La photo prête à sourire. Assis face à son ordinateur, Dominique Valentin regarde au loin. Son open-space ? Un pré verdoyant où seules deux bottes de foin l’accompagnent. Ce cliché n’est pas une plaisanterie mais l’illustration de la page 277 du manuel d’histoire géographie des élèves de 3e depuis 2021. « C’est étonnant de se retrouver aux côtés de Martin Luther King et Simone Veil », sourit l’entrepreneur de Rieux-Volvestre.
Zone rurale, zone dortoir
Si Dominique Valentin s’est retrouvé au chapitre « densité rurale » des manuels scolaires, il le doit à Relais d’Entreprises, son initiative montée en 2012. « Après des années à travailler à l’international, je me suis retrouvé à devoir faire des allers-retours entre Toulouse et Rieux-Volvestre. Je découvrais les embouteillages monstres et je me suis dit qu’il devait y avoir une solution pour éviter cela. » À l’époque, le télétravail est encore confidentiel et les espaces de coworking débutent à peine. Son idée : créer des espaces pour les autoentrepreneurs et salariés qui travaillent à distance pour contrer les effets pervers du travail à la maison. « La question n’est pas tant celle de la productivité car les études montrent qu’on est plus productif en télétravail. Mais souvent on est isolé et la séparation entre la vie professionnelle et personnelle est floue. »
Rééquilibrage territorial
Il crée la notion de proxitravail et développe son initiative dans les zones rurales. « L’objectif est de redynamiser ces espaces qui ont perdu de l’attractivité. La tertiairisation a obligé les salariés à se rendre en ville. Les zones rurales sont devenues des dortoirs aujourd’hui. » Relais d’Entreprises veut donc participer au rééquilibrage territorial en amenant des travailleurs dans les campagnes. Aujourd’hui, plus d’une centaine d’espaces labellisés Relais d’Entreprises sont ouverts en France, dont plus d’un quart en Haute-Garonne. « Notre volonté est d’en ouvrir 1 500 sur tout le territoire d’ici 2030 », explique Dominique Valentin.
Près de 6 millions de kilomètres économisés
L’espoir est permis tant la période Covid a mis en lumière le télétravail. « Même si aujourd’hui, certains employeurs veulent réinstaurer le présentiel, déplore l’entrepreneur du Volvestre. On veut devenir l’alternative à ce retour en arrière. » D’autant que les avantages sont nombreux. « On gagne en qualité de vie car on peut désormais travailler près de chez soi, sans avoir à gérer les embouteillages chaque matin et chaque soir. » Le gain environnemental n’est d’ailleurs pas neutre. « On a calculé qu’une personne qui vient dans un Relais d’Entreprises 2 jours par semaine et qui est à 30 km de son travail, c’est 1 tonne de CO2 en moins par an. » À raison d’un millier de personnes qui utilisent déjà ces espaces, ce sont près de 6 millions de kilomètres qui n’ont pas été parcourus !
Un modèle économique innovant
Un chiffre que l’entrepreneur rentabilise de deux façons. D’abord grâce à EDF qui signe un chèque à l’employeur du proxitravailleur dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (à raison de 40 centimes par 100 km économisés). Ensuite par la vente des tonnes de CO2 économisées grâce au Label bas carbone du gouvernement. « Des entreprises polluantes sont obligées d’en acheter pour compenser leurs émissions », explique Dominique Valentin qui valorise la tonne de CO2 aux alentours de 100 euros. Ce modèle économique innovant est complété par une redevance des utilisateurs de la marque Relais d’Entreprises. « Les collectivités ou partenaires privés qui gèrent ces espaces et intègrent notre réseau paient un droit d’entrée de 1 500 euros et une redevance de 160 euros HT par mois. » À terme, l’objectif est de rendre gratuite l’adhésion au réseau Relais d’Entreprises et de pouvoir se financer uniquement via la valorisation des tonnes de CO2 économisées.
600 000 euros investis
À plus court terme, Dominique Valentin aimerait faire rentrer un partenaire économique au capital de la société. « J’ai investi plus de 600 000 euros ces dix dernières années. On a fait un gros travail de pédagogie sur le proxitravail et cette notion de rééquilibrage des territoires, qui est un vrai sujet politique. Aujourd’hui, pour grandir, il nous faut un acteur majeur. » Des discussions avec des groupes nationaux sont en cours.
L’initiative attire en tout cas de nombreuses sympathies. La Région Occitanie via son agence énergie (AREC), tout comme l’Ademe sont des soutiens historiques. Les communes rurales sont également à l’affût de toute ouverture. « Les gains sont multiples et certains sont même invisibles. Si on ne passe pas une heure dans les bouchons le soir, c’est du temps qu’on peut passer avec son enfant, donc on peut peut-être éviter du décrochage scolaire ? » Une question presque philosophique, qui va au-delà du manuel d’histoire-géographie de 3e.