Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

La CCI Pau Béarn joue la proximité

Didier Laporte, le président de la CCI Pau Béarn, porte un regard mitigé mais confiant sur la vie économique locale. Plus que jamais, la chambre consulaire veut être présente aux côtés des entreprises mais, aussi, des forces vives du territoire.

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

La Vie Economique : Quel regard portez-vous sur la situation économique en Béarn ?

Didier Laporte : « La situation économique est très complexe dans les métiers en tension. Avant d’évoquer ces derniers, je voudrais revenir sur les TPE, et en particulier les micro-entreprises, qui sont aujourd’hui impactées. Celles-ci ont été créées à la sortie du Covid, le plus souvent par des personnes en quête de sens dont les projets n’avaient pas de viabilité économique assurée. Aujourd’hui, on arrive au bout d’un cycle, où des activités qui n’ont pas trouvé leur modèle ne peuvent être continuées. C’est une donnée qu’il faut prendre en compte parce qu’elle vient aggraver la situation économique et augmenter le nombre de défaillances d’entreprises. »

LVE : Qu’en est-il, alors, pour les secteurs en tension que vous évoquiez ?

D. L : « Pour ces secteurs, qui sont la restauration et le BTP, c’est davantage conjoncturel. Concernant le bâtiment : aujourd’hui, la banque centrale européenne a un taux directeur qui est volontairement très fort, dans un contexte d’inflation. L’accès au crédit est donc compliqué pour tout le monde, particuliers et entreprises. Cela entraîne une crise immobilière qui touche par ricochet le BTP et plus largement tout le secteur de l’immobilier. A contrario, et parce que je n’aime pas rester sur des notes négatives, le secteur de l’industrie, et surtout de l’industrie aéronautique, se porte très bien en Béarn. »

Nous avons tout intérêt, à l’échelle de notre territoire, à faire exister une forme de coopération, de « chasser en meute »

LVE : Malgré tout, l’industrie est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre…

D. L : « L’industrie connaît en effet des problèmes de recrutement à l’instar de tous les secteurs, dont la restauration. Les raisons de cette difficulté sont de deux ordres. D’abord, le taux de chômage en Béarn est proche du plein-emploi. Ce chômage structurel empêche de satisfaire les besoins de nos entreprises : il y a une réelle dynamique de recrutement avec de la création nette d’emploi, mais également un taux de chômage qui, lui, est à la baisse. La deuxième raison est liée à l’inadéquation entre l’offre et l’emploi. Sur ce point, les branches professionnelles, les chambres consulaires et tout l’écosystème doivent être capables de former rapidement sur des postes en tension et d’aller chercher des publics éloignés de l’emploi. »

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

© Cyril Garrabos – La Vie Economique

LVE : Pour conclure sur la situation économique, comment résumeriez-vous votre état d’esprit à ce sujet ?

D. L : « Je suis mitigé. On ne peut pas être totalement optimiste quand certains secteurs sont en souffrance. Malgré tout, je veux croire en notre capacité, sur ce territoire, à trouver des issues et des opportunités pour sortir des impasses. Et par ailleurs, en ce qui concerne le bâtiment, je n’imagine pas un instant que nos politiques publiques conduisent ce secteur à la faillite. Rappelez-vous l’expression « Quand le bâtiment va, tout va » : c’est tout à fait vrai. »

Si nous voulons maintenir nos activités, il nous faut mener une politique d’immobilier actif

LVE : La CCI Pau Béarn a mené une consultation en décembre (lire encadré) auprès de 300 chefs d’entreprise. L’inquiétude prédomine chez ces derniers. Que pouvez-vous faire pour les rassurer ?

D. L : « Il est difficile d’apporter des réponses à un ressenti. Cela étant, nous allons continuer à anticiper au mieux les besoins qui pourraient naître chez nos ressortissants et aller davantage encore au-devant de leurs difficultés. À titre d’exemple, nous sommes en train d’organiser des réunions pour dresser le bilan de la saison de ski, en collaboration avec les communautés de communes concernées. Si elles espèrent que les chutes de neige récentes vont permettre de combler le retard pris dans la saison, il n’en reste pas moins « qu’il faut vendanger quand les raisins sont mûrs ». Les vendanges s’annonçant maigres, il faudra que la CCI les accompagne. Par ailleurs, nous nous préoccupons des chefs d’entreprise en difficulté, pour rompre leur isolement en étant présent et en essayant le plus possible de les amener jusqu’à nous. »

LVE : La réhabilitation des locaux de la CCI, actuellement en cours, accompagne cette volonté d’être au plus près des chefs d’entreprise ?

D. L : « En effet, ces travaux ont pour objectif de rendre nos locaux plus ouverts, plus évidents, plus accessibles. C’est d’ailleurs une volonté de notre ministère de tutelle, qui veut ouvrir l’entrepreneuriat au plus grand nombre : il faut donc que les lieux d’entrepreneuriat soient ouverts au plus grand nombre. Jusqu’ici, la configuration des locaux ne le permettait pas. Je souhaitais que l’on entre assez naturellement à la CCI Pau Béarn et que l’on se trouve rapidement en contact avec un conseiller qui puisse donner un premier niveau d’information. Par ailleurs, la deuxième motivation derrière ces travaux est la partie « revenus ». Nous connaissons une baisse de notre ressource fiscale, qui même si elle ne représente que 15 %, n’est pas neutre. Si nous voulons maintenir nos activités, il nous faut mener une politique d’immobilier actif. »

Les travaux à la CCI ont pour objectif de rendre nos locaux plus ouverts, plus évidents, plus accessibles

LVE : La CCI va ainsi louer une partie de ses locaux ?

D. L. : « L’idée est de transformer le bâtiment au 19 rue Louis-Barthou en un espace réceptif. Nous allons reconfigurer l’auditorium, qui était jusqu’alors un amphithéâtre un peu protocolaire, de façon à ce qu’il soit modulable pour pouvoir accueillir des assemblées générales, des conférences, des congrès, etc.  De la même manière, nous mettrons à disposition des salles de réunion. Cela nous permettra par ailleurs d’organiser nos manifestations dans nos locaux, comme le Salon de l’entrepreneuriat ou Trans’affaires ou encore La Nuit de l’orientation. »

LVE : Lors de vos vœux, vous avez émis le souhait de voir se rassembler les forces vives du territoire. Partagent-elles ce sentiment ?

D. L : « C’est en effet une volonté de quelques acteurs, dont je suis. Mohamed Amara, le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, mais aussi la technopole Hélioparc, se sont exprimés en ce sens et je pense que d’autres le feront. Nous avons en effet tout intérêt à l’échelle de notre territoire à faire exister une forme de coopération, à aller « chasser en meute ». En se fédérant, nous serons les plus économes en deniers publics, et avec le même niveau d’investissement, nous serons beaucoup plus efficients. Ensemble, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin : c’est vraiment le leitmotiv qui nous guide pour que chaque dispositif soit pleinement exploité afin que notre territoire, qui est dynamique, rayonne. Si on arrive à faire cela, nous serons plus forts et peut-être plus entendus notamment sur des sujets de préoccupations, comme celui des infrastructures. »

LVE : À ce sujet, la faible fréquence des vols vers Orly depuis l’aéroport de Pau (dont la CCI est gestionnaire au sein du groupement Air’Py) est toujours source d’inquiétude. Maintenez-vous être pour une coopération avec la plateforme de Tarbes-Lourdes ?

D. L : « La liaison vers Orly par Transavia n’apporte pas satisfaction à des besoins locaux, quand notre aéroport voisin dispose d’une OSP (Obligation de Service Public) qui lui permet d’avoir une ligne low cost subventionnée vers l’aéroport parisien. En ce qui me concerne, je pense que ce n’est pas la peine de critiquer cette OSP en évoquant un déséquilibre de la concurrence. En effet, je plaide très sincèrement pour un partage raisonnable de la desserte entre Tarbes et Pau, qui par ailleurs permettra selon moi une amélioration globale de l’offre sur l’ensemble des deux territoires. Essayons de raisonner en unité économique. »

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

© Cyril Garrabos – La Vie Economique

Les dirigeants veulent être accompagnés

La CCI Pau Béarn a mené une consultation en décembre dernier auprès de 300 chefs d’entreprises béarnais afin de mieux cerner leurs attentes pour 2024. Les résultats révèlent un niveau de préoccupation significatif avec un quart des répondants exprimant cette inquiétude et 29 % se disant peu ou pas confiants. Parmi les défis à relever, 78 % des dirigeants estiment devoir ajuster leurs produits et services aux nouvelles exigences des clients et 77 % devoir faire face à une concurrence accrue. Près de 6 sur 10 souhaitent bénéficier d’un accompagnement de la CCI, en premier lieu en marketing et communication (23 %), ainsi qu’en financement et investissements (19 %).