Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Le fabuleux destin du Domaine Tariquet

Il y a 40 ans, à Eauze (Gers), le Domaine Tariquet innovait avec son premier vin blanc : le Classic. Une cuvée dont la renommée n’est plus à faire et qui a marqué un tournant dans l’exceptionnelle histoire de la famille Grassa. Rencontre avec Armin et Rémy, les deux frères vignerons à la tête de cette entreprise hors du commun.

Armin et Rémy Grassa, propriétaires du Domaine Tariquet

Armin et Rémy Grassa, propriétaires du Domaine Tariquet © Louis Piquemil - La Vie Economique

En cette matinée automnale, sous un ciel gersois sans nuages, il règne au Domaine Tariquet une douce quiétude. Une atmosphère réconfortante, palpable dès l’imposant portail en fer forgé franchi et le long du chemin menant à la bâtisse familiale à travers les vignes qui parsèment le paysage. Rien à première vue ne laisse imaginer qu’ici, une véritable fourmilière de 120 personnes travaille quotidiennement à produire les plus connus et reconnus des vins Côtes de Gascogne et des Bas-Armagnacs. Et les personnalités d’Armin et Rémy Grassa, frères passionnés aux manettes de ce royaume, confortent ce sentiment : au Domaine Tariquet, l’humilité est gage de qualité. Un trait de caractère parmi d’autres transmis depuis cinq générations, et qui en 1982 aura notamment permis à Yves et Maïté Grassa de lancer un vin blanc sur ces terres où l’armagnac était seul maître.

Le Classic, cuvée iconique

Le frère et la sœur Grassa avaient également pour eux un esprit visionnaire et novateur, en témoigne l’incroyable succès de cette cuvée Classic qui fête cette année ses 40 ans. « Depuis leur reprise de l’exploitation familiale en 1972, ils distillaient de plus en plus d’armagnac : l’agrandisse- ment des stocks a nécessité des financements. Il fallait se diversifier pour générer des revenus », resitue Armin Grassa. « Mon père a eu cette idée de vinifier les vins blancs à double fin, pour l’armagnac et pour le vin. Au tout début des années 80 a eu ainsi lieu la première mise en bouteille du Classic, à cette époque à 100 % composé d’ugni blanc. »

Domaine Tariquet

© Louis Piquemil – La Vie Economique

Très rapidement, le Classic impose sa patte, remporte des distinctions dont celle du « Meilleur vin blanc de l’année 1987 » décerné par The International Wine Challenge, et se développe à l’export en parti- culier sur les marchés anglo-saxon et nord-américain. Sa fraîcheur et sa légèreté y détrône les vins blancs et les vins bouchés, alors encore trop chers et peu adaptés pour l’apéritif. Yves Grassa devient l’ambassadeur du vin blanc gersois, de ce Côte de Gascogne aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Depuis, le Classic a été affiné au gré de l’extension de l’exploitation et est aujourd’hui un assemblage d’ugni blanc, de colombard, de sauvignon et de gros manseng. Si l’incontournable vigneron gascon, grâce à son inventivité et un certain culot, a ouvert un nouveau chapitre, d’autres sont en cours d’écriture aujourd’hui encore, après quatre décennies de travail et d’innovations.

Domaine Tariquet

© Louis Piquemil – La Vie Economique

Communiquer sur leurs engagements

En 2007, lorsqu’Armin et Rémy Grassa prennent officiellement la suite de leur père Yves, ils héritent de 800 hectares de vignobles en propriété. Il est alors déjà loin le temps des 7 hectares rachetés par l’aïeul Artaud, en 1912. Aujourd’hui, le Domaine Tariquet s’étend sur 1 125 hectares de vignes en production et 200 hectares de terre en rotation, produit environ 8 millions de bouteilles de vins et 140 000 bouteilles d’armagnac par an. Des volumes particulièrement conséquents, que les deux frères ne souhaitent pas voir grossir bien davantage. « Notre enjeu aujourd’hui est la croissance qualitative. C’est une chose de grandir et ça en est une autre de mettre nos produits en valeur », remarque Rémy Grassa, qui dit vouloir être dans le « faire savoir ». Pour ce dernier comme pour son frère, il est en effet indispensable d’être totalement transparent avec le consommateur sur la manière de travailler au Domaine Tariquet et de communiquer sur leurs engagements.

Le Domaine Tariquet produit environ 8 millions de bouteilles de vins et 140 000 bouteilles d’armagnac par an

Le Domaine Tariquet, propriétaire-récoltant

« Nous maîtrisons l’intégralité de notre production, de la plantation du pied de vigne jusqu’à la mise à disposition du produit fini. Ici, nous sommes propriétaire-récoltant », précise à ce sujet Armin Grassa. L’intégralité des raisins vinifiés proviennent ainsi des vignes du domaine, par ailleurs particulière- ment veillées et soignées pour que les Armagnacs comme les vins du Domaine Tariquet, frais, aromatiques et vifs, soient davantage encore bonifiés.

Pour ce faire, les pratiques mises en œuvre au domaine sont certifiées HVE (Haute Valeur Environne- mentale) et ISO 14001. Et la famille Grassa n’a pas attendu la prise de conscience générale pour tenter de devenir le moins impactant pour l’environnement : « Cela fait plus de 30 ans que nous sommes en amendement et en fumure 100 % orga- niques. Nous avons été également les premiers à utiliser des appareils avec récupération de la pulvérisation et nous avons drastiquement diminué les intrants phytosanitaires », souligne Armin Grassa, qui précise avoir voulu malgré tout aller « encore plus loin ».

Une démarche RSE

C’est en ce sens que, depuis un an et demi, le Domaine Tariquet est inscrit dans une démarche RSE dont il détient le niveau 3. « La RSE se différencie des différents labels : ce n’est pas le suivi d’un cahier des charges, c’est une culture de résultats. Nous allons mesurer si ce que nous annonçons dans notre charte a un véritable impact sur le produit final. » La recherche d’une qualité optimale guide en effet les réflexions des frères Grassa : « Nous nous sommes engagés sur la réduction des gaz à effet de serre, avec l’utilisation d’énergies alternatives à l’étude. Sur une utilisation raisonnée des ressources, et principalement de l’eau. Et enfin sur la préservation de la biodiversité de la faune et des sols : un travail que nous menons avec le Conservatoire des Espaces Naturels ». Un dernier point qu’Armin Grassa défend particulièrement, tant la caractéristique du sol va avoir un impact sur le goût des vins et armagnacs du Domaine Tariquet.

Nous sommes souvent en avance sur notre temps. Cela nous motive de défricher

Depuis leur arrivée il y a 13 ans, les frères Grassa affirment ne pas avoir lésiné sur les investissements en argent et en temps, injectés dans des appareils de pointe comme dans la recherche et la science. « À terme, cela nous permettra non seulement des économies d’échelle très importantes, mais surtout, et c’est le but, d’éliminer tous résidus phytosanitaires dans nos vins d’ici 3 ans. Il faut se donner les moyens d’atteindre nos ambitions », martèle Armin Grassa. Ce dernier l’avoue : « Nous sommes souvent en avance sur notre temps. Cela nous motive de défricher ». Côté récolte aussi, rien n’est laissé au hasard. La chaîne de vinification se veut la plus courte possible et les vendanges se font montre en main pour éviter au maximum l’oxydation des raisins.

Domaine Tariquet

© Louis Piquemil – La Vie Economique

Le millésime 2022 : une denrée rare

Ces engagements forts sont particulièrement prédominants dans le discours d’Armin et Rémy Grassa, qui, loin des belles paroles, goûtent leurs futures cuvées trois fois par jour lors de la vinification. Ces quadragénaires, tombés dans la marmite du Domaine Tariquet dès le plus jeune âge, vouent une véritable passion pour ce patrimoine légué de génération en génération. Tous deux restent vent debout pour le défendre, malgré les difficultés parfois rencontrées à l’image de cette année : « La récolte 2022 a été fortement affectée à la fois par le gel de printemps, en avril, et par les grêles, en juin et août : nous avons perdu près de 50 % de la récolte, pour la deuxième année consécutive. C’est historique dans notre zone de production, en Armagnac et en Côtes de Gascogne », relève Rémy Grassa. Ces accidents climatiques majeurs, s’ils auront un impact sur les volumes de production comme sur le chiffre d’affaires de l’entreprise qui en temps normal avoisine les 34 millions d’euros, n’affecteront en rien le défi du Domaine Tariquet : produire de la qualité, quitte à produire moins. Le millésime 2022 sera vraisemblablement denrée rare, avis aux amateurs.

Meilleur spiritueux de l’année

Le Domaine Tariquet a remporté trois trophées et s’est distingué sur le podium dans plusieurs catégories lors du concours international Spirits Challenge 2022, qui a eu lieu en Angleterre. Pour la troisième année consécutive, le domaine gersois a été élu « Producteur d’armagnac de l’année ». Son Pure Folle Blanche 15 ans a par ailleurs été décoré du trophée dans la catégorie XO et réserve de 10 à 19 ans et a également remporté le titre envié de « Meilleur spiritueux de l’année, trophée suprême champion », parmi toutes les catégories en compétition.

Les chiffres clés

120 salariés permanents et 170 vendangeurs saisonniers

80 000 hectolitres récoltés en moyenne chaque année (volume divisé par 2 en 2022) Une capacité de stockage sur site entre 500 et 600 000 bouteilles

Une gamme de 11 vins blancs (dont un effervescent)

4 500 clients actifs sur le marché national qui commandent plus de 2 fois par an

50 % des ventes à l’export

1 hectare de zone d’intérêt écologique pour 3 hectares de vignes