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Pau – Coup de frein sur le marché de l’immobilier

Pau s’apprête à accueillir le congrès national de l’UNIS, l’un des principaux syndicats des professionnels de l’immobilier. L’occasion d’échanger avec Julie Joanin, sa secrétaire générale adjointe et agent immobilier à Pau, à propos du marché de l’immobilier palois confronté à un certain ralentissement. L’euphorie post-covid semble bel et bien terminée.

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Le quartier des Halles, au premier plan, est le dernier quartier prisé de Pau. © Cyril Garrabos

«On a sonné la fin de la récré : il faut travailler, être professionnel, à l’écoute. » Depuis son agence Joanin et Auriau située au quatrième étage d’un bel immeuble palois, parquet ciré et haut plafond, décoration soignée et ambiance intimiste, Julie Joanin n’y va pas par quatre chemins. Agent immobilier depuis 17 ans, elle connaît parfaitement le marché de l’immobilier béarnais et plus globalement français. D’ailleurs, elle le note d’emblée : « Pau a toujours suivi la vague du national et c’est le cas aujourd’hui sur un marché un peu particulier ». Depuis le mois de septembre, Julie Joanin à l’instar de ses confrères constate en effet « des frémissements » qui annoncent un retournement de situation, après deux « superbes années ».

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Julie Joanin, agent immobilier à Pau et secrétaire générale adjointe de l’UNIS. © Cyril Garrabos

Pau dans le viseur des acheteurs

« Depuis quelques années déjà, tout était au vert. Avec le Covid, on pensait que ça allait s’effondrer, mais pas du tout. L’être humain s’est recentré sur son chez lui », analyse rétrospectivement Julie Joanin. « Les transactions ont explosé : avant le Covid, on flirtait avec le million de transactions en France. En 2021, on l’a dépassé. Cela a été fulgurant. » Les prix ont alors augmenté, dans les grandes villes mais pas seulement : Pau n’a pas dérogé à la règle. Les petites superficies ont affiché en moyenne une augmentation du prix au mètre carré de 25 à 30 % et les maisons de 10 à 15 %.

« À Pau, les prix étaient plus bas que la moyenne, donc forcément nous avons attiré des personnes ayant misé sur le télétravail, à une heure de la mer et une heure de la montagne, avec une certaine qualité de vie. Nous avons également attiré des résidences secondaires, mais aussi en parallèle des investissements. » Les Bordelais et les Toulousains notamment, sans oublier les Parisiens, se sont tournés vers la capitale béarnaise, où le marché était moins saturé : auparavant, deux tiers des acheteurs étaient des Palois et un tiers venaient de l’extérieur du département. Après le Covid, la tendance s’est inversée. Les biens se sont vendus sans négociation, rapidement, à très bon prix, « quitte à surpayer ».

Une fin d’année compliquée

Mais cet été, déjà, Julie Joanin a senti le vent tourner. « Nous avions fait un début d’année extraordinaire. En juillet et août, nous avons eu moins de fréquentation, mais des visites qualitatives », remarque-t-elle. « Nous espérions reprendre en septembre, mais cela n’a pas été le cas. On sentait venir ce changement, cela fait un an qu’on en parle. » Pour l’agent immobilier, l’évolution des mentalités a amené les Français à revoir leur priorité et à prioriser leur vie privée à leur emploi. « Cela a eu comme conséquence de fragiliser certaines entreprises », avance-t-elle. Et donc de refroidir les banques. « Aujourd’hui, avec également l’augmentation des taux, les banques vont être très sélectives et vérifier la solidité financière de votre employeur. L’accès au crédit est plus difficile, même pour les personnes aux revenus solides. »

L’accès au crédit est plus difficile, même pour les personnes aux revenus solides.

À cela s’ajoutent les nouvelles contraintes liées à la sobriété énergétique, qui obligent les propriétaires à effectuer des travaux sous peine d’être interdits de louer. Des investissements qui font peur à certains acheteurs, confrontés également à la hausse du coût des matériaux, aux délais d’acheminement et à la difficulté de trouver des artisans disponibles.

Un marché à deux vitesses

Julie Joanin est réaliste : « cela se tend de tous les côtés ». La donne semble avoir changé. Aujourd’hui, « l’acheteur se revalorise », prend le temps de la négociation, face à un vendeur conscient des nouvelles difficultés du marché et désireux que la vente aboutisse. « L’acquéreur reprend un pouvoir que l’on n’avait pas vu depuis la crise de 2007 », affirme l’agent immobilier. « Depuis cet été, on a récupéré un marché à deux vitesses. Si les biens très demandés se vendent, d’autres sont invendables. S’ils trouvent preneur, c’est avec une grosse incidence sur le prix. » Résultat, à Pau comme dans d’autres villes, les prix commencent à baisser.

L’acquéreur reprend un pouvoir que l’on n’avait pas vu depuis la crise de 2007

« Tout ne va pas s’effondrer »

Malgré ce retournement de situation « particulièrement brutal », Julie Joanin n’est pas inquiète : « Il y a eu des crises, ce n’est pas la première. Tout ne va pas s’effondrer ». Pour la jeune femme, cette période complexe est même « rassurante et positive ». Elle voit là une manière « d’épurer le marché », les personnes « qui font ce métier en dilettante » ne pouvant pas suivre. Et appuie la nécessité pour les vendeurs et acquéreurs d’être d’autant plus accompagnés par des professionnels de l’immobilier.

Un optimisme partagé par les Notaires de France, qui, dans une note de conjoncture publiée ce 14 novembre, affirment que le million de transaction sera encore franchi cette année malgré la décélération de l’activité ces deux derniers mois. La preuve que la pierre semble malgré tout conserver son statut de valeur refuge.

Des quartiers palois plébiscités

Depuis de très nombreuses années, à Pau, des quartiers ont davantage la cote que d’autres. Parmi eux, on trouve Trespoey, ou encore le boulevard des Pyrénées où le prix du m2 pour un appartement peut avoisiner aujourd’hui les 5 000 euros. Les quartiers Saint-Dominique et Saint-Joseph, tout comme celui de l’hippodrome ou celui des Buissons, sont également toujours prisés des Palois. Mais un nouveau quartier a fait dernièrement son entrée dans le classement des quartiers où investir à Pau : si l’hyper-centre, du quartier du Château jusqu’à Clémenceau a toujours séduit, le secteur des Halles est devenu attrayant depuis la rénovation de ce cœur névralgique de Pau. Et le Foirail, récemment réhabilité, devrait semble-t-il prendre la même direction.

Les professionnels de l’UNIS attendus à Pau

Le congrès national de l’Union des Syndicats de l’Immobilier (UNIS), qui regroupe tous les professionnels du secteur, aura lieu au Palais Beaumont, à Pau, les 15 et 16 décembre. Au programme : deux plénières, 80 partenaires présents, des débats et des conférences. Parmi les intervenants, on peut noter la présence de Bernard Ramantsoa, directeur général honoraire de HEC Paris, et du conférencier Michael Aguilar.