Dix ans et déjà autonome. Oz, le robot de désherbage mécanique conçu et développé par la société Naïo Technologies a bien grandi depuis sa première commercialisation il y a une décennie : équipé aujourd’hui de systèmes technologiques de haut niveau (notamment un système de guidage avec balise de correction RTK), Oz a obtenu à l’automne dernier la certification CE permettant aux utilisateurs de laisser le robot fonctionner en autonomie. Autrement dit, lorsqu’Oz est en train de désherber une parcelle, l’agriculteur peut le laisser travailler dans le champ et se consacrer à une autre tâche. Une petite révolution pour le monde agricole. « Naïo Technologies est le seul constructeur dans le secteur de la robotique agricole à avoir mis au point cette technologie d’autonomie augmentée et à avoir obtenu la certification légale garantissant que nos robots peuvent fonctionner seuls sans danger », se félicite Gaëtan Séverac, cofondateur de l’entreprise créée en 2011 avec Aymeric Barthes.
40 millions d’euros levés
Actuellement, Naïo Technologies emploie 70 personnes, et a levé au total plus de 40 millions d’euros, dont 30 millions en décembre 2022. Des fonds qui ont permis à l’entreprise de perfectionner son premier robot et d’élargir la gamme. Aujourd’hui, Naïo Technologies propose quatre robots fabriqués par des prestataires français : Oz, le petit outil destiné aux maraîchers ; Ted (sorti en 2016), l’enjambeur destiné au désherbage des vignes ; Orio (sorti en 2021), l’enjambeur pour les cultures légumières en planches, betteraves sucrières et pommes de terre, et les producteurs de semences ; et Jo (sorti fin 2021), un chenillard dédié aux vignobles à haute densité. « Nous proposons des outils pour les petites et les grandes exploitations, dont la mission principale est le désherbage mécanique, mais qui peuvent assurer d’autres missions comme le semis, la tonte ou encore l’épamprage (le fait de retirer les nouvelles branches d’une vigne, NDLR) », explique Gaëtan Séverac.
La fête de l’asperge
« L’idée de fabriquer des robots pour l’agriculture est née le 1er mai 2010 à Pontonx-sur-l’Adour, dans les Landes », se souvient précisément Gaëtan Séverac. « Ce jour-là, je suis allé à la fête de l’asperge pour y retrouver une amie. J’ai discuté avec un producteur qui s’est plaint que les jeunes étaient des fainéants car ils ne voulaient plus venir travailler pour ramasser les asperges », relate-t-il. Celui qui est alors étudiant à l’Imerir (école de robotique et informatique de Perpignan) imagine fabriquer un robot pour effectuer cette tâche. « Rapidement, je me suis aperçu que le marché était insuffisant », raconte-t-il en souriant. « J’ai parlé de l’idée avec Aymeric – nous étions étudiants ensemble – et on s’est dit qu’un robot de désherbage pourrait être plus utile. » Une idée lumineuse qui répond à deux enjeux majeurs du moment : le monde agricole souffre d’une pénurie de main-d’œuvre, et l’agriculture entame sa transition écologique, avec l’objectif – sous l’impulsion des pouvoirs publics et de la société civile – de réduire l’usage des intrants, désherbants tels que le glyphosate en tête.
Un prototype conçu dans un garage
Les deux amis créent donc Naïo Technologies en novembre 2011. « On se retrouvait les week-ends chez les parents d’Aymeric pour construire notre premier prototype dans le garage ! À l’époque, j’étais en thèse et Aymeric travaillait. » Les deux associés démarrent sur leurs fonds propres, puis récoltent 8 000 euros en 2012 via une opération de crowdfunding sur la plateforme Ulule pour avancer sur leur projet. Un an plus tard, ils lèvent 50 000 euros auprès de leurs familles respectives et leurs proches grâce à une opération de love money. Ils vendent dans la foulée leur premier robot électrique de désherbage mécanique, baptisé Oz, à un maraîcher bio installé à Belberaud, en Haute-Garonne. « La commercialisation de ce premier robot nous a permis de valider la technologie et nous a ouverts à d’autres financements. » En 2014, Naïo Technologies accueille en effet ses premiers actionnaires : l’entreprise lève 700 000 euros pour fabriquer ses cinq premiers robots et réaliser ses premiers recrutements. La jeune start-up, véritable pionnière de la robotique agricole pour les cultures végétales, compte alors cinq collaborateurs. Le chemin parcouru depuis est éloquent.
« En nombre de robots vendus, nous sommes le leader mondial sur le marché de la robotique agricole »
Pour une agriculture plus vertueuse
« Nous travaillons actuellement avec certains fournisseurs partenaires pour intégrer de nouvelles solutions, notamment de pulvérisation de précision. » Avec ces nouvelles fonctionnalités, les robots pourraient accompagner les agriculteurs dans le verdissement de leurs pratiques. La pulvérisation de précision permettrait par exemple d’avoir recours aux produits phytosanitaires de façon raisonnée et d’éviter d’épandre à outrance. Les robots permettent même déjà dans certains cas de supprimer l’usage des herbicides. « La plupart de nos clients n’utilisent plus de produits de désherbage sur les parcelles parcourues par nos robots », se félicite le cofondateur. Électriques, les robots sont par ailleurs plus vertueux que les tracteurs. « 62 tonnes d’équivalent CO2 sont économisées sur 5 ans en désherbant un vignoble avec Ted plutôt qu’avec un tracteur à moteur thermique », affirme-t-on chez Naïo Technologies.
Distribués dans 30 pays
Aujourd’hui 450 robots Naïo Technologies ont été commercialisés dans le monde, principalement en Europe et en Amérique du Nord, par 30 distributeurs installés dans 20 pays. L’entreprise haut-garonnaise a même ouvert une antenne aux États-Unis, en Californie, pour mieux cibler le marché américain. « En nombre de robots vendus, nous sommes le leader mondial sur le marché de la robotique agricole », affirme Gaëtan Séverac. Une position que l’entreprise souhaite conserver, désormais challengée par des concurrents français ou danois arrivés plus tardivement sur le marché. « La concurrence a des avantages, confie l’entrepreneur. Longtemps on a dû convaincre de la pertinence de la robotique pour le monde agricole. Aujourd’hui, l’arrivée de nouveaux acteurs conforte les agriculteurs qui croient désormais au potentiel de la robotique. La concurrence est également un moteur qui nous pousse à progresser sans cesse et à améliorer nos solutions pour garder notre place. » Naïo Technologies a ainsi annoncé en septembre dernier devenir le premier constructeur en robotique agricole à garantir l’ensemble de sa flotte pendant 5 ans.
Un nouveau DG
Pour conserver son statut de leader, Naïo Technologies veut passer du statut de start-up à celui de véritable PME industrielle. « Nous avons besoin dans ce contexte d’être accompagné par un expert. » C’est pourquoi les cofondateurs viennent de nommer un nouveau directeur général à sa tête, en la personne de Philippe Perrin. À 51 ans, il a accompagné, en tant que dirigeant, plusieurs entreprises, PME et ETI dans les étapes-clés de leur développement. Il a notamment été directeur général de l’industriel français du pain Novepam et a travaillé près de 10 ans pour le groupe agro-industriel Unilever (2000-2009). « L’arrivée de Philippe Perrin à nos côtés doit nous aider à nous structurer pour mieux grandir », précise Gaëtan Séverac. Car Naïo Technologies a encore de grandes ambitions : « Nous espérons avoir vendu au total plus de 1 000 robots dans le monde avant 2030 », conclut le dirigeant.