Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Dordogne – Sortir le marron du ronron

L’interprofession de la châtaigne du Sud-Ouest investit dans une campagne de communication pour valoriser ce fruit dont la consommation est attachée à de lointaines habitudes dans les campagnes.

marron

© Marrons du Périgord-Limousin

L’image est traditionnelle en Périgord-Limousin, elle évoque nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et les paysans naguère sauvés de la famine aussi bien que les glaneurs d’aujourd’hui, quand les châtaignes tapissent les sous-bois en automne et qu’il suffit de se baisser pour les ramasser avant que les sangliers en fassent leur affaire. Voilà pour la sobriété rurale.

SOBRIÉTÉ RURALE

C’est en s’appuyant ouvertement sur cette vision surannée que l’Union Interprofessionnelle Châtaigne Sud-Ouest interpelle le consommateur sur sa capacité à devenir l’alimentation de demain. Son image se structure dans un esprit de proximité, d’écologie et d’économie circulaire. Il est dit que « les châtaigneraies sont des puits de carbone, productrices de miel et de bois » et sur- tout que la châtaigne est le fruit d’un environnement, un aliment « naturel, sans gluten, riche en amidon digeste, équilibré, source de fibres et de minéraux ».

Bref, une redécouverte qui mérite mieux que la fière escorte du chapon à Noël. Ce fruit est appelé à diversifier nos assiettes à tendance flexitarienne avec une teneur en minéraux élevée, notamment en potassium.

Une campagne sous le sceau de la sobriété : le passé s’invite dans le futur © Marrons du Périgord-Limousin

DÉCLINAISONS ET RECETTES

Après une récolte effectuée de mi-septembre à mi- octobre (en nombre et qualité cette année malgré la sécheresse) la saison de la châtaigne s’étire jusqu’à fin décembre : les Marrons du Périgord Limousin s’achètent frais, fermes et brillants, sur les marchés, dans les épiceries et grandes surfaces. Le reste de l’année, on les trouve chez les producteurs, stérilisés en bocal ou en sachet sous vide, mais aussi travaillés en farine ou crème de marron. Au prochain festival du Livre gourmand de Périgueux, du 18 au 20 novembre, Marie-France Delpech, qui a créé en famille Les Jardins de Sainte-Hildegarde, au Coux-et-Bigaroque, sera l’une des invités d’honneur : elle montrera avec son livre publié aux éditions du Rocher comment Hildegarde de Bingen usait des vertus des châtaignes au même titre que celles de l’épeautre ou du fenouil.

Les châtaigneraies sont des puits de carbone, productrices de miel et de bois

CARNET DE RECETTES DISPONIBLES EN LIGNE

L’interprofession rappelle qu’au regard des pénuries annoncées par certains producteurs de légumes, il est temps de redécouvrir cet aliment sucré ou salé. Elle s’attache à le sortir de sa place d’accompagnement pour montrer son usage en soupe et velouté, en confiture, crème, purée, farine, pâtisserie, biscuits, liqueur, en apéritif et en salade. En éditant un carnet de recettes disponible en ligne, elle donne de nouvelles clés d’utilisation aux jeunes générations de consommateurs, avec quelques astuces de conservation par congélation ou de cuisson au micro-ondes.

© Marrons du Périgord-Limousin

RESSOURCES LOCALES

Six adresses périgourdines figurent dans la liste de producteurs-transformateurs, surtout autour de Ville- franche-du-Périgord, dans un Sud-Dordogne qui a beaucoup capitalisé sur cette ressource.

On compte aussi en Dordogne une entreprise de trans- formation, deux coopératives de collecte et quatre expéditeurs-metteurs en marché. Et à travers Invenio, les castanéiculteurs disposent d’un site d’expérimentation à Douville : 12 hectares de vergers, laboratoire d’analyse, aire d’acclimatation de jeunes plants. Depuis octobre 2015, la qualité de la production de châtaignes du Sud-Ouest est reconnue par un label rouge.

PRODUCTION INSUFFISANTE

La châtaigne est une authentique production, avec des plantations conçues pour la récolte. On compte environ 1 800 ha de châtaigneraies, la surface ayant augmenté de 46 % depuis 2000 avec une aide permanente à la restauration de vergers en Dordogne (Conseil Départemental) : plus de 500 ha devraient entrer en production dans les 10 ans. Car la production du bassin (Dordogne, Lot, Corrèze, Haute-Vienne) est toujours insuffisante pour approvisionner les entreprises de transformation qui y sont implantées, elles doivent importer des fruits d’Europe du Sud. La filière agit pour se développer à la source et aller au-delà des 3 000 tonnes récoltées par un millier de producteurs. À noter que 1 425 ha sont engagés en Agriculture Biologique.

PRINCIPALE CULTURE DU PÉRIGORD- LIMOUSIN

La châtaigne était la principale culture du Périgord-Limousin et nourrissait majoritairement la population jusqu’au XIXe siècle : Dordogne, Corrèze et Haute-Vienne étaient les trois premiers départements producteurs en France en 1815. Décimé ensuite par la maladie de l’encre, causée par un champignon du sol attaquant les racines, le châtaignier a surtout souffert de l’utilisation de son bois par les industries extrayant son tanin, perdant à cette période 86 % de sa surface.