Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Maison des cailloux : le marbre fait carrière

À Capvern, Xavier Marquié perpétue la transformation du marbre pyrénéen en misant sur une technologie de pointe. Un investissement qui ouvre la voie à d’autres projets dont l’exploitation d’une nouvelle carrière.

Xavier Marquié, le dirigeant de la Maison des cailloux à Capvern. Marbre

Xavier Marquié, le dirigeant de la Maison des cailloux à Capvern. © D.R.

Le bloc est immense mais la découpe d’une précision chirurgicale. Accompagnée d’une pluie qui en balaie les poussières et limite l’échauffement, l’opération semble si aisée qu’on en oublierait presque que, sous la lame du disque diamanté, la pierre est une des plus difficiles à tailler. Bien des Romains de l’Antiquité en briseraient leur burin et si Loïc Demoutiers assure le même travail qu’eux, quelque chose s’est invité dans les millénaires qui les séparent : la technologie. L’opérateur machine pourrait d’ailleurs suivre les étapes assis dans un bureau mais il préfère « avoir une vue sur la table » : « Il y a toujours ce côté manuel, une erreur de programmation peut amener à de la casse, si quelque chose se passe mal, mieux vaut être près ». Un pied dans le passé avec une activité qui défie les siècles et l’autre dans l’ère numérique, la Maison des Cailloux de Capvern est un des derniers bastions du marbre dans les Hautes-Pyrénées et une de ses entreprises les plus précieuses.

Le numérique au service de la pierre

À sa tête, Xavier Marquié qui, depuis 1997, transforme les plus belles pierres et fait perdurer un savoir-faire ancestral mais en misant sur le progrès pour l’ancrer dans le futur. Dans cette optique, il a équipé ses ateliers de machines à commande numérique, un investissement conséquent de 500 000 euros, soutenu à hauteur de 20 % par la Région Occitanie. Pour une entreprise dont le chiffre d’affaires s’élève à 900 000 euros, un tel coût était une décision majeure mais le dirigeant l’avoue sans détour : « Si on ne l’avait pas fait, c’est simple, on fermait ». Avec une clientèle composée à 80 % de particuliers, la Maison des Cailloux est l’antre de l’ornement, du dallage de caractère, des margelles de piscine, du bâti d’exception… Mais si la roche est immuable, les tendances ne le sont pas et le marché du marbre est soumis aux goûts fluctuants des époques et, en France, ils sont versatiles.

Maison des Cailloux, marbre

Les marbres pyrénéen © H. H. – La Vie Economique

Des nouveaux contrats à la clé

Déclins et apogées ont marqué son histoire dont le département est un reflet cruellement fidèle : des 140 carrières qui faisaient son industrie, n’en demeurent que 5. Et c’est pourtant à lui que la Maison des Cailloux est attachée : « Dans la pierre, il y a plusieurs métiers, il y a de la sculpture, du granit, du composite… J’ai décidé de conserver à 80 % du marbre des Pyrénées et 20 % de granit », souligne Xavier Marquié. Une carte de visite gravée dans le raffinement qui trouve un second souffle avec cette modernisation des outils et la possibilité d’assurer les demandes les plus exigeantes des architectes. Un travail sur mesure, des créations de toutes formes, calibrées selon les désirs et des bénéfices loin d’être anecdotiques qui se sont répercutés sur l’obtention de nouveaux contrats : « Ça nous a permis de prendre des chantiers importants comme celui de l’hôtel Les Sources de Caudalie, à Bordeaux. On a réalisé 30 salles de bains avec 1 300 m2 de marbre… C’était juste fabuleux ». Un regain d’activité pour les 8 salariés dont le quotidien s’est également transformé.

D’un noir hypnotique, le marbre de Hèches est celui de l’exception

Relancer l’exploitation de la Petite Antique

La pierre, celle de Sarrancolin, Xavier Marquié est presque tombé dedans quand il était petit. En tant que fils du maire de la commune, il partage la fierté d’être lié à « la Rolls des marbres » et c’est elle qui, lorsqu’il avait tout juste 20 ans, a guidé sa carrière professionnelle. Ce même marbre dont est fait l’escalier de l’Opéra Garnier, dont Louis XIV était fou au point d’en orner le château de Versailles et qui plus récemment a décoré une partie de l’Empire State Building est simplement légendaire. Un destin hors norme que le dirigeant de la Maison des Cailloux pourrait bien offrir à la Petite Antique, le joyau du village de Hèches dont il souhaite relancer l’exploitation. Ouvrir une carrière en 2024 est pourtant un défi tout aussi compliqué que ça l’était sous le Roi-Soleil, avec des problèmes bien contemporains comme le financement, établi entre 100 000 et 200 000 euros, et les autorisations administratives.

Un produit de niche

Si les problèmes d’acheminement sont évidemment résolus, dans les faits, ils sont source d’inquiétude pour les riverains qu’il faut convaincre : « C’est une toute petite carrière d’où seules 3 000 tonnes seront extraites par an. Je comprends les craintes vu qu’elle est à 400 mètres du village mais il y aura peu de camions, ça se fait sans explosifs, il n’y aura aucune nuisance ». Véritable produit de niche, d’un noir hypnotique veiné de blanc, ce marbre confidentiel est celui de l’exception. Les retombées économiques de son extraction seraient à la hauteur de sa beauté innée, le dirigeant espère que « le projet se concrétise dans les deux ans ». En attendant de creuser la roche, c’est sur la toile que l’entreprise veut creuser sa place, notamment dans la décoration. Ouvert depuis deux mois, le site est encore en cours d’affinage et en ligne tout son savoir-faire s’y déroule. Une chose est sûre, il ne laisse personne de marbre.