Couverture du journal du 02/10/2024 Le nouveau magazine

Toulouse – L’Opticien qui bouge continue d’innover

Ancien opticien chez Afflelou, Gwenaël Merlio a lancé son concept à domicile il y a 10 ans : « l’Opticien qui bouge ». Après avoir levé 1,5 million d’euros, il lance une nouveauté en cette rentrée : vous obtenir une ordonnance de lunettes en 48 heures sans rendez-vous chez un ophtalmologue.

Opticien, Toulouse

Gwenaël Merlio © L'Opticien qui bouge

Si on est un amateur de jeu de mots, on peut dire sans sourciller que Gwenaël Merlio est un visionnaire. L’homme aux petites moustaches recourbées s’en défend pourtant. Après dix ans passés chez Afflelou, d’abord en région parisienne puis à Labège, l’opticien explique simplement avoir constaté un problème. « Je voyais des enfants nous déposer leurs parents âgés en magasin le samedi après-midi. Ils les laissaient parfois 2h, le temps de faire leurs courses. Ces personnes âgées n’étaient pas dans une situation confortable pour choisir des lunettes. »

A l’origine, un service à domicile

Dans sa tête, trotte alors l’idée de lancer un service à domicile pour ces personnes âgées ou à mobilité réduite. « Entre choisir des lunettes, retirer sa commande, et éventuellement revenir si on a un problème, ces personnes font 3 à 4 allers-retours chez l’opticien. Je me suis dit qu’il valait mieux aller vers elles que l’inverse. » Il lance son étude de marché en ciblant les EHPAD où plus de 8 résidents sur 10 portent des lunettes. « Ces personnes sont souvent mal conseillées. Leur vue change et une mauvaise correction peut entraîner des chutes, une perte d’autonomie … »

Eviter le renoncement aux soins

Son concept « L’Opticien qui bouge » fonctionne et un réseau d’opticiens se monte. Cela permet de créer du lien social avec certains résidents d’EHPAD isolés. L’objectif est aussi de lutter contre le renoncement aux soins qui existe à tout âge. « Je me suis rendu compte que le besoin était plus large que les personnes âgées. Beaucoup d’actifs n’ont pas le temps de se rendre chez un opticien, et renoncent à faire des lunettes parce que le délai pour un rendez-vous ophtalmo est trop long. »

On a voulu éviter aux personnes âgées des allers-retours incessants chez l’opticien

En Haute-Garonne, les délais dépassent parfois les six mois. « C’est pour cela que nous avons conclu un partenariat avec Lyleoo pour obtenir une ordonnance en 48h. » Le procédé est simple : chaque opticien du réseau est équipé d’une machine qui prend les mesures de l’œil et détermine la correction. Un questionnaire médical est rempli et le tout est envoyé à un ophtalmologue conseil. C’est lui qui décide s’il établit ou non l’ordonnance. « S’il y a trop d’inconnues, ou qu’il y a des pathologies oculaires, il faudra consulter », précise Gwenaël Merlio qui investit 7 000 euros par appareil pour proposer ce service.

Convivialité et confiance

Nous avons pu suivre l’Opticien qui bouge auprès de ses clients en banlieue de Moissac (Tarn-et-Garonne). « On n’a pas d’ophtalmo à proximité. Le plus proche est à Toulouse ou Montauban, mais c’est loin », regrette Françoise qui reçoit Anne, opticienne du réseau. « Là, on n’a pas à se déplacer. Quand on travaille, on n’a pas toujours le temps de prendre la voiture pour refaire des lunettes ! »

La quinquagénaire essaie des lunettes rouge et noir parmi les 300 modèles disponibles. « Vous supportez le Stade Toulousain ? » rigole Anne. « Oh, ça fait Madame Doubtfire celle-là ! » rétorque Françoise en référence au personnage de Robin Williams. « On partage des moments conviviaux avec les clients, sourit Anne. En magasin, c’est impossible, car il y a toujours du monde, on ne peut pas avoir le même lien. Là, il y a une vraie confiance qui s’installe. »

Toulouse, opticien

Une visite à domicile dure environ une trentaine de minutes © L’Opticien qui bouge

L’Opticien qui bouge compte 70 professionnels dans une trentaine de départements

Pour les opticiens qui rejoignent le réseau, c’est la découverte d’un métier différent. « Ils doivent démarcher leurs clients, apprendre à se vendre. Ils ne sont pas passifs comme en magasin. On a pris un coach en prise de parole pour les aider lors de la formation initiale », détaille le patron.

Dans un premier temps, les recrues deviennent agents commerciaux, commissionnés sur le chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Ensuite, ils passent franchisés et versent une redevance au réseau. Actuellement, l’Opticien qui bouge compte 70 professionnels dans une trentaine de départements. L’objectif est d’arriver à 100 d’ici la fin d’année et à 300 sur tout le territoire dans 3 ans. « Il faut convaincre ! On vise surtout des opticiens qui ont travaillé en magasin et se sont lassés. Ils craignent parfois de se lancer mais l’entreprise a 10 ans d’expérience. On sait que ça fonctionne ! Et ça rassure. »

Vers le marché européen

Le succès, encore plus fort depuis le Covid, est récompensé par une levée de fonds de 1,5 million d’euros. Gwenaël Merlio réfléchit même à une prochaine levée d’ici trois ans. « On a des demandes en Italie et en Espagne pour dupliquer le concept. On aimerait se développer en Europe en commençant par les pays francophones comme la Suisse, la Belgique et le Luxembourg. Mais on y va étape par étape. » Histoire de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre.