment de ce qu’il s’est passé avant. »
Mise à niveau des infrastructures
De quoi justifier l’évolution des infrastructures au nom de la sécurité publique, pour limiter le passage sur la route située entre rivière et falaise qui engendre nuisances et danger dans Beynac. Cette route est aussi exposée aux risques d’éboulement. « Le plan de circulation est un élément nouveau », avec un sens unique pour les poids lourds. Et des voies indépendantes pour les modes doux, la réouverture de la halte ferroviaire de Fayrac (ligne Bordeaux-Sarlat) et la création de navettes électriques vers les sites en période estivale.
Ce projet global dépasse la notion de contournement de Beynac, avec un périmètre et un contenu plus larges, plus complet et équilibré, qui le différencie du projet initial ; projet qui reste promis à démolition par une décision de justice et pour lequel le Département, maître d’ouvrage, a été condamné à verser des astreintes de l’ordre de 2 millions d’euros. Une partie des éléments de l’ouvrage déjà construit fait l’objet d’une réutilisation dans le nouveau projet. Aussi, fort de l’autorisation accordée, le Département devrait se retourner vers la juridiction administrative pour demander la révision du jugement : d’un côté, une autorisation d’utiliser des éléments du chantier précédent ; de l’autre, des astreintes pour non-démolition de ce même ouvrage. Question d’expérience, Germinal Peiro s’est engagé à attendre les recours qui ne manqueront pas d’être déposés par les opposants « historiques » avant de lancer les travaux. L’eau devrait donc encore couler sous ce pont (suspendu) avant que le paysage change… Le préfet sera alors loin, il devrait quitter le département sous peu.