La troisième édition d’« O ! Les journées de l’eau » se tenait le 14 juin dernier à Bidart. Intitulée « Stop aux idées reçues », cette conférence-débat était libre d’accès. Environ 70 personnes ont participé à cet exercice démocratique réunissant Maider Arosteguy, maire de Biarritz et Emmanuel Alzuri, maire de Bidart, tous les deux en charge de l’eau au sein de la Communauté Pays basque. Étaient aussi présents des responsables de l’agence de l’eau Adour Garonne, du laboratoire Rivages Pro Tech, de l’agence régionale de santé ainsi que des scientifiques, des universitaires, des représentants d’associations, des citoyens. Face aux critiques et rumeurs dénonçant pêle-mêle l’inefficacité des stations d’épuration ou le manque de transparence des analyses, la Communauté Pays basque a souhaité réagir.
35 zones de baignade
De l’estuaire de l’Adour à la frontière espagnole, la côte basque s’étend sur près de 35 kilomètres avec huit communes littorales : Anglet, Biarritz, Bidart, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Urrugne et Hendaye. En lien avec ces municipalités, la Communauté Pays basque assure un suivi réglementaire de 34 plages océanes et d’un lac. Ces zones de baignade sont un enjeu majeur pour l’activité du tourisme au Pays basque qui a généré 2,2 milliards d’euros de retombées économiques en 2023 selon l’agence départementale du tourisme des Pyrénées-Atlantiques. À Biarritz, le tourisme représenterait 70 % du « PIB » de la ville.
Les plages ont été ouvertes 95 % du temps lors de la dernière saison estivale
Alerte aux fortes pluies
À Biarritz justement, le 20 mai dernier vers 8 h 30, le champion de surf Édouard Delpero assurait le passage de la flamme olympique sur une vague. La belle image restera gravée dans les mémoires mais à midi le drapeau violet d’interdiction de baignade pour pollution a été hissé à la Grande Plage de Biarritz. La raison ? Une pollution bactériologique due aux fortes pluies de la nuit. Les résultats des analyses de l’eau ont été communiqués vers 9 h 30 à la Mairie qui a interdit de baignade à l’ouverture des plages à 10 heures, c’est le protocole. C’est aussi le symbole du défi de Biarritz : s’affirmer capitale du surf tout en luttant contre la pollution océane. Selon l’agglomération du Pays basque, les plages du littoral ont été ouvertes 95 % du temps lors de la saison estivale 2023 et ces fermetures ont généralement fait suite à de fortes pluies dégradant momentanément la qualité de l’eau.
Des réseaux d’eaux souvent obsolètes
« Comme nous sommes une ville avec une forte déclivité, l’eau qui ruisselle n’a pas le temps de s’engouffrer dans les réseaux d’eau pluviale et dans les réseaux unitaires, ce qui se trouve sur le bitume ou la terre termine à l’océan avec toutes sortes de bactéries », déplore Maider Arosteguy. À Biarritz, le réseau d’eau date de la fin du XIXe siècle et rassemble les eaux usées domestiques et les eaux de pluies. Lors d’orages violents, le trop-plein de ce réseau unitaire est évacué vers des bassins tampons situés avant les stations d’épuration mais de l’eau s’écoule malgré tout directement dans l’océan. Selon l’Agglo, cet excédent d’eau de pluie déversé dans le milieu naturel du Pays basque ne contient qu’un litre d’eau usée pour 1 000 litres. Cela n’empêche pas l’interdiction momentanée de baignades en raison de bactéries parfois d’origine fécale.
Avec le changement climatique, les orages s’intensifient et provoquent des débordements des réseaux d’assainissement
Bassins tampons et bonnes pratiques
Aujourd’hui seulement 15 % du réseau d’assainissement du Pays basque sont uniquement unitaires soit 300 km de canalisations sur les 1 900 que compte le réseau. Les réseaux unitaires les plus anciens sont principalement situés dans les centres-villes d’époque comme à Biarritz. Construire un réseau séparatif est hors de prix pour une commune : « cela se chiffre à plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de millions d’euros », estime Maider Arosteguy. La Communauté d’agglomération compte 139 bassins tampons principalement sur le littoral. L’objectif est d’en agrandir certains mais aussi d’encourager les bonnes pratiques comme l’obligation de créer des bassins de rétention dans les projets de construction ou de végétaliser des surfaces bétonnées afin qu’elles absorbent l’eau de pluie.
Le coût faramineux des stations d’épuration
Depuis sa création en 2017, la Communauté d’Agglomération Pays basque assure avoir investi plus de 200 millions d’euros dans la mise aux normes des équipements les plus vétustes et la modernisation de son réseau comprenant 117 stations d’épurations. Les 16 plus grandes stations traitant 90 % des eaux usées du Pays basque sont visées en priorité. À Saint-Jean-de-Luz, la reconstruction de la station d’Archilua est chiffrée à plus de 45 millions d’euros. À Bidart, la station d’épuration de l’Uhabia, construite pour une capacité de 25 000 équivalents habitants, est à saturation en période estivale. Pour six millions d’euros, elle est actuellement agrandie pour 37 300 équivalents habitants.
Drapeau bleu contre drapeau violet
En partenariat avec Rivages Pro Tech, laboratoire créé par le groupe Suez à Bidart (voir LVE n° 2541 du 25 janvier 2023), la communauté d’agglomération du Pays basque est capable d’analyser les eaux de baignade en trois heures afin d’informer les communes en tout début de journée, une information vitale en saison estivale. Si 21 plages de la côte basque s’enorgueillissent du fameux pavillon bleu 2024 (toutes les municipalités ne l’ont pas demandé), le récent classement de l’association « Eau et Rivières de Bretagne » déconseillant la baignade sur quelques plages basques du fait de pollutions récurrentes (à découvrir sur labelleplage.fr) pointe l’étendue du problème.
À Saint-Jean-de-Luz, la reconstruction de la station d’épuration Archilua est chiffrée à plus de 45 millions d’euros
Collecte des déchets en mer
De l’augmentation de la population au Pays basque à la bétonisation du territoire, du changement climatique facteur de fortes pluies au désir de « consommation » d’activités nautiques à l’année, l’équation est difficile à résoudre pour les exécutifs des collectivités territoriales. En plus de la pollution bactériologique générée par les déversements des cours d’eau et les fortes pluies s’ajoutent les macrodéchets marins. Issus de l’activité humaine, flottant en surface ou immergés, ces macrodéchets visibles à l’œil nu sont une pollution supplémentaire pour le littoral basque comme hélas bien d’autres rivages de la planète. Pour 30 000 euros, un bateau affrété par la Mairie de Biarritz ramassera ces déchets au large en juillet et en août. À Saint-Jean-de-Luz, une opération identique sera menée.
« Y’a qu’à Faut qu’on »
« On ne peut pas accuser l’Agglomération de nos travers civilisationnels », reconnaissait Alexandre Hurel lors du débat organisé à Bidart. Surfeur, journaliste et écrivain, il vient de publier Y’a qu’à Faut qu’on, un ouvrage de 180 pages aux éditions Arteaz. Véritable enquête sur la qualité des eaux de baignade et de surf sur la côte basque, ce livre démontre toute la complexité de la question. Hurel reconnaît l’honnêteté de la Communauté d’agglomération du Pays basque qui lui a fourni les informations demandées. Aux citoyens maintenant de prendre conscience de la raréfaction de l’eau, de la fragilité de son écosystème, des attitudes responsables à adopter.
Ostreopsis : une algue sous surveillance
Observée sur les plages basques dès l’été 2020, l’algue Ostreopsis peut entraîner, en cas de concentration importante, des réactions cutanées et respiratoires. Le développement de cette microalgue tropicale invisible à l’œil nu est causé par le réchauffement climatique. Ayant déjà entraîné la fermeture exceptionnelle de plages en 2021, l’Ostreopsis est menaçante car sa prolifération pourrait obliger à restreindre non seulement la baignade mais aussi la fréquentation des plages, un scénario catastrophe pour les stations balnéaires. Le programme Ostreobila doté de 2,2 millions d’euros a été lancé de printemps pour étudier et comprendre cette nouvelle pollution « naturelle ».
35 millions d’euros pour les eaux de baignade
En 2024, le budget total de la communauté d’agglomération du Pays basque s’élève à 557 millions d’euros dont 326 millions pour le fonctionnement des services publics de la collectivité et 231 millions pour l’investissement. Avec 95,14 millions, les postes « eau potable, assainissement et cycle de l’eau » représentent les principaux investissements de l’Agglo avec notamment 35 millions consacrés la qualité des eaux de baignade.