Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Bassin de Lacq : Chemparc vers de nouveaux horizons

Audrey Le-Bars vient de prendre la direction de Chemparc, groupement d’intérêt public qui accompagne la reconversion et la réindustrialisation du bassin de Lacq. Entre continuité et nouvelles perspectives, la directrice ne manque pas d’ambition pour le territoire. Rencontre.

Audrey Le-Bars, directrice générale de Chemparc.

Audrey Le-Bars, directrice générale de Chemparc © Cyril Garrabos - La Vie Economique

La Vie Economique : Vous êtes nommée directrice de Chemparc dans un contexte favorable : l’installation de plusieurs projets d’ampleur a été annoncée sur le bassin de Lacq, le GIP semble avoir rempli sa mission. Quel va être son rôle, désormais ?

Audrey Le-Bars : « Chemparc va se réinventer et construire un nouveau modèle. Jusqu’ici, le GIP créé il y a 20 ans menait avant tout une démarche de valorisation du bassin de Lacq et de prospection auprès des entreprises, avec succès. Il y a eu beaucoup d’annonces ces trois dernières années : plusieurs gros projets vont s’implanter, en l’occurrence ceux portés par Elyse Energy, Nacre ou encore Caremag, autant d’industriels qui ont des besoins. Nous allons en ce sens les accompagner pour qu’ils parviennent à atterrir, mais pas seulement : lorsqu’une usine s’implante, il nous faut travailler à développer des aménités. Par exemple, la question logistique se pose : comment mon entreprise, mes intrans et mon export peuvent être gérés de manière décarbonée ? Ou encore, la question de l’emploi compétence : il faut que les industriels arrivent à recruter, sur de nouveaux métiers. Par ailleurs, si 1 500 à 3 000 personnes sont employées sur le territoire, il faut également se demander comment les loger… Autant de problématiques que nous devons considérer. »

© Cyril Garrabos – La Vie Economique

LVE : On parle de projets d’envergure, avec une emprise foncière conséquente. Y aura-t-il suffisamment de place pour tout le monde ?

A. L-B. : « Nous commençons à avoir une visibilité nationale, nous sommes attractifs, aujourd’hui site industriel clé en main et en attente d’une réponse positive pour site France 2030. Il y a de fait un effet ciseaux : nous sommes désormais confrontés à un problème de foncier. Le rachat des friches industrielles en 2018 par la Communauté de communes de Lacq Orthez (CCLO) et le travail de dépollution mené en amont vont permettre l’implantation des projets que je viens de citer. Il nous reste désormais des « confettis », des parcelles de 7 à 8 hectares qui ne nous permettent pas d’accueillir de gros projets, alors que l’on nous demande régulièrement du 15 à 20 hectares. La CCLO travaille dans le cadre du PLUi pour solliciter une extension de foncier à vocation industrielle, qui nous permettrait de continuer le développement industriel sur le territoire. »

LVE : En attendant cette extension, Chemparc va stopper sa prospection auprès des entreprises ?

A. L-B. : « Non bien sûr, nous allons continuer également cette démarche, et c’est d’ailleurs pour cela que nous souhaitons que le bassin de Lacq soit retenu site France 2030. Même si nous avons peu de foncier, l’installation de mastodontes va attirer des plus petites entreprises qui seront intéressées par cet écosystème. Par exemple, la création d’électro biocarburant va nécessiter des analyses, ou encore des tests sur la qualité des réservoirs… Une synergie va devoir exister. Dans ce contexte, l’accompagnement des porteurs de projet mais également le développement de la plateforme Chemstartup, qui héberge plusieurs entreprises innovantes et va s’agrandir en 2026, restent notre cœur de métier. Nous allons par ailleurs développer tout le volet économie circulaire et l’écologie industrielle territoriale, c’est-à-dire comment utiliser des matières du territoire pour les rendre opérables. »

L’installation de mastodontes va attirer des plus petites entreprises qui seront intéressées par cet écosystème.

LVE : La stratégie d’un bassin de Lacq « plus vert » demeure celle des années à venir ?

A. L-B. : « Ce virage vert a été choisi en 2013 et il n’y aura pas de remise en question sur ce sujet : il faut que nous décarbonions. Dix ans plus tard, nous nous rendons compte que nous répondons complètement aux enjeux nationaux, voire européens, voire mondiaux. Nous sommes au rendez-vous. Nous avions peut-être même un temps d’avance, et c’est d’ailleurs l’un de nos points d’attractivité aujourd’hui auquel vient s’ajouter une bonne nouvelle : le bassin de Lacq vient tout juste d’être reconnu Zone Industriel Bas Carbone (ZIBAC). Quatre projets ont d’abord été retenus par l’ADEME en France, puis cinq, dont nous faisons partie. »

LVE : En quoi ZIBAC va renforcer l’attractivité du bassin de Lacq ?

A. L-B. : « Pendant deux ans, dans le cadre de ZIBAC, l’ADEME va soutenir Chemparc et les industriels dans l’élaboration d’une trajectoire de décarbonation : 38 études (sur l’hydrogène, le fret ferroviaire et bien d’autres) vont être menées de manière transversale à l’échelle des quatre plateformes industrielles du bassin de Lacq pour s’assurer qu’au rendez-vous de 2030, on puisse être décarboné. Au regard de ces études, un scénario sera validé et des investissements colossaux seront faits durant les dix années suivantes. Pour Chemparc, c’est extrêmement structurant : nous menons la décarbonation de manière accélérée. »

Pour Chemparc, être reconnu Zone Industriel Bas Carbone est structurant : nous menons la décarbonation de manière accélérée.

LVE : Les années à venir s’annoncent bien remplies. Avez-vous établi une feuille de route ?

A. L-B. : « J’ai pour habitude de dire que les feuilles de route doivent être revues tous les six mois. Nous sommes obligés de nous renouveler : il faut que Chemparc soit agile et fonctionne en mode start-up, que nous soyons en réactivité dans un monde qui bouge et inconstant. Il y a des crises énergétiques, politiques, d’approvisionnement… : les industriels sont confrontés à cela tous les jours. Si nous ne nous adaptons pas, nous ne répondons plus à leurs besoins. Et c’est justement là mon travail, mon leitmotiv. »

Il faut que Chemparc soit agile et fonctionne en mode start-up pour répondre aux besoins des industriels.

LVE : Vous êtes par ailleurs également directrice de projet Territoire d’industrie Pau-Lacq-Tarbes. Les missions de ces deux entités auraient-elles tendance à se rejoindre ?

A. L-B. : « La mission principale, de l’une comme de l’autre, est en effet la même : travailler sur la réindustrialisation du territoire. En ce qui concerne Territoire d’industrie (porté par le Gouvernement N.D.L.R.), je m’appuie sur les 11 intercommunalités, qui représentent 540 000 habitants : je suis dans un rôle de conseil, de mise en relation et en synergie. Le GIP Chemparc est davantage ancré territorialement sur le bassin de Lacq, même si sa dimension dépasse la Communauté de communes Pau Orthez, notamment parce que nous avons besoin du raccordement aux ports de Bayonne et de Bordeaux ou encore du lien avec l’écosystème innovant de l’université de Pau. Cela étant dit, au-delà de ces périmètres donnés, il faut considérer l’échelle des Pays de l’Adour lorsque l’on développe des stratégies qui, nécessairement, vous nous amener à travailler tous ensemble. »

Des projets d’envergure

2025 : Toray Carbon Fibers Europe, à Abidos, mettra en service sa 6e ligne de production fibre de carbone premium pour les marchés spatial, nucléaire, défense, éolien. (125 M€ d’investissements, 50 emplois)

2026 : Caremag a pour ambition de récupérer des terres rares contenues dans les aimants de moteurs électriques pour fabriquer des batteries neuves. (150 M€ d’investissements, 100 emplois).

2026 : Alpha Chitin prévoit une montée en charge de son unité de production de chitine à base de larves de mouches et de krills de crevette, à destination des secteurs médicaux, pharmaceutiques, cosmétiques et agroalimentaires. (250 M€ d’investissements, 250 emplois).

2027 : Nacre souhaite produire du bioéthanol de deuxième génération à partir de coproduits agroalimentaires et forestiers. (180 M€ d’investissements, 60 emplois).

2028 : Elyse Energy développe le projet E-CHO, qui prévoit l’implantation de trois sites de production d’hydrogène, de méthanol et de biokérosène sur le bassin de Lacq. (2 Md€ d’investissements, 200 emplois directs et 600 indirects).