L’ex-DRH et son compagnon (lire encadré) ont créé l’entreprise artisanale fin 2022, en pleine campagne, après avoir apprivoisé cette idée folle à coups d’essais de fumaison lors du confinement de 2020, à Bordeaux, « l’indépendant que je suis n’avait alors ni activité, ni aides », souligne le dirigeant. Après pas mal de recettes à rayer de la carte sont arrivées des expériences encourageantes dans l’art si particulier de fumer à froid, régalant les amis avant d’aboutir à une étude de marché. « Quitte à changer de vie, autant choisir une activité agréable et qui fait plaisir, résume la responsable de production. L’aspect créatif m’intéresse. » Et elle cultive la base administrative et juridique qui faisait son métier d’hier. Son conjoint vient en appui pour le développement commercial.
De Bordeaux au Périgord
Le temps de trouver un lieu de vie et d’aménager un laboratoire dans un ancien site de gavage d’oies, près de Siorac-en-Périgord (investissement de 80 000 euros, accompagné par Initiative Périgord), et la créativité avance dans les subtilités de la saurisserie, après une formation en Bretagne, la seule dédiée au fumage à froid. « Il se fait de 15 à 25 °C*. Nous évacuons l’humidité, le carbone, pour épurer et empêcher l’âcreté, un rituel que nous gardons secret. » Avec une adaptation constante aux différences de températures, une maîtrise de la condensation. Le résultat est aussi une question de feeling. « Il faut compter avec le temps de séchage, qui exacerbe le goût. » De quoi révéler de nouvelles saveurs et surprendre des papilles que des standards de grande distribution ont formatées.
Équilibre et mesure
Le Fumoir du Périgord travaille en circuits courts et provenances raisonnées. La créatrice est une perfectionniste qui aborde ces produits dans leur complexité, avec minutie ; pas trop salés, pas trop fumés. « Nous faisons tout tester chaque trimestre par le laboratoire départemental d’analyses, alors que rien ne nous y oblige. » L’eau claire de la source proche est privilégiée, là aussi au prix de contrôles réguliers. Authentique tradition et innovation s’appliquent aux poissons d’eau douce et de mer. Incontournables truite (de montagne) et saumon (label rouge d’Écosse), mais aussi esturgeon et anguille et, avec un pêcheur professionnel sur la Dordogne, l’incroyable silure : ici, ce poisson blanc ne fait plus peur, sa chair est traitée puis dessalée pour révéler sa finesse, dans une texture comparable au saumon.
Pour les poissons de mer : thon, maquereau, sardine, bar de ligne, dorade, maigre. Le poulpe de roche se déguste en tapas. Et le foie de lotte est présenté dans un bocal d’huile. Le traitement à froid conserve à ces chairs fumées un moelleux incomparable, repéré par les restaurateurs locaux. En Périgord, la viande ne saurait échapper à ce traitement : magret de canard (IGP Périgord) et d’oie (rien à voir avec le magret séché), foie gras, filet mignon, langue de bœuf. La betterave et le fromage sont déjà dans les tuyaux, et une innovation maison arrivera bientôt sur le marché.
Marché saisonnier
Depuis les débuts de l’entreprise, le prix de l’énergie a augmenté, celui de certaines matières premières a plus que doublé. « Des consommateurs font le choix du moins mais mieux, se font plaisir de temps en temps, d’autres ont les moyens d’une régularité d’achat. » À l’approche des fêtes, la présence commerciale va s’accentuer dans des salons gastronomiques régionaux, le cadre idéal pour Christophe Gendreau, qui cherche un marché bordelais pour compléter les présences à Périgueux le samedi et Saint-Cyprien le dimanche « où notre chiffre continue de progresser dans un contexte à la baisse de 30 % pour bien des collègues de l’alimentaire ». Et les démarches sont en cours pour entrer sur une plateforme premium d’ici Noël, l’une des saisonnalités fortes avec l’été : ces spécialités accompagnent le temps des vacances en Périgord, qui riment avec qualité de vie.
* Le fumage à chaud, de 65 à 85 °C, concerne les charcuteries
Une activité traiteur s’ajoute : rillettes fraîches de truite et saumon, lucullus appréciés lors de soirées d’exception et mariages
Parcours
« J’ai toujours adoré la cuisine, c’est un rêve d’enfant. » Pour soutenir le lancement de ce nouveau métier, Christophe Gendreau a conservé l’activité du cabinet de développement de compétences qu’il a créé à Bordeaux. « J’y invite à se désintoxiquer des écrans pour revenir aux relations humaines, mon chemin depuis 1991 », après une activité dans l’événementiel puis le management, dans un groupe influent qui a évolué à l’international et pour lequel il a travaillé au Brésil. En 2004, il s’est recentré sur une certification de coaching et a quitté Altran en 2008 pour créer Sujets Libres.