Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Rachida Dati à Nontron : la culture en mode rural

Pour sa première sortie dans les territoires, comme on dit, Rachida Dati a visité sous la pluie plusieurs sites nontronnais témoignant d’une vitalité qui mérite d’être soutenue. La nouvelle ministre de la Culture a fait quelques annonces pour l’avenir des campagnes.

Rachida Dati aux côtés de Germinal Peiro, président du Département de la Dordogne et Nadine Herman-Bancaud, maire de Nontron © Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Rendez-vous en terre inconnue ? Rachida Dati, ministre de la Culture et élue parisienne, ne découvre pas la ruralité, elle a révisé la carte judiciaire lorsqu’elle était Garde des Sceaux… et la fermeture du tribunal de Nontron était alors au programme. Aujourd’hui, il est question d’offrir une nouvelle destination — culturelle—, à cette bâtisse et la ministre en tenue de ville tout terrain a arpenté la capitale du Périgord vert au bras de sa maire, Nadine Herman-Bancaud, et des élus d’un territoire discret de 28 communes autour du chef-lieu de 3 200 habitants, qui brille pourtant par quelques réalisations hors norme.

Le Pôle Expérimental des Métiers d’art : une référence

Même située sur la diagonale du vide, Nontron ne se résigne pas au déclassement. Après l’effondrement de l’industrie chaussante dans les années 1980, la ville a visé l’excellence avec l’implantation d’Hermès, la valorisation de son vénérable couteau et la fête qui va avec, la création du Pôle expérimental des Métiers d’art (PEMA) devenu référence nationale et l’installation pilote d’un post-master Design des Mondes ruraux de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (3e promotion cette année). Tenant à la fois de la résidence, du laboratoire d’idées et du bureau d’étude, l’Ensad a choisi Nontron comme terre promise pour son triple intérêt de « territoire en déprise, écosystème hors attraction urbaine et sa tradition manufacturière ».

Rénovation délicate du château

José Ferré et Sophie Rolin, président et directrice du PEMA, ont rappelé le rôle fédérateur de leur structure en 20 ans d’existence, et la reconnaissance de ce pan d’activité artistique et artisanal. Lauréat, parmi 25 projets, de l’appel France 2030 – Pôles territoriaux industries culturelle et créatives, il devrait pouvoir réintégrer fin 2024 le château du XVIIIe après une rénovation intérieure et extérieure délicate engagée depuis l’automne 2022 (sauvegarde sélectionnée par la Fondation du Patrimoine) et qui se poursuivra ensuite dans les étages. La ministre a visité cette première tranche de travaux, qui dépasse 2 millions d’euros.

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Mobilités rurales

Au-delà de l’existence de lieux de culture, c’est la question de leur appropriation par la population que questionne l’organisation des territoires : il faut pouvoir les atteindre. Trois projets sont étudiés chaque année, pour 2024 il est question de maillage nutritionnel du champ à l’assiette (et le collège de Nontron est labellisé restauration bio et locale), de genre en ruralité, d’identité territoriale.

La ministre, après avoir échangé avec des jeunes étudiants et le directeur de l’Ensad, Emmanuel Tibloux, a inauguré la maison qui abrite désormais les promotions et ancre localement cette initiative destinée à repenser le cadre de vie en milieu rural. Elle a annoncé son déploiement ailleurs et autrement, une démarche élargie « à quatre autres cadres de vie concernés par des problématiques spécifiques », avec un financement global de 1,125 million d’euros.

Héritière des MJC qui ont fait bouger le milieu urbain grâce à Malraux, Rachida Dati imagine une dynamique comparable en milieu rural.

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Innovations culturelles

Héritière des MJC qui ont fait bouger le milieu urbain grâce à Malraux, Rachida Dati imagine une dynamique comparable en milieu rural et répond « culture et éducation populaire pour refuser l’exclusion, qui ne touche pas que la banlieue » à ceux qui « (l)’ont vu arriver en se pinçant le nez ». Elle a annoncé une concertation nationale sur cette offre culturelle des champs, « le Printemps de la ruralité », interrogeant le rôle de l’État aux côtés des collectivités, fortement pourvoyeuses de subsides et de projets. Un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles, juste publié, montre que seulement 5 % des labels de la création se situent en zones rurales. « Il faut simplifier les procédures, revoir les modalités d’éligibilité », note la ministre. Des assises nationales de la culture en milieu rural sont annoncées pour ce fameux Printemps. Il y sera aussi question de restaurer le patrimoine de proximité, « aussi important que Versailles ».