La Vie Économique : Vous avez été élu président de l’UMIH 47 lors de la dernière assemblée générale (organisée en mars 2022). Pourquoi avez-vous postulé au poste de président ?
Adrien Pedrazzi : « J’étais secrétaire général depuis plusieurs années et j’ai eu envie de m’investir un peu plus. Quand Jean-François Blanchet (l ’ancien président) a annoncé sa candidature à la Chambre des Métiers, j’ai pris la décision d’être candidat à sa succession que j’ai eu le temps de bien préparer pendant 1 an. C’était aussi le bon moment pour toute l’équipe, qui a très peu changé, d’apporter du changement. »
LVE : Quelles sont vos priorités en tant que nouveau président ?
A.P. : « Il y en a beaucoup vu le contexte général ! Je pense que nous sommes la profession qui a le plus souffert pendant la crise sanitaire. On parle des aides de l’État mais il s’agit en fait de dettes contractées via les PGE (prêt garanti par l’État) pour soutenir nos structures alors que l’on nous a imposé la fermeture de nos restaurants. La situation est très tendue actuellement car on entre dans la phase de remboursement de ces prêts alors que les structures restent fragiles. Il faut être très vigilant. »
On entre dans la phase de remboursement des PGE alors que les structures restent fragiles
LVE : Que peut faire l’UMIH dans ce contexte ?
A. P. : « Nous avons monté un groupe d’entraide avec la CPME ( Confédération des petites et moyennes entreprises) qui regroupe aussi des acteurs comme la Préfecture, la Banque de France, l’URSSAF pour aider nos entreprises au cas par cas. Nous mettons aussi en place des partenariats pour l’achat d’énergie de nos adhérents car la situation est catastrophique avec l’envolée des prix. Pour vous donner un exemple, un de nos hôtels qui payait 3 500 euros a vu sa facture d’électricité grimper à 8 500 euros. Un autre est passé de 3 500 euros à 14 000 euros de gaz. À côté de cela, les prix des denrées alimentaires ont aussi flambé et on peut ajouter la pénurie de canards liée à la grippe aviaire, la guerre en Ukraine et même la hausse des salaires, via les minimas sociaux, qui étaient censés renforcer l’attractivité de nos métiers. »
LVE : Cela n’a pas été le cas ?
A.P. : « Non et cela a même rendu des situations encore plus fragiles. Certains hôtels ayant des employés cadres de catégorie 4 ou 5 se sont retrouvés avec des augmentations de 6 ou 7 euros de l’heure. Lors d’une réunion de l’UMIH nationale à Paris, un hôtelier me confiait qu’une de ses cadres est ainsi passée de 2 300 euros de salaire net mensuel à 3 000 euros ! Au final, cela lui fait une augmentation de charges de 550 000 euros sur l’année et il ne sait pas comment la payer. Je peux même ajouter les décisions de plusieurs villes de réduire les terrasses pour revenir aux situations d’avant-Covid alors que la profession ne s’est pas encore remise de la crise sanitaire. En fait, c’est un mille-feuille de problèmes avec des couches qui s’ajoutent les unes aux autres.
Je l’ai dit au préfet : si vous remettez un pass sanitaire, c’est la catastrophe nucléaire pour notre profession
LVE : Dans ce tableau très sombre, y a-t-il des lueurs d’espoir pour la profession ?
A.P. : « La bonne nouvelle, c’est que la saison semble bien repartir, pour les restaurateurs comme les hôteliers, sur un rythme d’avant-Covid avec des premières réservations porteuses d’espoir pour les vacances d’été. La profession garde toutefois le moral et tente de trouver des solutions techniques à l’image du déménagement de l’UMIH 47 vers la Chambre d’Agriculture afin de se rapprocher vraiment des producteurs et mettre plus en avant les circuits courts et les produits du terroir. Malgré cela, on reste vraiment prudent car on a toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête avec le Covid et les nouveaux variants. Je l’ai d’ailleurs dit au préfet du Lot-et-Garonne : si vous remettez un pass sanitaire, c’est la catastrophe nucléaire pour notre profession. »
LVE : Ce rapprochement avec les producteurs locaux répond aussi à une tendance très forte de la part des consommateurs ?
A.P. : « Oui surtout que nous avons la chance en Lot-et-Garonne de posséder un terroir exceptionnel avec un bassin de fruits et légumes qui rayonne dans toute la France ou de bonnes volailles. Et puis ce rapprochement avec nos fournisseurs nous permet aussi de nous entraider entre restaurateurs, on partage nos contacts notamment ces temps-ci sur le canard, où il est très difficile de trouver du magret, pour ne pas trop augmenter nos prix. Je vais vous donner un autre exemple de notre réalité actuelle : j’achetais l’an dernier le kilo de saumon à 9,90 euros et il est aujourd’hui à plus de 24 euros ! Face à ça, il n’y a pas beaucoup de solutions : soit on réduit les portions soit on trouve d’autres sources d’approvisionnement. »
LVE : C’est l’une des actions menées par l’UMIH ?
A.P. : « Oui en mettant plein de partenariats en place avec des fournisseurs pour créer une carte d’adhérent permettant d’avoir des prix ou des offres spéciales. Dès qu’on peut optimiser (sur du matériel ou des denrées), on le fait mais c’est un combat quotidien. Heureusement, je peux compter sur les 11 membres du conseil d’administration où chacun a son domaine de compétence. »
LVE : Quelle est la situation de la profession spécifiquement sur Agen, une des villes de France qui compte le plus de couverts par rapport à son nombre d’habitants ?
A.P. : « Là-aussi on doit faire face à un gros dumping des enseignes nationales qui arrivent en nombre sur Agen ces derniers mois. L’un de mes objectifs, au niveau national, c’est de faire légiférer le terme de « restaurant » pour éviter que tout le monde ne l’utilise, parfois à tort. On pourrait faire une charte du restaurant, comme celle de maître restaurateur, comprenant l’obligation de cuisiner des produits frais, locaux et travaillés sur place. L’UMIH au niveau national travaille déjà dessus.
LVE : Quels sont les autres sujets traités au niveau national ?
A. P. : « On parle très peu de la perte d’une partie du fonds de commerce alors que c’est un sujet majeur avec des établissements qui ont perdu en moyenne 30 % de leur valeur d’avant Covid. On se bat donc pour que les PGE soient offerts aux entreprises de notre profession car on n’a pas demandé à fermer nos établissements, on nous l’a imposé ! Avant le Covid, je n’avais pas de crédit ni de prêt et je me retrouve avec un PGE…En fait, on ne nous a pas aidés, on a créé de la dette alors il va nous falloir des compensations. »
LVE : Du côté des clients, y a-t-il eu un effet Covid ?
A.P. : « On constate en effet que la façon de consommer est différente avec des gens qui ont pris l’habitude de prendre leur gamelle le midi, se faire livrer ou de rentrer chez eux pour déjeuner plutôt que d’aller au restaurant comme ils le faisaient avant. Il faut qu’on se réapproprie la clientèle en faisant un gros travail de fond. Pour les hôtels par exemple, il y a beaucoup moins de réunions ou de séminaires organisés depuis l’essor des visioconférences. »
LVE : La communication sera-t-elle un de vos objectifs en tant que nouveau président ?
A. P. : « Oui avec aussi la création d’un organisme de formation intégré à l’UMIH 47 en proposant des formations sur le dépôt du permis d’exploitation, l’hygiène… Pour la communication, nous avons noué un partenariat avec une école d’informatique à Agen (In Tech) dont les étudiants ont besoin de travailler sur des projets concrets comme celui d’une application pour nos adhérents. On pourrait mettre en place des push ou des offres spécifiques sur le tourisme. Nous allons aussi recruter une assistante pour nous aider à trouver de nombreux adhérents, renforcer le réseau pour des conseils personnalisés ou développer un fonds de tourisme durable sur le département avec un système d’aides pour le développement de projets « durables ».
LVE : Sur la problématique du recrutement, la profession est-elle en train d’évoluer est-elle en train d’évoluer pour répondre à cette pénurie de main d’œuvre ?
A.P. : « La réalité c’est que de nombreux restaurants ne peuvent pas ouvrir par faute de personnel car le métier n’est pas attractif et compte beaucoup de turn-over. Aujourd’hui, de plus en plus de restaurants ferment le week-end pour offrir des temps de repos à leurs employés ou optimiser leur organisation. Dans mon restaurant, les salariés ont 2,5 jours de congés par semaine, sont à 35 h et ne finissent pas tard soir. Pourtant, cela fait 5 mois que j’essaie de recruter un serveur. Aujourd’hui, un cuisinier peut recevoir 5 propositions en une journée et choisir le plus offrant, ce qui fait monter les salaires. »
ADRIEN PEDRAZZI EN QUELQUES DATES
2005 : Diplôme BTS Force de vente au Lycée Jay de Beaufort de Périgueux
2008 : Diplôme de Master Professionnel spécialisation vente et distribution à l’ICSV de Toulouse
2011 : Cogérant et directeur commercial, marketing, stratégie et achats de l’agence de communication et web agency « Agence 32e jour »
2013 : Finaliste de la saison 4 du concours télévisuel « Masterchef » sur TF1
2014 : Fonde le foodtruck « Pronto Al Gusto » et la Marque « Adrien Pedrazzi » (produits dérivés foie gras, pâtes, huile d’olive)
2014 : Président des Maîtres Pastiers de France
2015 : Obtient son CAP de Cuisine au Lycée polyvalent d’hôtellerie et de Tourisme de Gascogne à Talence
2016 : Vice-Champion du monde aux World Food Championships en Floride
2017 : Vice-président des Bouffons de la Cuisine (avec Michel Trama)
2022 : Président de l’UMIH 47