Le ton était clairement à la franchise pour la présentation du bilan 2023 et des perspectives 2024 de l’artisanat néo-aquitain. Le président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Nouvelle-Aquitaine, Gérard Gomez, a d’abord présenté les chiffres de l’année écoulée (voir encadré) avant de dévoiler les résultats d’une enquête de conjoncture reflétant l’état d’esprit de la profession. Premier constat : les défaillances d’entreprises ont bel et bien augmenté de plus de 30 % sur le 4e trimestre 2023 : « Il y a un rebond technique dû à la fin du quoi qu’il en coûte après 2021 et 2022, cependant c’est un niveau supérieur à 2019. Cette situation est préoccupante et il ne faudrait pas attendre trop longtemps avant d’atteindre un point de non-retour », explique Gérard Gomez. Le ton est donné.
Dysfonctionnements du guichet unique
Autre source d’interrogation : la mise en place du guichet unique professionnel géré par l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI). « L’objectif était de simplifier la vie des porteurs de projets et en particulier des artisans mais la création d’entreprises reste un parcours du combattant. Il y a beaucoup trop de problématiques et de dysfonctionnements sur cette plateforme. En plus, nous sommes dépossédés du répertoire des métiers ce qui rend compliquée l’élaboration de chiffres spécifiques à l’artisanat », renchérit le président régional.
Alimentaire : une enquête qui inquiète
Dans ce contexte, la CMA a souhaité interroger les acteurs de la profession sur leur état d’esprit en cette fin d’année. Ils sont près de 2 400 à avoir répondu au questionnaire. Parmi eux, un peu plus de la moitié (54 %) témoigne de leur confiance en l’avenir pour leur entreprise. Le secteur alimentaire est nettement plus inquiet (46 % de confiants). Par rapport à la situation financière de leur entreprise, 63 % des répondants se disent en situation de fragilité et 49 % du secteur de l’alimentaire en situation critique pour leur survie. « L’alimentation est le secteur le plus fragile de l’artisanat qui est pris en étau. Très impacté par la hausse des coûts depuis 2022, et qui perdure toujours, il fait face aujourd’hui à une forte baisse de la consommation », précise Gérard Gomez.
La question du pouvoir d’achat des clients inquiète
Au niveau des ressources humaines, paradoxalement, seuls 11 % des artisans envisagent de réduire leurs effectifs salariés dans les 6 prochains mois. Enfin, quel que soit le secteur, c’est la question du pouvoir d’achat des clients qui est la première préoccupation des artisans interrogés. Très peu de répondants (2,6 %) se sentent concernés par l’intelligence artificielle alors que le président y voit une source intéressante de données : « L’IA ne remplacera pas les artisans mais l’IA peut être au service des artisans grâce à la data ».
Quid du financement de l’apprentissage
Le nombre d’apprenants est de 12 791 aujourd’hui, soit une petite progression de 0,75 % par rapport à l’an passé. Après plusieurs années de forte croissance, cela s’explique par le taux de remplissage maximal atteint dans les 15 CFA de la région. Pourtant, la question de leur financement est en suspens et Gérard Gomez a déjà saisi le Gouvernement à ce propos : « Nos CFA sont pleins, et c’est une excellente nouvelle, mais la baisse du financement de l’apprentissage rend plus de la moitié de nos formations déficitaires. Nous allons essayer de faire face pour garder un maximum de filières. Une nouvelle concertation a été promise et nous espérons que le nouveau gouvernement fera preuve de compréhension afin que nous puissions sauver la rentrée 2024 ». Avec ces défis à relever, Gérard Gomez demeure déterminé : « Je suis résolument optimiste pour cette nouvelle année. Avec la problématique énergétique, 2024 sera cruciale pour le secteur de l’alimentation ».
L’artisanat régional en 2023
174 043 entreprises artisanales
26 % des employeurs de la région
Répartition par secteurs : services 38 %, bâtiment 37 %, production 15 %, alimentation 10 %.
19 % des entreprises ont moins de 3 ans, 35 % entre 3 et 10 ans et 46 % ont plus de 10 ans.
14 845 créations d’entreprises
12 791 apprentis dans les 15 CFA de la région
Moyenne d’âge des apprentis : 19 ans
67 % de garçons et 33 % de filles