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Entretien avec Jean-Marc Ewald, directeur de l’Adie Nouvelle-Aquitaine, le micro-crédit populaire

Depuis plus de 30 ans, l’Association pour le Droit à l’Initiative économique (ADIE) finance et accompagne les entrepreneurs dans la création et le développement de leurs activités. En Nouvelle-Aquitaine, l’organisme aura permis de créer ou maintenir 2 893 emplois en 2021. Rencontre avec Jean-Marc Ewald, directeur de l’Adie Nouvelle-Aquitaine depuis 1993.

Jean-Marc Ewald, directeur de l’Adie Nouvelle-Aquitaine, crédit

Jean-Marc Ewald, directeur de l’Adie Nouvelle-Aquitaine © ADIE Yann Morrison

La Vie Économique : Pouvez-vous nous rappeler l’objectif de l’Adie Nouvelle-Aquitaine ?

Jean-Marc Ewald : « Nous, à l’Adie, nous défendons l’idée que toutes les personnes qui souhaiteraient se lancer dans la création d’entreprise seraient capables de le faire. Il n’est pas question de capital, ou encore de diplôme : à partir du moment où il y a un accès à un crédit et à un accompagnement, une personne a la capacité de devenir entrepreneur. L’Adie, c’est une association qui défend l’entrepreneuriat populaire et essaie de le faire de façon citoyenne. C’est-à-dire avoir des équipes de bénévoles qui viennent accompagner les porteurs de projet, ça fait partie de notre ADN. Actuellement, nous avons deux agences en Gironde : à Talence et Lormont. Dans un avenir proche, nous souhaitons en ouvrir une à Bordeaux. »

LVE : Pouvez-vous nous raconter la genèse de l’association, et comment cette dernière s’est développée depuis plus de 30 ans ?

J.-M. E. : « L’Adie a été créée par Maria Nowak, au moment où elle a rencontré Muhammad Yunus (économiste à l’origine de la première institution de micro-crédit). L’idée de départ était de dire : si on met en place un accès au capital, les personnes dans le besoin pourront créer leur propre emploi, devenir autonomes, et ainsi participer à la vie de la société. C’est pour ça que cette notion citoyenne que j’ai évoquée au début est très importante. L’étape majeure est d’avoir réussi à faire évoluer la réglementation bancaire, qui interdisait aux associations d’emprunter de l’argent pour le re-prêter à ses adhérents. En créant un statut d’association micro-crédit, cela permet à ces institutions de pouvoir emprunter aux banques. Un autre point très important, sur lequel nous ne sommes pas les seuls responsables, c’est la création du statut d’auto-entrepreneur. Il s’agissait de vraiment libérer la création d’entreprise en France. Ces deux grandes étapes ont permis l’essor de l’initiative de la création d’entreprise et donc l’accompagnement par une association comme l’Adie. »

Nous souhaitons ouvrir une agence à Bordeaux

LVE : Pour l’année 2022, quels sont vos axes majeurs d’actions ?

J.-M. E. : « En 2022, notre axe majeur, ce sont les questions liées à la transition écologique. C’est vraiment un défi pour nous. On le voit, cette transition écologique est en train d’arriver. Notre mission et notre volonté, c’est de la rendre inclusive. On veut embarquer tout le monde à propos de ce sujet-là, parce que cela va générer un tas de difficultés au démarrage. Face à ce grand enjeu, nous proposons deux outils : la mise en place d’un prêt d’apport en capital qu’on pourra proposer aux entrepreneurs avec un axe solidaire et un axe vert. La deuxième idée, c’est d’accompagner par la formation les entrepreneurs sur des modèles de développement durable. »

 

ADIE micro crédit

© ADIE Yann Morrison

LVE : Vous avez récemment créé la Prime Gaïa* et la Prime Jeune**, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment elles fonctionnent ?

J.-M. E. : « La prime Gaïa, c’est une prime régionale qui a été éditée dans le cadre d’un plan d’investissement de compétences de l’État, porté par un consortium qui s’appelle Gaïa, dont on est membre. Le principe : proposer à tous les entrepreneurs qui sont soit au chômage, soit avec un niveau faible de formation, et qui habitent en zone rurale, d’avoir une prime de 1 000 euros pour se lancer. Cela concerne environ 4 000 communes en Nouvelle-Aquitaine. La prime jeune, elle est issue d’un programme qui s’appelle « insertion par le travail indépendant ». L’Adie a répondu à un appel à projet national à ce sujet-là. Dans ce volet, l’Adie a été retenue en Nouvelle-Aquitaine, avec d’autres secteurs avec qui nous travaillons. »

LVE : Selon vous, en quoi le micro-crédit a-t-il fait ses preuves depuis 30 ans ?

J.-M. E. : « D’abord, lorsqu’on interroge les clients, ils sont plus de 90 % à dire que pour eux cela a été une expérience positive, même si pour certains l’entreprise a fermé. On voit aussi, en terme d’insertion, que lorsqu’on finance par exemple 100 entrepreneurs, entre 60 et 70 seront encore en activités 3 ans après. Dans les 30/40 qui auront arrêté, la moitié auront rebondi en faisant autre chose. Il y a un retour sur investissement qui est intéressant, notamment pour les collectivités. On ne peut pas dire que le micro-crédit fonctionne pour tout le monde, mais nous n’avons pas encore trouvé mieux. C’est un outil qui s’adresse à énormément de gens : il est finalement peu cher à mettre en œuvre, et permet de servir une très large population pour les accompagner vers l’insertion. On est sur un coût pour la collectivité qui est très supportable, et qui en même temps implique et responsabilise les bénéficiaires d’un micro-crédit. »

Notre volonté est de rendre la transition écologique inclusive

LVE : Quelles sont les faiblesses de ce micro-crédit ?

J.-M. E. : « Dans les faiblesses, c’est que d’abord le micro-crédit ne peut pas s’adresser à tout le monde : si vous n’avez pas réglé les problèmes d’accès au soin, ou au logement par exemple, c’est très hasardeux de demander un micro-crédit. Un des autres freins, c’est qu’il doit être remboursé assez rapidement, puisqu’il y a des taux d’intérêts dessus. Il faut que dans les 2 à 3 mois qui suivent l’encaissement du micro-crédit, la personne commence à rembourser. Vous pouvez avoir des activités économiques qui mettent plus de temps que ça pour pouvoir démarrer. »

LA « PRIME RURALE GAÏA »

En réponse aux problématiques de désindustrialisation et de désertification des zones rurales, l’Adie lance donc la « Prime rurale Gaïa ». Initiée dans le cadre de l’appel à projet « 100 % inclusion, la fabrique de la remobilisation » du ministère du Travail, cette initiative vise à soutenir les idées innovantes et le retour à l’emploi. Une centaine de primes seront versées selon certains critères : entrepreneurs de plus de 30 ans, selon sa zone géographique, bénéficiaires d’un minimum social (RSA), demandeurs d’emploi de longue durée (de plus de 12 mois), mères isolées, bénéficiaires d’une protection internationale, habitants d’un quartier prioritaire, ou personnes en situation de handicap.

LVE : Comment se porte l’entrepreneuriat en zone rurale, particulièrement depuis le début de la crise sanitaire ?

J.-M. E. : « Finalement, les entrepreneurs en zone rurale ont eu une forte résilience suite à la crise du Covid. Alors, pourquoi ? Il y a, pour moi, deux raisons principales. La première, c’est que nous sommes sur des entreprises à charges personnelles, donc avec peu de charges fixes. Ils ne sont pas retrouvés à devoir payer des loyers par exemple, alors qu’il n’y avait pas de chiffre d’affaires qui rentrait. Le deuxième élément est lié au fait qu’on s’adresse à des publics qui sortent de la pauvreté, et qui hélas, avaient pour beaucoup une certaine habitude à fonctionner avec des budgets familiaux très restreints. Les modèles ont résisté et n’ont pas craqué. »

ADIE micro crédit

© ADIE Yann Morrison

LVE : Comment l’entrepreneuriat évolue-t-il du côté des jeunes ?

J.-M. E. : « Pour le public jeune, on constate qu’il y a vraiment une appétence pour la création d’entreprise. Il y a un phénomène assez particulier et nouveau chez les jeunes, c’est de mettre en place une entreprise qui est beaucoup plus en phase avec des valeurs, de donner un sens à son activité. Par exemple, quand on a un jeune qui se lance dans la confection de ligne de vêtement, il est en général assez soucieux du circuit d’approvisionnement : il va privilégier des filières cotons bio, etc. Il y a toute cette appréhension de responsabilité sociale et environnementale qu’on n’avait pas avec une aussi forte intensité avant la crise du Covid. »

En terme d’insertion, quand on finance 100 entrepreneurs, entre 60 et 70 seront encore en activité 3 ans après

LVE : Vous avez également mis en place un document, « Mégaphone », quel est son but ?

J.-M. E. : « Le but général du « Mégaphone », c’est d’interpeller les candidats aux élections sur un certain nombre de préoccupations, pour qu’ils les prennent en compte dans leurs politiques lorsqu’ils seront élus. On en a fait 3 : pour les municipales, les régionales, et là on a le troisième qui est en préparation pour les futures élections législatives. Il sera envoyé à tous les candidats pour les sensibiliser sur un certain nombre de sujets : la question de l’accès à la santé, l’égalité des droits en matière de protection sociale, et aussi en matière de chômage. »

ADIE micro crédit

© ADIE Yann Morrison

LVE : Comment envisagez-vous l’avenir pour l’auto-entrepreneuriat ?

J.-M. E. : « Il y a quelque chose de très paradoxal aujourd’hui. On constate, dans un cycle économique classique, que lorsqu’il y a contexte de crise, normalement la création d’entreprise s’arrête, se stoppe et les gens attendent que ça aille mieux. Là, on est sur des indicateurs économiques qui ne sont pas hyper bons, mais malgré ça, nous n’avons jamais eu une création d’entreprise aussi vigoureuse et importante. Je pense que nous assistons un peu à un phénomène de décomposition du modèle économique, et du coup l’auto-entrepreneur, c’est la personne qui a envie de prendre des risques, qui veut faire des choses nouvelles. Il le fait avec un certain enthousiasme, même si effectivement tout n’est pas rose et qu’il y a des choses à gérer. Je pense que l’entrepreneuriat en général et l’entrepreneuriat populaire en particulier sont amenés à évoluer de manière positive. Maintenant, on attend une meilleure compréhension de leurs problématiques par les pouvoirs publics. »

** LA PRIME JEUNES

Pour soutenir les jeunes de moins de 30 ans dans la phase de démarrage de leur entreprise, l’Adie Nouvelle-Aquitaine pourra désormais attribuer une prime forfaitaire de 3 000 €, en complément d’un micro-crédit. Issues d’un fonds public d’un montant global de 25 millions d’euros, ces primes sont destinées à soutenir la création d’entreprise des jeunes de 18 à 30 ans en insertion, les plus en difficulté du point de vue de leur parcours d’insertion sociale et professionnelle : bénéficiaires d’un minimum social (ASS, AAH, RSA), demandeurs d’emploi de longue durée (de plus de 12 mois), parents isolés, habitants d’un quartier politique de la ville, accompagnés par une mission locale, ou avec un niveau de formation inférieur ou équivalent à un CAP/BEP.

En France, 8 jeunes sur 10 de moins de 35 ans souhaitent créer ou reprendre une entreprise, et pourtant ils sont encore une minorité à passer à l’acte. (voir l’article « J’ai 20 ans et je monte ma boîte » – Echos Judiciaires Girondins n° 6920-6921 du 6/05/2022

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