Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

CCI – Le président Fauvel fait le point

Président de la CCI, du Medef Périgord ou encore cofondateur de la Noschool, Christophe Fauvel, emblématique dirigeant de la région, dévoile pour La Vie Economique du Sud-Ouest sa vision et ses projets pour l’année 2024. Rencontre en toute simplicité et sans concession.

Christophe FAUVEL président de la CCI Dordogne et du Medef Périgord © Loïc Mazalrey - La Vie Économique

La Vie Economique : Quelles sont vos projections pour l’économie en Dordogne pour 2024 ?

Christophe Fauvel : « Lorsqu’il y a des crises, en Dordogne, il y a toujours un décalage de 6 mois / 1 an avant qu’on ressente cette crise. La situation en Périgord est mitigée, et il y a des contrastes : des entreprises avec des carnets de commandes pleins, et d’autres qui vivent presque au jour le jour. L’année va être difficile, mais on prévoit une baisse des taux bancaires d’ici l’automne et qui devrait s’amorcer plus vite que prévue. L’inflation est aussi toujours présente, mais jugulée. Cependant les entreprises doivent conserver leurs marges, et doivent augmenter les prix tarifs. Or les clients n’ont pas toujours envie de jouer le jeu car ils ont leurs propres contraintes. »

LVE : Le tourisme est-il toujours autant une composante majeure de l’économie périgourdine ?

C. F. : « Le tourisme représente entre 20 et 25 % du PIB périgourdin, c’est donc une part éminemment importante, mais c’est une activité à fort risque financier. Les banques sont frileuses pour accompagner des projets, et c’est une activité fragile économiquement et soumise à des contraintes. J’ai échangé avec un restaurateur qui a 25 salariés ; pour une dizaine d’entre eux, il a dû faire 160 contrats en une année, il y a un turn-over extraordinaire, et ce sont des coûts pour rien. »

LVE : L’avenir de l’économie périgourdine réside donc dans les PME et l’industrie ?

C. F. : « C’est l’avenir de l’économie tout court. Pour 1 € produit dans l’industrie, 3 à 4 € ruissellent sur le territoire. Mais aujourd’hui, au-delà de la volonté politique de relancer l’industrie, il y a des freins très importants comme la loi zéro artificialisation nette : si on n’a pas de foncier, comment on réindustrialise le Périgord ? En France nous avons aussi des impôts de production plus élevés que nos voisins européens. Il faut reprendre la souveraineté sur ce secteur stratégique pour lequel on a un savoir-faire et une haute valeur ajoutée. En Bergeracois, on peut se féliciter d’avoir Eurenco, longtemps vu comme un handicap qui a pu priver de foncier en étant Seveso 2, mais aujourd’hui c’est une opportunité avec un retour à « l’économie de guerre » et son plan de développement. Les carnets de commandes sont pleins sur les 5 prochaines années. »

LVE : Les défaillances d’entreprises sont-elles en hausse en Dordogne ?

C. F. : « On voit les conséquences du PGE avec une hausse des défaillances depuis quelques mois. Mais le tribunal de commerce de la Dordogne est revenu à son flux d’activité de 2019. Cependant, il y a un problème plus préoccupant, il y a une forte augmentation des procédures pour liquidation directement. Ces entreprises ne passent pas par la sauvegarde ou le redressement. Il faut que les chefs d’entreprise poussent la porte du tribunal avant. »

LVE : Il y a eu du changement récemment à la CCI…

C. F. : « Un nouveau directeur général est arrivé, il s’agit de Stéphane Delage, qui a été directeur général à Bergerac, à Trélissac ou encore à la Communauté d’agglomération de Bergerac. Il a également été directeur général des services à Biscarrosse. Il va partager son temps entre la Dordogne et la Corrèze. C’est une grande satisfaction de travailler avec lui. »

« Nous espérons voir arriver un nouvel exploitant à l’aéroport de Périgueux-Bassillac au début de l’été »

LVE : Quels sont les prochains chantiers de la CCI ?

C. F. : « D’abord, il y a l’aéroport de Périgueux-Bassillac, pour lequel on doit refaire un appel à candidatures pour la délégation de service public. Actuellement c’est le Smad (Syndicat mixte air Dordogne) qui gère. On devrait lancer l’appel fin mars et on espère voir arriver un nouvel exploitant au début de l’été, en septembre au plus tard. On veut garder la vocation aéroportuaire du site, mais on doit aussi trouver des sources de diversification et de revenu pour les 70 ha de foncier que compte le site. On voudrait faire une étude de faisabilité pour une ferme photovoltaïque de 20 à 22 ha, pour de l’autoconsommation ou de la vente directe. Pour la surface restante, ça dépend des projets qui nous sont proposés à la CCI, en partenariat avec le Grand Périgueux, le Département, et la Préfecture. Il y a déjà deux privés sur le projet et le Smad pourrait être candidat.

L’autre sujet, c’est l’avenir du parc des expositions de Marsac-sur-l’Isle, dont la CCI est propriétaire. Il nous reste 9 ha sur les 12 d’origine. Aujourd’hui, le Grand Périgueux est intéressé par l’acquisition de cette parcelle, et des privés sont intéressés pour l’acquisition d’une partie du foncier. La CCI n’a pas les moyens de réhabiliter seule tout le site, si on vend des lots, cela serait des rentrées financières qui permettraient de réinvestir sur cet outil et de le moderniser en termes d’événements. Il faut qu’on étudie la rentabilité des projets. »

© Loïc Mazalrey - La Vie Économique

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

LVE : Quel est le budget de la CCI aujourd’hui ?

C. F. : « Nous avons actuellement 13 millions d’euros de budget de fonctionnement chaque année, mais c’est un budget qui n’est pas à l’équilibre. Nous avons des missions régaliennes, avec des ressources qui ont diminué de moitié en dix ans. Si nous n’avions pas des outils comme les écoles ou le Parc des expositions, on n’existerait pas. »

« À la CCI Dordogne, si nous n’avions pas des outils comme les écoles ou le parc des expositions de Marsac, on n’existerait pas »

LVE : À propos des écoles, avec les nombreux établissements liés à la CCI, la formation serait-elle l’avenir de la Chambre ?

C. F. : « C’est une piste très sérieuse et prégnante. Notre vocation première est d’être au service du monde économique, et aujourd’hui, le problème numéro 1 des entreprises c’est le recrutement. À ce titre, c’est un sujet dont doit s’emparer la CCI et avec les écoles de Boulazac – CFA, lycée professionnel, et l’école de commerce – l’école de Savignac en management hôtelier, le centre d’études des langues et l’Inisup en formation continue. Mais c’est une offre qu’on doit mieux faire connaître, c’est une question de survie économique mais c’est aussi notre vocation de service pour le territoire. »

« C’est mon dernier mandat à la présidence du Medef Périgord. On avait 250 adhérents quand j’ai repris, on est à plus de 1 200, aujourd’hui le syndicat est en très bonne santé financière »

LVE : Votre mandat au Medef Périgord s’achève en septembre : allez-vous vous représenter ?

C. F. : « Non, c’est mon dernier mandat, j’aurais fait 15 ans en septembre prochain. On avait 250 adhérents quand j’ai repris, on est à plus de 1 200, aujourd’hui le syndicat est en très bonne santé financière, et on est présent sur tous les territoires de la Dordogne. Je pars avec le sentiment du devoir accompli. J’ai un candidat à ma succession en tête qui sera l’homme avec un grand « H » de la situation et prêt à relever le challenge. Je pars sans inquiétude et je ne serai pas loin pour assurer une transition pérenne. »

© Loïc Mazalrey - La Vie Économique

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

LVE : Des projets pour la suite ?

C. F. : « Je m’occupe encore du CFA Apalt à Bergerac, j’ai une société de communication où je suis associé. Et, à 65 ans, j’ai décidé de redéployer mes activités, j’ai beaucoup de sollicitations pour des projets, il n’est pas exclu que j’aille donner la main à un club de rugby proche de Bergerac… Et j’aimerais voyager, voir des pays que je n’ai pas vus dans mes activités professionnelles et paraprofessionnelles, et avec une carrière chronophage comme la mienne, cela se fait souvent au détriment de la famille, donc je souhaite passer du temps avec eux. »

La Noschool : une école qui déménage

La Noschool, une école dont le concept mise sur l’alternance et le développement des softskills, a déménagé de Mérignac aux Bassins à Flots à Bordeaux, dans un bâtiment de 2 500 m² en novembre 2023. Un investissement de 12 millions d’euros. Avec 900 élèves, l’école propose un « pack tout bénef » et propose de trouver aux jeunes une alternance, si ça ne marche pas, ils suivent la première année d’études gratuitement. Christophe Fauvel possède cette école avec Sophie Goutaille, collaboratrice de sa première entreprise, Fauvel Formation. Ils ont racheté IF2E en 2009 ensembles. Christophe Fauvel a revendu 80 % de ses parts au fonds d’investissement de la Banque Populaire et a gardé 15 % de la Noschool. Son retrait définitif de l’école sera effectif d’ici 4 à 5 ans.

Passe gagnante au BPFC

Christophe Fauvel a également annoncé le nom de son successeur en février dernier après 19 ans à la présidence du club de football de Bergerac. Laurent Beaumois le remplace, mais il envisage de rester présent avec un poste de président d’honneur, et va se consacrer au Dordogne Business Club, club d’entreprises lié au club sportif, qu’il a fondé.