En 1214, Simon de Montfort mène croisade contre les Albigeois et s’empare de Castelnaud, fief de Bernard de Casnac, seigneur pro-cathares, qui parvient à le reprendre l’année suivante… Pour le voir incendier sur ordre de l’archevêque de Bordeaux. L’histoire de ce château n’est que recommencement et reconstructions sur un tas de ruine. Le donjon carré et la courtine, la barbacane et le mur du corps de logis en surplomb de la Dordogne sont les traces les plus anciennes, fragiles témoignages des assauts auquel la forteresse a résisté.
Éperon rocheux
Au début de la guerre de Cent Ans, Castelnaud verse dans le camp anglais, contre son voisin ennemi, Beynac, mais à la veille de la bataille de Castillon, en 1453, il est déjà du côté des vainqueurs français depuis onze ans. Les Caumont transforment sa carapace féodale sans perdre de vue sa valeur stratégique : durant les guerres de Religion, la place forte protestante, défendue par Geoffroy de Vivans, résistera aux catholiques. Au XIXe siècle, les maçons en feront une carrière bien pratique en roulant les pierres du haut de la falaise. Le chef-d’œuvre en péril n’a pourtant pas perdu sa guerre contre le temps : Philippe et Véronique Rossillon souffleront la ruine à de potentiels acquéreurs anglais et obtiendront en 1966 son classement au titre des Monuments historiques.

Animation autour du trébuchet © Lachaud
Le temps du renouveau
En 1983, Kléber prend la direction du site et poursuit le travail entrepris par ses parents. La deuxième campagne de restauration, en 1996, pour reconstituer trois salles dans le corps de logis, une dans le donjon et remonter la tour d’artillerie d’un étage, est le plus gros chantier historique du Sud-Ouest. Avec la restauration du bastion, en 2005 (protection de la basse-cour et flanc le plus exposé aux attaques), s’achève la réhabilitation du site. Kléber Rossillon s’emploie désormais à faire revivre ce colosse avec une scénographie rajeunie du musée en 2009, des collections enrichies et costumes historiques reconstitués. En 2017, Geneviève prend la direction de la société : à 29 ans, diplômée d’HEC et d’AgroParisTech, c’est la 3e génération des sauveurs de Castelnaud.
En 40 ans, la visite a évolué au fil des pratiques de valorisation culturelle : visites guidées ou théâtralisées, ateliers, essayage de costumes, démonstrations de forge et reconstitutions de combats, conférences historiques. En 2020, le label Qualité Tourisme™ a récompensé « la qualité de l’accueil, l’accessibilité aux publics étrangers, des prestations personnalisées de qualité, la propreté du site ».
Castelnaud est le château le plus visité du grand Sud-Ouest de la France, avec 250 000 entrées par an.
De la fusée au trébuchet
Polytechnicien et ingénieur de formation, Kléber Rossillon a grandi à Beynac. Il a intégré à 23 ans le Centre d’études spatiales de Paris et travaillé en collaboration avec le ministère de la Défense sur le projet Ariane. C’est le nombre croissant de visiteurs à Castelnaud qui l’a poussé à abandonner sa carrière d’ingénieur pour prendre la relève de ses parents, en 1995. Il a fait reconstruire à taille réelle une douzaine de machines (veuglaires, bombarde, trébuchet, mangonneau, arbalètes à tour) et le Musée de la guerre au Moyen Âge présente l’une des plus belles collections privées de près de 300 armes de jet, à feu ou de poing, et armures. La société Kléber Rossillon gère 11 autres sites patrimoniaux et touristiques en France et en Belgique, dont les Jardins de Marqueyssac, son autre propriété locale.
Portes ouvertes
Samedi 22 mars, le public pourra visiter librement le château, en accès gratuit, et bénéficier d’animations. Duels à travers les siècles (XIIIe, XVe, XVIe) avec des passes d’armes par les équipes de l’académie Arts martiaux historiques européens et De gueules et d’argent. Tirs d’artillerie grandeur nature pour comprendre l’attaque et la défense des châteaux forts avec machines de guerre et armes à feu. Artisans d’art dans le musée avec des reproductions d’exception (Georges Jolliot, forger une armure ; Gaël Fabre, confectionner une épée ; Dominique Humbert, fabriquer un bouclier). Concert de Luc Arbogast (sur réservation) pour clore l’événement avec un spectacle onirique librement inspiré de musiques anciennes.