Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Etri Sud-Ouest, la chaudronnerie des temps modernes

Aussi attachée aux bien-être de ses employés qu’au respect de l’environnement, Etri Sud-Ouest bouleverse les codes de la chaudronnerie et de la métallurgie. Devenue un des leaders régionaux de ce secteur d’activité, l’entreprise affiche une croissance solide qui va de pair avec des conditions de travail uniques. Entre salle de sport et bâtiment innovant, le site de Villecomtal-sur-Arros a triplé son effectif : une reconversion réussie pour Allen Tani, un dirigeant pas comme les autres.

Allen Tani PDG d’Etri Sud-Ouest

Allen Tani PDG d’Etri Sud-Ouest © Louis Piquemil - La Vie Economique

Lorsqu’il parle de son entreprise, il dit « on » et rarement « je ». Comme un sportif qui joue collectif et refuse de se mettre en avant, conscient que sans son équipe la victoire n’aurait pas été au rendez-vous. Les buts c’est pourtant lui qui les atteint, les uns après les autres, en menant son monde sur les plus beaux podiums. PDG d’Etri Sud-Ouest, Allen Tani fait partie de ces dirigeants dont les expériences passées ont façonné la vision. Dans les 4 000 m² de l’entreprise, il ne faut pas le chercher dans une tour d’ivoire mais le suivre à travers les couloirs, passant d’un atelier à l’autre, faisant le lien entre les ouvriers spécialisés et le bureau d’étude, des espaces sans autre séparation que celles des activités… Et c’est bien ce qui fait la force de cette chaudronnerie hors du commun. Si chacun a son rôle, son savoir-faire et ses compétences, tous forment une équipe et elle est aussi soudée que les pièces qui y sont produites chaque jour.

Aux antipodes de l’image de la chaudronnerie

Installée depuis le début de l’année à Villecomtal-sur-Arros, village du Gers, en bordure des Hautes-Pyrénées, Etri Sud-Ouest ne ressemble à aucun autre site industriel. Par son histoire, sa conception et sa philosophie, elle offre une réalité aux antipodes de ce que l’imaginaire renvoie de la chaudronnerie et la métallurgie. Loin des pièces sombres où seule la poussière rythme les heures en s’accumulant, les ateliers sont tous ouverts vers l’extérieur, baignés de la lumière du jour et bordés par des terrasses abritées par les auvents. Dans ces trois espaces qui s’enchaînent, l’activité est pourtant intense, chaudronnerie, découpe aux lasers, jets d’eau, pliage, peinture, soudure, assemblage et mécanique occupent les postes. Dans chacun d’eux, l’aluminium et le métal se plient, se lient et se transforment, des immenses portails aux plus délicates pièces, toutes les conceptions sont possibles.

Etri

© Louis Piquemil – La Vie Economique

Un nom de l’automobile

Un panel de compétences qui place désormais l’entreprise parmi les leaders régionaux de son secteur d’activité, un développement remarquable qui s’est fait en à peine 7 ans et se traduit par un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros. En 2015, les choses étaient bien différentes, à commencer par le dirigeant qui était déjà un vrai acteur de l’économie dans les Hautes-Pyrénées… Mais dans un tout autre domaine. Figure intournable de la marque Renault, Allen Tani y a gravi les échelons durant 25 ans : « Au départ je travaillais pour un indépendant qui s’appelait Jean Flahaut, c’est quelqu’un qui a beaucoup compté, c’était mon père spirituel, il m’a beaucoup appris. Son affaire a été rachetée en 2001 par le concessionnaire voisin, on a grossi et on est devenu Edenauto. J’étais directeur de plaques, j’avais quatre concessions sous mon autorité situées à Tarbes, Lourdes, Lannemezan et Aire-sur-Adour ».

Une reconversion inattendue

Une carrière professionnelle magistralement menée, qui semblait pouvoir se poursuivre sans nuages jusqu’à un changement de direction et des conceptions de travail différentes. Un vrai virage pour Allen Tani qui hésite à quitter ce groupe puis finalement moins que prévu. Différentes pistes s’offrent alors au Tarbais, la plupart logiquement tracée dans le secteur de l’automobile mais la logique justement n’est plus d’actualité. Ce qu’il veut, c’est donner vie à sa vision de l’entreprise de demain, respectueuse des hommes comme de la nature, un petit univers qui, s’il n’est pas parfait, correspond à son idéal et ce qu’il est.

J’avais senti le potentiel de la chaudronnerie, il fallait la restructurer et me restructurer moi-même car je n’y connaissais pas grand-chose !

Rachat d’Etri

Autant dire que l’annonce du rachat de la chaudronnerie a surpris l’entourage du professionnel de l’automobile : « Ma mère m’a demandé si je n’étais pas devenu fou », se souvient Allen Tani en riant. En 2015, il investit donc dans l’entreprise de Villecomtal, qui était alors à quelques centaines de mètres de celle d’aujourd’hui. Un choix aux antipodes de son cursus qui le motive pourtant sans fausses notes : « C’était une boîte où il ne se passait plus rien, il a d’abord fallu reconquérir des marchés. Il y avait à peine une dizaine de salariés et le chiffre d’affaires plafonnait à 1 million d’euros. Mais j’avais senti son potentiel, il fallait la restructurer et me restructurer moi aussi parce que pour être honnête je ne connaissais pas grand-chose à l’industrie. J’ai embauché plusieurs cadres, Hélène aux RH, Laurent à la direction, Francis comme chargé d’affaires, Hassan comme chef d’atelier et ensemble, on l’a développée ». Assez développée pour que de nouvelles embauches s’avèrent nécessaires pour assurer la production qui s’emballe, un staff élargi qui se confronte au manque de place… Alors le dirigeant a racheté MTSI, une entreprise de Rabastens-de-Bigorre spécialisée dans la serrurerie.

Avec le site des Hautes-Pyrénées, s’ajoutent donc les compétences en ferronnerie d’art, pergolas et la réalisation de portails et le développement se poursuit. Tant et si bien que l’histoire se répète, de nouveaux contrats demandent plus de bras, difficiles à loger malgré les deux lieux de production : « Et on a repris une boîte située à Monlezun à côté de Marciac, spécialisée dans la peinture ». Un choix qui n’est pas dû au hasard pour ETRI qui veut assurer à ses clients des produits finis et maîtrisés de A à Z. Pour réduire les coûts de transport mais aussi les délais, Allen Tani leur propose d’assurer dans ses ateliers ces différentes phases et le concept trouve un écho plus que favorable : « En gros on a fabriqué une usine pour répondre aux besoins des clients ».

La nouvelle usine : un site unique de 3 millions d’euros

Si pour ces derniers, le procédé est celui de la simplification, les allers et retours entre les trois sites géographiquement dispersés l’est beaucoup moins pour Etri Sud-Ouest. Après quelques mois de fonctionnement, la construction d’un lieu unique s’impose et c’est ainsi que l’usine a vu le jour en début d’année 2023.

Impensable pour le chef d’entreprise de concevoir un lieu sans tenir compte des paramètres environnementaux, tout comme il était hors de question de ne pas mettre le bien-être des employés au cœur du projet : « Dans l’humain et l’environnement, il y a des choses qui se sont croisées, par exemple l’isolation. J’ai doublé les normes, ça nous a permis d’économiser sur le chauffage et de moins consommer et bien sûr de ne pas souffrir du froid ».

Depuis mai, une centrale photovoltaïque a été installée sur le toit pour que l’usine soit en autoconsommation à partir de juillet

Une énergie positive qui se combine avec le photovoltaïque, depuis mai une centrale a été installée sur le toit pour que l’usine soit en autoconsommation à partir de juillet : « Quand on sera fermé, on revendra l’électricité à EDF, ça coûte certes beaucoup plus cher au départ, rien que le transformateur s’élève à 100 000 euros mais je préférais ne pas construire que le faire sur l’ancien modèle. Et le Crédit Agricole nous a particulièrement bien accompagné dans ce projet ».

Dans le même esprit, les sanitaires sont alimentés par la récupération des eaux pluviales qui assure également l’arrosage des espaces verts : « Je suis persuadé qu’un jour, de la même manière qu’on demande un DPE lors des ventes des logements, on le demandera aux entreprises. Je l’ai anticipé parce que c’est comme ça que je le perçois ». Une pelouse, des hortensias, des oliviers : le cadre se veut aussi accueillant qu’attrayant et résume bien la philosophie de la construction qui a nécessité un investissement de 3 millions d’euros.  Etablie en concertation avec les employés, elle offre des conditions de travail inattendues dans un site industriel. Si le quotidien des ateliers n’est pas celui d’une start-up, Etri Sud-Ouest a été pensée comme le plus agréable possible.

Respect et valorisation des ouvriers

Salle de sport équipée de machines dernier cri, espace de restauration avec cuisine et télévision, lumière naturelle dans les ateliers, vestiaires avec douches à l’Italienne, place de parking, climatisation ventilée… Des détails telles les fontaines d’eau fraîche aux points essentiels comme les ponts et les chariots élévateurs, l’ensemble est composé pour un bien-être optimal, tant dans l’activité elle-même que ses à-côtés : « Ces conditions me paraissent normales, elles ne traduisent que la considération et le respect. Les ouvriers sont valorisés, pour tout ce qui relève de ma responsabilité, je voulais qu’on n’ait rien à me reprocher. Ici on parle et on communique, on se dit tout et je n’envisageais pas l’usine autrement ».

Des clients multiples et variés : Airbus et même des artistes

Un outil exceptionnel que 34 employés font désormais vivre chaque jour et la croissance régulière en fait une entreprise solide, capable de travailler dans le secteur de l’aéronautique avec des sous-traitants comme ceux d’Airbus, l’agriculture, un secteur à forte expansion pour Etri qui vient d’acquérir le brevet d’un semoir semi-direct innovant… Et même les artistes via son bureau d’études : « Ils arrivent avec leurs idées et leurs plans, on les produit ensemble pour que les projets se réalisent. C’est vrai qu’on est tellement varié qu’on est capable de tout faire et on ne s’interdit rien. Nos clients sont multiples et variés, on en a à 100 € et d’autres à 10 000 € ou 100 000 €. A partir du moment où quelqu’un a besoin d’un bout de ferraille, on est là », s’amuse le dirigeant.

Fort de cet éventail de compétences ultra-complet qui lui permet de tabler sur la chaudronnerie, la métallurgie, la serrurerie et même la peinture, l’entreprise qui a su se diversifier s’est définitivement imposée dans un milieu où la concurrence régionale est de moins en moins présente : « La chaudronnerie est devenue un métier très rare, il faut entre 8 et 10 ans de pratique pour être un chaudronnier de qualité. Dans les années 80 à 2000, on n’orientait pas les jeunes vers ça. Au contraire, c’était décrit comme dur ou sale, sans trop de débouchés. Aujourd’hui c’est le contraire, on le voit avec les centrales, il y a très peu de professionnels dans le monde capables de souder ». Pour recruter, Etri Sud-Ouest n’échappe donc pas aux problèmes généraux de manque de main d’œuvre et si le travail ne manque pas, les employés risquent bientôt de le faire.

Une dynamique pour le monde rural

Quitter le Gers et les Hautes-Pyrénées n’est pourtant pas à l’ordre du jour même si Allen Tani avoue avoir été sollicité pour s’installer à « à Toulouse ou à Bordeaux parce que le centre de trafic d’intérêt était là-bas » : « J’ai simplement dit non, je voulais faire de l’industrie dans la campagne et être l’homme le plus heureux du monde. Mes employés habitent tous à moins de 15 kilomètres. C’est une dynamique qui bénéficie à tout ce qu’on appelle la ruralité. Le restaurant du village marchent mieux, les écoles tiennent, les commerçants aussi… Et j’aime que des grands-pères et des grands-mères nous saluent en passant ». Une proximité qui se retrouve dans la clientèle, alors que certains contrats s’élèvent à des milliers de pièces, il n’est pas rare que les ouvriers dépannent un agriculteur du coin qui en casse une de son tracteur. Un quotidien qui ressemble à celui dont le dirigeant avait rêvé et au-delà des différents marchés à remporter, la prochaine étape c’est de mettre des vélos électriques à disposition des employés pour leur faciliter les trajets. Employés que leur patron admire sans le cacher : « Quand ils font des choses, je vais les voir comme un enfant émerveillé. Ils m’étonnent encore ».