Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

De la Biafine à Gewen la Source

Depuis mars 2022, une nouvelle gamme d’émulsions cosmétiques a vu le jour à Lourdes. Composés d’eau de source non distillée et d’éléments naturels ou bio, les produits Gewen la Source ont été mis au point par les descendants de Georges Wenmaekers, l’inventeur de la Biafine dont ils perpétuent l’œuvre à leur façon.

Gewen la Source

Les descendants de l'inventeur de la Biafine lancent à leur tour la marque Gewen la Source © Louis Piquemil - La Vie Economique

Dans toutes les armoires à pharmacie de France, la Biafine a eu un jour sa place mais dans la tête de la famille Wenmaekers, c’est un tube qui flotte éternellement… Et pour cause : c’est Georges qui a mis au point la formule en 1956. Coup de génie d’un chimiste inspiré, la crème s’est vite imposée comme une aide exceptionnelle à la cicatrisation de la peau, principalement suite aux brûlures et aux coups de soleil. Commercialisé par le laboratoire familial Medix dans les années 70, ce produit phare ne le serait pas devenu sans le travail acharné de Michel, son fils, qui lui a d’ailleurs valu le sobriquet de « Monsieur Biafine ». Est-ce qu’un jour on parlera de Pierre Wenmaekers-Gobert comme « Monsieur La Source » nul ne le sait aujourd’hui mais l’héritier de cette lignée hors norme s’apprête à marcher dans les pas de ses illustres ancêtres. Depuis mars 2022, il a lancé une gamme de produits sous le nom de « Gewen la Source », un hommage clair à son grand-père et un défi : celui de l’égaler.

Gewen la Source

Michel Wenmaekers, « Monsieur Biafine » © Louis Piquemil – La Vie Economique

LA FORMULE DE LA BIAFINE À LA BASE

Installé sur les hauteurs de Lourdes, le laboratoire ne saurait être ailleurs. Au cœur de ce domaine de 5 hectares se niche en effet un des éléments qui entre dans la composition de tous les produits, l’eau gorgée de minéraux d’une source de montagne. C’est avec elle que Pierre et son épouse Nhatécüa ont commercialisé leurs premières crèmes, sous la supervision de Michel. Une entreprise familiale qui s’inspire de la formule de la célèbre Biafine, dont le brevet est tombé, une formule revue et transformée, voire améliorée sur certains points.

À L’ORIGINE : LA DEMANDE D’UN MÉDECIN

L’aventure Gewen la Source est liée à une succession de faits : « Moi j’étais prothésiste dentaire, ma femme vétérinaire, on gagnait bien notre vie, on n’avait pas besoin de ça », précise Pierre Wenmaekers-Gobert, conforté par son épouse qui parle, elle, de « synchronicité » : « En 2018, Michel a été sollicité par un médecin, en tant que spécialiste de la cicatrisation. Un de ses amis était un grand brûlé et lui a demandé de mettre en place un protocole pour l’aider, chose qu’il faisait à l’époque avec la Biafine. Au même moment, une autre dame l’avait contacté pour des problèmes similaires. C’est comme ça qu’il a incité Pierre à mettre au point un produit innovant ».

Au cœur d’un domaine de 5 hectares installé sur les hauteurs de Lourdes se niche un des éléments qui entre dans la composition de tous les produits : l’eau gorgée de minéraux d’une source de montagne

L’EAU DE MONTAGNE : « C’EST MIEUX QUE DE L’EAU DISTILLÉE »

Porté par des valeurs environnementales, Pierre qui a une formation en agroalimentaire puis en cosmétologie, commence à travailler sur l’élaboration de la formule basée sur des huiles essentielles et végétales, savamment choisies pour leurs vertus reconnues sur la peau, telles le lentisque, l’huile de squalène ou celle d’abricot. En parallèle, Michel achète la Ferme du Bourié à Lourdes : « Il ne savait même pas qu’une source s’y trouvait, s’amuse Nhatécüa. Les gens qui vivaient ici n’avaient pas l’eau potable, ils ne consommaient que celle de la source et ne sont jamais tombés malades ». Comme l’eau est nécessaire dans l’élaboration des crèmes, c’est tout naturellement qu’elle s’y invite : « Elle a une composition qui lui est propre, comme toute eau de montagne, c’est mieux que de l’eau distillée ».

Gewen la Source

Pierre et Nhatécüa Wenmaekers, créateurs de Gewen la Source © Louis Piquemil – La Vie Economique

UNE CRÈME POUR LA BOUCHE

Après trois ans de recherche, de tests, de formules et de recul, c’est toute une gamme qui voit enfin le jour et qui est commercialisée au printemps dernier. Trois produits pour le corps et le visage, un au lentisque, un neutre et un au jasmin marquent Gewen la Source qui lance également une très surprenante crème pour la bouche. « Là encore on a optimisé une nouvelle émulsion parce qu’on nous l’a demandé, » explique Nhatécüa. C’est très novateur, on s’en sert pour se laver les dents, ça n’existe pas en France et on s’est rendu compte que les huiles essentielles avaient une action sur le micro- biote ». Sachant que celui-ci est lié à une kyrielle de maux, Gewen la Source propose le premier masque pour les gencives. Et peut-être avec une nouvelle habitude de « soin ».

DES PRODUITS FRONTIÈRES

Parler des produits Gewen la Source est un jeu d’équilibriste, les cataloguer dans la pure cosmétologie serait réducteur, les classer dans la pharmacologie serait faux… Ils entrent dans la catégorie des « produits frontières », eux aussi en équilibre entre deux univers. Le terme est de plus en plus usité, il suit par ailleurs la diversification des innovations. Si l’eau oxygénée ou les pansements en étaient les plus classiques, les autotests de grossesse, de glycémie ou plus récemment de Covid 19 ainsi que les crèmes chauffantes ou encore les gels défatigants enrichissent la liste qui est désormais bien longue.

La cosmétique n’y échappe pas et, de l’épilation aux kits de blanchiment dentaire, entre esthétique pure et médical, la frontière est mince. Pour un médicament, il faut une autorisation de mise sur le marché et sa délivrance est fondée sur plusieurs points dont la substance active, à savoir une molécule à l’action spécifique ou nouvelle, ce qui n’est pas le cas avec les produits de la marque : « Ce qui différencie un médicament d’un cosmétique, ce sont les molécules et les effets,» explique Pierre. Dans un produit cosmétique, elles sont généralement tirées de la nature ou du vivant. L’obtention de l’AMM est très longue par ailleurs » …

Gewen la Source propose le premier masque pour les gencives

PRODUITS VENDUS SUR INTERNET

Et les produits, eux, sont là. Leur diffusion se fait pour le moment dans quelques pharmacies, via le site Internet mais également beaucoup à travers les salons bien-être et c’est là que toute la philosophie Gewen la Source peut s’exprimer : « On discute énormément avec les gens pour déterminer ce qui leur correspond le mieux. Là on peut le faire parce qu’on les rencontre mais l’idéal serait d’établir un questionnaire ciblé. Pourquoi vendre n’importe quoi à n’importe qui ? ».

BOUCHE-À-OREILLE

La difficulté est de se faire connaître mais aussi de se différencier dans un marché ultra foison- nant et là encore c’est le bouche-à-oreille qui fonctionne le mieux. Des utilisateurs, dont certains dans le milieu médical, l’emploient et les actions sont, d’après eux, sur- prenantes. Apaisants, calmants… Les retours confortent l’action des entrepreneurs. Testés dans le laboratoire indépendant Cosmocare de Barcelone, les résultats démontrent également une action anti-tache, anti-ride ou une amélioration des chéloïdes. Les descendants de la Biafine poursuivent une œuvre commencée il y a plus de 70 ans, est-ce un héritage lourd, un exemple, un leitmotiv ? Pour Pierre c’est avant tout « une force » : « On a une connaissance et elle est reconnue, mais la science du vivant a beaucoup évolué. Biafine ce n’est qu’une base sur laquelle on construit et c’est ce qu’on fait avec Gewen la Source ».

LA BIAFINE : L’HISTOIRE D’UNE CRÈME ATYPIQUE

Revenue en force sous les projecteurs après qu’une influenceuse en ait vanté les propriétés anti-rides, la Biafine est pourtant loin d’être un produit à utiliser au quotidien. Principalement recommandée pour les coups de soleil aujourd’hui, elle affiche des propriétés que Michel Wenmaekers a démocratisées, notamment pour les effets de la radiothérapie sur la peau. Son père Georges en est le créateur et Pierre, son petit-fils, revient sur la naissance de cette crème pas comme les autres : « Mon grand-père était inventeur depuis longtemps, il a créé le premier plâtre qu’on coule, par exemple. Son épouse voulait un produit pour la peau, sa belle-fille qui était mannequin aussi, il est arrivé à faire une belle émulsion… dans une cocotte-minute. En soi, ce n’est pas très compliqué de faire une émulsion, c’est de la faire aux normes qui l’est et en ce temps-là elles étaient très relâchées. C’étaient vraiment les débuts. Elle a évolué depuis 1956 dans quelques petites choses comme les conservateurs ou les parfums mais à 99 % c’est la formule initiale ». Commercialisé par le laboratoire familial Medix, celui-ci sera racheté par UPSA qui le sera à son tour par Johnson & Johnson.