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Hippodrome de Villeneuve-sur-Lot : la femme qui tient les rênes

À 32 ans, Alice Cassany est la plus jeune présidente d’hippodrome de France et l’une des rares femmes à occuper cette fonction. Passionnée par les chevaux, elle représente une nouvelle génération à la tête de la filière équine en Lot-et-Garonne. Rencontre avec elle à l’hippodrome de Sangruère, lieu emblématique des courses de chevaux.

Alice CASSANY, présidente de l'hippodrome de Villeneuve-sur-Lot

Alice CASSANY, présidente de l’hippodrome de Villeneuve-sur-Lot © Louis Piquemil - La Vie Economique

L’histoire des Haras nationaux à Villeneuve-sur-Lot a fait long feu (lire encadré), pourtant il est évident que la bastide a lié son destin pendant des décennies avec celui du cheval. Il suffit d’ailleurs de se promener dans la campagne villeneuvoise pour constater qu’ici plus qu’ailleurs en Lot-et-Garonne, les équidés sont très présents. À sa façon, Alice Cassany est l’héritière de ce passé et elle représente aussi le futur d’un milieu où longtemps, les femmes n’ont pas eu voix au chapitre : « les courses sont un milieu masculin. Au sein des présidences, il y a peu ou pas de femmes. Les centres équestres attirent beaucoup les filles mais dans le milieu professionnel, ce sont essentiellement des hommes », commente-t-elle.

Le choix de la jeunesse et de la modernité

Passionnée par les chevaux et cavalière depuis l’enfance, Alice s’est d’abord dirigée vers les concours de saut d’obstacles. Devenue inséminateur professionnel en 2014, elle commence à côtoyer les éleveurs de trotteurs. Mais c’est alors que son père, Patrick, était maire de Villeneuve-sur-Lot (2012-2020) qu’elle découvre l’hippodrome de Sangruère : « De par ses fonctions, mon père était invité chaque année pour remettre des prix et je l’accompagnais. Je connaissais le monde des courses sans le connaître. Alors, l’ancien président de l’hippodrome, Jean-Marc Gruppi, m’a demandé de devenir bénévole de la société hippique », se souvient Alice. La rencontre avec son mari, driver amateur, l’a définitivement poussée vers l’élevage de trotteurs et les courses hippiques. En 2023, alors qu’un nouveau président doit être élu, plusieurs candidats sont en lice et les sociétaires font le choix de la jeunesse et de la modernité en élisant une jeune femme qui prend les rênes de la société hippique de Villeneuve-sur-Lot : Alice Cassany.

 Il ne faut pas oublier que sans les parieurs, il n’y aurait pas de filière équine

Alice Cassany, bio express

32 ans, 1 enfant

Cavalière depuis l’enfance

2011 : BTS productions animales, spécialisé dans l’élevage du cheval à Laval

2014 : Licence en insémination équine

2021 : diplôme d’ingénieur agronome

2021 : Conseillère d’entreprise pour l’installation de jeunes agriculteurs

2023 : présidente de la société hippique de Villeneuve-sur-Lot (mandat de 4 ans), membre de la Fédération régionale des courses (seule femme parmi 12 membres) et secrétaire du Groupement des éleveurs de trotteurs du Sud-Ouest

Hippodrome

© Bertrand Destruhaut

La société hippique : une institution

La société hippique de Villeneuve-sur-Lot est la plus vieille association de la ville. Créée en 1875, elle fêtera ses 150 ans en 2025. Initialement basé dans le quartier Virebeau, l’hippodrome déménage à Sangruère en 1959. Le site de 20 hectares est la propriété du marquis Louis de Scorraille, qui la loue via un bail emphytéotique. La piste en herbe mesure 1 150 mètres de long pour 16 mètres de large. La société hippique y organise chaque année 6 journées de courses de fin mai à fin septembre. Si le cadre est champêtre et le site entretenu par des sociétaires bénévoles, l’hippodrome de Sangruère abrite l’une des plus belles pistes de France. Pour preuve, elle fait partie des 14 étapes du Trophée Vert qui est le circuit majeur du trot sur herbe. Chaque année, les meilleurs trotteurs de France se retrouvent donc à Villeneuve-sur-Lot, généralement fin mai. La course est alors disponible pour les paris du PMU dans le monde entier. Les autres jours de course, ce sont 700 à 800 personnes qui se retrouvent en bord de Lot pour un montant avoisinant les 35 000 euros de paris : « Une petite partie de cette somme revient à l’hippodrome et surtout à la filière. Il ne faut pas oublier que sans les parieurs, il n’y aurait pas de filière équine », explique la jeune présidente.

Chaque année, les meilleurs trotteurs de France se retrouvent à Villeneuve-sur-Lot, fin mai

Le bien-être animal en question

L’hippodrome de Sangruère est en cours de labellisation EquuRES (label bien-être animal et environnemental) et a intégré en 2023 le dispositif « Race And Care » mis en place par la Fédération Nationale des Courses Hippiques. L’objectif est de promouvoir les actions de la filière hippique sur la toile et sur le terrain. Il englobe trois grandes thématiques sur le cheval athlète : le respect et la considération à son égard, sa sécurité (médications, conception des infrastructures, réglementation du code des courses), et bien sûr, sa reconversion.

Un sport populaire et familial

Les chiffres du PMU en France peuvent donner le tournis : avec 9 milliards d’euros par an, les paris hippiques représentent un montant considérable. Avec des chevaux qui trottent à plus de 40 km/h, la question du dopage est évidemment un enjeu majeur. Sur ce sujet, Alice se veut rassurante : « Il y a chaque année 60 à 80 tests positifs sur plus de 35 000 prélèvements. Cela représente 0,23 %. Les amendes peuvent aller jusqu’à 100 000 euros et la licence d’entraîneur peut être suspendue, voire retirée. C’est dissuasif ». Et quand on l’interroge sur le rapport à l’argent dans le milieu équin, sa réponse est sans détour : « C’est vrai dans le galop où une certaine élite se rend sur les hippodromes. Le trot, historiquement ouvrier, est resté populaire. Nous avons à Sangruère un public familial et nous faisons tout pour le conserver ».

Hippodrome

© Bertrand Destruhaut

Villeneuve-sur-Lot et les chevaux : une longue histoire !

Le Haras national de Villeneuve-sur-Lot a été créé par décret impérial du 4 juillet 1806 et il fonctionna sans interruption jusqu’en 1832. Supprimé à cette époque par suite de réduction budgétaire, la nécessité d’étalons reproducteurs et d’un dépôt de matériel équestre se fit vite sentir et le projet fut étudié à partir de 1844. En 1845, le conseil municipal villeneuvois fut invité à opter entre le rétablissement du Haras et le passage par Villeneuve-sur-Lot de la ligne de chemin de fer Paris – Limoges – Agen – Tarbes. À l’unanimité, les édiles se prononcèrent en faveur du rétablissement du dépôt d’étalons et l’établissement a fonctionné de nouveau à partir de 1846. Ce vote, resté célèbre, a placé Villeneuve-sur-Lot en capitale équine pendant des décennies et l’a isolé de la modernité du rail tout aussi longtemps. La disparition de l’étalonnage public en 2008 a vidé de son activité principale les Haras nationaux. Fermé au public, le Haras national de Villeneuve-sur-Lot est aujourd’hui géré par la Mairie. Le site accueille à présent l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation en charge de l’état civil des équidés.

Hippodrome de Villeneuve-sur-Lot : les prochains temps forts 2024

La saison hivernale est traditionnellement la période de préparation de l’hippodrome pour les courses estivales. Le premier rendez-vous de l’année aura lieu le 2 mars avec l’Assemblée générale de la Société hippique. Le 16 du même mois, sera rendu le verdict concernant la labellisation EquuRES, un enjeu majeur pour montrer au grand public le respect de l’environnement et l’attention portée au bien-être animal. Les mois printaniers seront dédiés à des travaux d’un montant global de 30 000 euros. D’une part, une enveloppe de 25 000 euros est dédiée au système de filtration et à l’irrigation de la piste pour diminuer la consommation d’eau. D’autre part, 5 000 euros seront consacrés à la mise en place de nouveaux points d’eau pour les chevaux et à l’installation d’un nouveau système d’éclairage. Celui-ci permettra pour la première fois une course en semi-nocturne à partir de 17 heures le 8 juin prochain pour la première journée de courses de l’année. Les 5 autres dates des courses en 2024 sont les suivantes : 30 juin, 21 juillet, 18 août, 8 septembre et 22 septembre.