Tout commence en région parisienne. Quand ils se rencontrent, elle est cadre chez Aéroport de Paris, il est chef de cuisine… Et philatéliste amateur. En se mariant, elle épouse aussi sa passion et, de brocantes en salons, le couple finit par transformer ce goût pour la collection en activité professionnelle. « On était présents sur 35 salons par an, on avait un stock, on commençait à faire du chiffre… Alors on a voulu aller plus loin et investir. » La micro-entreprise qu’ils créent en 2006 va prospérer. Ils cassent les codes de l’ambiance plutôt feutrée dans ce milieu, créent une surface de vente ouverte et lumineuse. On les traite de fous, mais cette démarche leur vaut un prix de l’innovation de la CCI.
100 nouveautés par semaine et 40 000 produits en ligne
« Nous avions deux magasins proches, on avait envie de mutualiser et de quitter la région parisienne pour des endroits financièrement plus accessibles. » Les souvenirs de vacances au domaine des Compouzines les ont attirés en Montignacois. « On a trouvé notre maison au bout d’une semaine. » Depuis 2015, le sous-sol est aménagé pour les bureaux où ils travaillent avec deux salariées, dont une voisine. « Toutes deux ont appris, il n’y a pas d’école de philatélie ! » Leur fils, chargé de la présentation des produits en ligne, est en télétravail.
Avec Lascaux IV, Montignac a vite bénéficié de la fibre, condition sine qua non pour leur activité, et d’un bureau de Poste. Le site Internet Philatélie91, créé très tôt avec l’ouverture du magasin parisien, était aux mains de Simone Bouhier qui a appris les manipulations nécessaires pour promouvoir les articles en stock et bien les référencer. Le couple l’a maintenant confié à un prestataire qui s’en occupe 7 j/7. « Pas question d’avoir un souci technique le soir ou le week-end, moments de fortes connexions. » Il faut satisfaire une clientèle numérique plus volatile, « et on a gardé des clients du magasin ». Avec 100 nouveautés par semaine et 40 000 produits en ligne (y compris les produits dérivés, classeurs, vitrines, plateaux pour toutes autres collections), l’entreprise s’attache à tout acheter et tout revendre, sous toutes les formes en s’appuyant sur un réseau de grossistes et sur son relationnel. Elle est même référencée auprès d’accessoiristes qui la sollicitent pour certaines scènes de cinéma.
Traçabilité et expertise
Affiliés à la Chambre nationale des experts et négociants en philatélie, ils explorent les collections qu’on leur confie, en neuf et oblitérés, et assurent la traçabilité des pièces qu’ils commercialisent. Ils assistent à une concentration de cette spécialité, réduite de deux tiers, avec une soixantaine de structures professionnelles en exercice. Ils sont les seuls entre Clermont-Ferrand et Bordeaux, les seuls en Dordogne. « Ce qui reflète la réalité de ce petit milieu. Autrefois, les collections de timbres faisaient rêver, aujourd’hui les jeunes accèdent à la culture de bien d’autres façons. » Cette passion requiert un budget plus important : 30 francs autrefois pour une année complète de timbres de France, 500 euros désormais. La philatélie est d’ailleurs passée du ministère de la Culture à celui du Budget. « On a autant de timbres qui sortent, mais ils circulent moins. » L’entreprise s’attache à affranchir ses (nombreux) envois avec des lignes de timbres, y compris en francs, qui font la joie de ses clients. « Surtout pas de machine à affranchir ! On n’est que trois entreprises du secteur en France à encore passer du temps à trier et coller. » Mais c’est de l’image de marque.

© D. R.
Surprises bienvenues
Les habitudes ont changé sur ce marché qui a connu une embellie pendant le Covid avant de chuter. Le chiffre d’affaires de Philatélie91, de nouveau en progression, approche 500 000 euros, avec un panier moyen de 110 euros. Les collectionneurs aiment partager et transmettre, ils ont généralement l’esprit ouvert sur la culture accessible par la magie de ces vignettes et s’intéressent aussi aux techniques de fabrication. Ce petit milieu s’organise autour de thèmes infinis, qui font voyager aussi loin que certains courriers encore affranchis, d’événements historiques en pays, personnalités, œuvres d’art. Le duo dirigeant examine les collections, se déplace pour les plus importantes : derrière la quantité, c’est la rareté de qualité qui les intéresse, bien sûr. « On ne sait jamais ce qu’on va trouver. »
La collection reste un loisir, mais on flâne moins sur les salons, on achète sur Internet