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Dordogne – L’avenir de la forge d’Ans

Les feux des hauts fourneaux de la forge d’Ans, à Cubjac-Auvézère-Val-d'Ans, sont éteints depuis longtemps mais le souvenir de ce site archéologique industriel demeure sur « la route des canons ». La dotation de la Mission Patrimoine va permettre de sauver ces vieilles pierres d’un éboulement certain.

forge d'Ans

© O. Genevois

La propriété est encore dominée par la mai- son du maître de forge (Directoire ou Empire) et bordée par la moulerie qui fabriquait les matrices à canons. Le double haut fourneau s’inscrit dans ce décor historique, bordé par une nature sauvage. Il se présente sous une forme massive de 5 m de hauteur, volume en pierre de taille calcaire, avec deux chambres de fusion et quatre baies à voussures. Deux cheminées en forme de cylindre sur- montent l’édifice, complété par un système hydraulique à partir du Blâme : la force motrice activait la soufflerie, l’affinerie, le bocard et la forerie à canon.

Grâce à la dotation de 168 000 euros attribuée dans le cadre du Loto du patrimoine, ce témoignage rare de l’activité industrielle du Périgord aux XVIIIe et XIXe siècles va reprendre des contours plus conformes à ceux de sa splendeur.

CONSOLIDER L’ÉDIFICE

Des problèmes structurels appellent une restauration importante afin de conserver la forme actuelle du bâti et la possibilité de faire fonctionner l’ouvrage, abandonné depuis le XIXe siècle. Les hauts fourneaux se sont dégradés au fil du temps et des conditions météo (pierres gélives, pluies), avec l’éboulement partiel d’une des deux cheminées et une instabilité du bâti, en 2020. Dès lors, le défaut d’entretien a entraîné des infiltrations, lessivages, érosion, pathologies qui ont disloqué l’édifice. Une phase de travaux d’urgence a permis de contrer ces désordres structurels en cerclant et en couvrant les hauts fourneaux. Il convient maintenant d’engager des travaux de démontage des cheminées, restauration du socle calcaire, évidage des chambres de combustion envahies par la végétation, restauration des parements intérieurs en brique et remontage des cheminées.

En plus de préserver le bâti, ces opérations permettront de mieux comprendre les techniques de construction et d’entretien des hauts fourneaux au fil des campagnes de chauffe.

TOUT UNE HISTOIRE

Le pays d’Ans et la vallée de l’Auvézère sont riches en fer et en charbon de bois, et la présence de cours d’eau a favorisé la construction de hauts fourneaux. À Forge d’Ans, ils étaient destinés à fabriquer des canons de marine à destination de l’arsenal de Rochefort, via la route des canons, passant par la Vézère et la Dordogne. Construits en 1691, remaniés aux XVIIIe et XIXe siècles, ils pouvaient couler les plus gros calibres du fait de leur double constitution. Active jusqu’en 1830, l’installation a fondu des milliers de canons, jusqu’à 200 par an pendant la Révolution et l’Empire. Elle connut une reconversion plutôt exotique, avec le modelage d’ustensiles en fonte destinés à l’industrie sucrière des Antilles jusqu’en 1870, date de sa fermeture.

PROJET DE MUSÉE ET DE SPECTACLE

Inscrit au titre des monuments historiques en décembre 2018, sélectionné par la Mission Patrimoine en août dernier, l’édifice continue de sortir de l’oubli avec un début de travaux prévu au deuxième trimestre 2023 et jusqu’en 2024.

Un son et lumière devrait retracer le voyage d’un canon de marine, de sa conception à son embarquement sur L’Hermione

© O. Genevois

Les propriétaires forment le projet d’ouvrir le site à la visite et d’aménager la moulerie en espace muséographique dédié à la forge, à la route des canons et aux arsenaux de Rochefort. En lien avec l’Office du Tourisme de la Communauté de Communes Isle Loue Auvézère en Périgord, un son et lumière devrait retracer le voyage d’un canon de marine, de sa conception à son embarquement sur L’Hermione. Et on doit à l’association « La Route des canons de la forge d’Ans », créée à l’initiative de Pierre Gamboa en 1996, de s’être attachée au passé et au devenir de ce patrimoine industriel lié au Périgord et à l’Histoire de France.

UNE MISSION ET DES MOYENS

Depuis la première édition, en 2018, la Mission Patrimoine a aidé 745 sites pour leurs travaux de restauration, dont 90 projets emblématiques du patrimoine régional et 655 sites départementaux. Aujourd’hui, plus de 60 % (450) sont d’ores et déjà sauvés ou sur le point de l’être : 215 sont terminés et 235 chantiers sont en cours. Depuis 2018, le Loto a apporté plus de 125 millions d’euros à la Mission Patrimoine, dont plus de 26 millions pour 2022, contribuant à 230 millions d’euros de travaux de restauration sur l’ensemble des sites retenus depuis l’origine. En 2022, 25,4 millions d’euros sont reversés par l’État à la Fondation du patrimoine, issus de la 5e édition du Loto du patrimoine de FDJ. Une aide globale de 20,1 millions d’euros est octroyée aux 100 sites départementaux. L’appel à candidatures pour le Loto du patrimoine 2023 est en cours jusqu’au 28 février.