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Saint-Astier – Une ferme aquaponique en pointe

Depuis décembre 2022, Matthieu et Clémentine Dubois ont lancé Nature et Saveurs, une ferme aquaponique au cœur de Saint-Astier. Ensemble, ils produisent plusieurs centaines d’espèces de plantes et élèvent des truites arc-en-ciel, vendues aux particuliers comme aux professionnels.

ferme aquaponique

© Loïc Mazalrey - La Vie Économique

Sous 1 900 m2 de serre, Matthieu et Clémentine Dubois ont créé un véritable écrin de verdure. Des plans de houblons montent jusqu’en haut de la structure, du basilic sacré envahi les bacs, le rouge de l’acérola fleurit son arbre… Dans leur ferme aquaponique de Saint-Astier, Nature et Saveurs, le couple cultive plus 320 références de graines. Et si elles commencent leur croissance dans la terre, elles n’y restent pas bien longtemps.
En effet, dans une ferme aquaponique, les plantes rejoignent ensuite l’eau, où trempe leur système racinaire. La plante est retenue par une sorte de mousse, dans laquelle est glissé un substrat à base de fibre de coco, en dessous, les racines sont à même l’eau. Là, elles reposent dans une eau enrichie en CO2 à 200 % grâce à une pompe.

Un circuit fermé

Mais la particularité de cette eau, dans laquelle grandissent les plantes vient de son origine, et surtout de son traitement. Dans six bacs de 330 mètres cubes, le couple récupère de l’eau de pluie, dans lesquels sont élevées des truites arc-en-ciel. La ferme peut en pro- duire jusqu’à 300 kg par bac. Les poissons y sont nourris et l’eau, ainsi que leurs rejets, sont récupérés, pour être filtrés. C’est ce système qui va permettre de nourrir les plantes.

« On utilise la lutte biologique uniquement, avec le savon noir ou le bicarbonate par exemple »

Une première pompe gère les matières solides qui sont envoyées en reminéralisation dans une cuve. La matière devient donc minérale. La partie liquide est quant à elle biofiltrée par des bactéries transformant l’azote liquide en azote minéral, qui peut être assimilé par les plantes. Le tout est distribué par des pompes aux plantes, et ainsi de suite. Le cercle est infini et le circuit fermé. Un système qui permet de n’utiliser aucun traitement phytosanitaire. « On utilise la lutte biologique uniquement, avec le savon noir ou le bicarbonate par exemple », remarque Matthieu Dubois.

Du restaurant haut de gamme au food truck

Le GAEC Nature et Saveur commercialise ensuite plantes et poissons, pour les particuliers, et les restaurateurs. La truite part en bac d’affinage pour deux jours, où les poissons restent à jeun, avant d’être abattus et traités par Matthieu Dubois. Pour les restaurateurs, il lève les filets et vend le poisson ; pour les particuliers, il le fume au bois de hêtre.

Les fruits, légumes, plantes aromatiques, plantes médicinales ou encore jeunes pousses sont elles aussi vendues à des professionnels avec une tournée de livraison une fois par semaine. « On a tous types de client, du food truck au restaurant haut de gamme », note Matthieu Dubois. La vente se fait aussi aux particuliers. À la ferme sur récupération de cagettes les mardis et samedis, mais aussi dans le réseau La Ruche qui dit oui, à Bordeaux, Périgueux et Saint-Astier, et sur le marché de Périgueux.

Une reconversion réussie

Parmi les produits de Matthieu et Clémentine Dubois, de nombreuses espèces rares ou exotiques. Comme l’acérola, ou le fruit de la passion. « On essaie aussi de faire pousser de la banane, on est vraiment dans une année de test », note l’ancien océanologue. Avec Clémentine, ancienne professeure de SVT, Matthieu Dubois est en reconversion. Une décision qui s’est imposée pour le couple qui avait « envie de revenir à la base ». Sans formation, ils ont décidé de monter cette ferme aquaponique pour « s’engager dans la transition écologique et penser les choses depuis le départ, c’est-à-dire l’alimentation ». Pour leur projet d’une valeur de 750 000 euros, ils ont reçu 300 000 euros de subventions et contracté un emprunt pour le reste, et bénéficient de l’aide d’un salarié à temps plein.

ferme aquaponique

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Récompensé par le prix de la Truffe

Un lancement et une initiative qui ont fait mouche dans l’entrepreneuriat périgourdin, puisque le couple a reçu le prix de La Truffe, la société amicale des Périgourdins de Paris, accompagné d’une remise de chèque de 5 000 euros. Une somme qui va continuer d’accompagner le développement de la toute jeune entreprise. En effet, Matthieu et Clémentine aimeraient d’ores et déjà « améliorer la technique de la serre, avec l’installation notamment d’un système de brumisation haute pression pour favoriser la lutte biologique et nous devons aussi maîtriser la chaleur sous les serres pour les plantes », note-t-il.

Sans formation, ils ont décidé de monter cette ferme aquaponique pour « s’engager dans la transition écologique et penser les choses depuis le départ, c’est-à-dire l’alimentation »

En outre, les gérants du Gaec aimeraient gagner en autonomie énergétique en s’équipant de technologies photo- thermiques et photovoltaïques. Car si l’aquaponie permet un fonctionnement en circuit fermé en haut, et aucun apport phytosanitaire, la technique est très gourmande en électricité, les charges sont « considérables ». Mais pas de quoi décourager Clémentine et Matthieu, la tête dans les projets, et qui développent déjà une gamme de produits transformés, pour limiter les pertes.