Scruter les prévisions météorologiques sur son smartphone, à la télévision ou sur un bon vieux baromètre aura parfois procuré de l’espoir ce printemps mais souvent de la déception. Pour les professionnels du tourisme du Pays basque comme pour de nombreux résidents et vacanciers, les mois d’avril, mai et juin ont été globalement déplorables. Classé parmi les plus pluvieux depuis une quinzaine d’années, ce printemps 2024 s’est distingué par son excédent pluviométrique de 51 % par rapport à la normale. Mars a été le mois le plus pluvieux (+104 %) suivi de mai (+60 %).
Un printemps pluvieux mais doux
Mais avec un excédent de température de +0,8 °C, ce printemps 2024 est placé en 6e position des printemps les plus doux. La première quinzaine du mois d’avril a d’ailleurs été la plus chaude jamais observée depuis 1900 avec deux records nationaux le 6 avril : une température minimale de 22,5 °C à Biarritz et une température maximale de 33,9 °C à Navarrenx en Béarn. Pour Denis Ulanga, directeur de l’agence départementale du tourisme Béarn & Pays basque, la fréquentation touristique de ce printemps a malgré tout été stable avec 2 % de visiteurs en plus et une fréquentation équivalente à mi-juillet lors des ponts de mai et de l’Ascension.
La baisse des réservations sur la côte basque est estimée à -10 % pour l’été 2024
L’importance des ponts de mai
Avec le 1er et le 8 qui tombaient un mercredi puis le lundi de Pentecôte le 20, le mois de mai était prometteur pour les professionnels du tourisme. « Mai est la période la plus importante pour les réservations de dernière minute », précise Chloé Pradot de la société Wikicampers. Basée à Bidart, Wikicampers est une plateforme de location de camping-cars entre particuliers proposant plus de 6 500 véhicules. La société réalise 10 à 15 % de son chiffre d’affaires avec les locations de dernière minute qui sont majoritaires en mai. « La météo a eu un impact direct sur ces locations qui ont été en baisse », déplore Chloé Pradot.

La Côte des Basques à Biarritz © Ville de Biarritz
Réservations en baisse pour l’été
Durant les vacances de printemps étalées, selon les trois zones, du 6 avril au 6 mai (13 mai pour la Corse), le Pays basque a accueilli sa clientèle habituelle composée aux trois quarts de Français. C’est à cette période que les réservations de l’été ont commencé à diminuer selon Owen Lagadec-Iriarte, directeur général de Poplidays, une plateforme de location de meublés de tourisme. Basée à Urrugne, elle gère 50 000 logements de professionnels en France. « Après une forte prise de réservation au premier trimestre, nous avons observé une érosion à partir d’avril. Résultat : 5 % de réservations en moins pour juillet en France. Pour la saison estivale les réservations sont en baisse de 17 % pour le Pays basque et de 8 % pour les Landes », témoigne Owen Lagadec-Iriarte.
Le littoral un peu moins attractif
Constat équivalent pour Denis Ulanga : -6 % de réservation pour le département des Pyrénées-Atlantiques avec -8 % de retard pour le Pays basque et -10 % pour la Côte basque. « Nous verrons avec les réservations de dernière minute », tempère le directeur de l’agence départementale du tourisme Béarn & Pays basque. Citant une enquête nationale sur la clientèle française en 2024, Denis Ulanga rappelle qu’à 63 %, celle-ci choisit le littoral et à 22 % la campagne. Mais ce dernier chiffre qui a augmenté de 17 à 22 % indique-t-il un début de désaffection du littoral ? Ce serait la tendance.

Bidart © D. R.
Un afflux touristique prévu pour la fin août
Interrogés début juillet par La Vie économique du Sud-Ouest, ces professionnels du tourisme restent néanmoins prudents tant la météo et les événements sociaux peuvent faire varier la fréquentation touristique. « L’incidence du climat politique est peut-être irrationnelle mais les gens ont besoin de stabilité », observe Owen Lagadec-Iriarte. Il a noté un afflux de réservation après les Jeux olympiques organisés à Paris du 26 juillet au 11 août. Ces arrivées après le 10 août pourraient même être équivalentes à la fréquentation habituelle de la première quinzaine d’août.
Avec des prestations en moins et des tarifs en hausse, la côte basque s’expose à la concurrence d’autres destinations
L’influence des événements sportifs et culturels
Denis Ulanga confirme « l’importance des événements festifs, culturels et sportifs dans les réservations ». Les informations de l’agence départementale du tourisme Béarn & Pays basque ont indiqué un pic de réservation pour les fêtes de Bayonne organisées cette année du 10 au 14 juillet. En 2023, les fêtes ont accueilli 1,3 million de participants, un record, et 240 000 bracelets d’accès (obligatoires pour les non-résidents de Bayonne) avaient été vendus. En limitant ainsi l’accès à la ville depuis 2018, la municipalité bayonnaise a souhaité maîtriser le budget qu’elle consacre aux fêtes et aussi contrôler davantage les débordements de cet événement populaire.

L’Hôtel du Palais à Biarritz © Hôtel du Palais
Parkings payants et douches de plage supprimées
Faire payer les participants des fêtes de Bayonne illustre le débat du financement des services publics par les citoyens ou les usagers et donc localement par les résidents ou les touristes. Sur la Côte basque, les douches de plage ont été supprimées quasiment partout. À Biarritz, la consommation d’eau de ces douches représentait un coût de 65 000 euros pour la ville. À Anglet, les parkings de plage sont devenus payants comme presque partout sur la Côte basque. Connaissant des difficultés de recrutements, certains restaurants limitent leurs services en saison. Avec des prestations en moins et des tarifs en hausse, la Côte basque s’expose à la concurrence d’autres destinations françaises comme la Bretagne ou internationales comme le Maroc.
L’impact des eaux de baignade
« La qualité des eaux de baignade commence à avoir de l’impact », remarque Owen Lagadec-Iriarte comme autre signal faible d’une baisse de réservations de locations saisonnières. Des fermetures épisodiques de plages lors de fortes pluies à l’apparition d’algues toxiques due au réchauffement climatique, la pollution de l’océan freine peut-être certains touristes amateurs de baignades et de sports nautiques. Si l’on ajoute la volonté des collectivités territoriales de favoriser le slow tourisme et la limitation drastique des meublés touristiques (voir encadré), on peut comprendre l’évolution des comportements des touristes mais redouter aussi la baisse inéluctable du chiffre d’affaires du secteur du tourisme sur la Côte basque.

Baie de Txingudi à Hendaye © Hendaye Tourisme
2 000 meublés de tourisme en moins
Depuis mars 2023, un règlement instauré par la Communauté d’agglomération du Pays basque régule l’activité des meublés de tourisme dans 24 communes situées essentiellement sur le littoral. Considérant que la multiplication de ces locations de type Airbnb se faisait au détriment des besoins des populations locales, la Communauté d’agglomération a imposé aux propriétaires de ces meublés de compenser le déficit d’un logement par la création d’un autre. Selon Denis Ulanga, directeur de l’agence départementale du tourisme Béarn & Pays basque, les meublés de tourisme sont passés de 20 000 à 18 000 entraînant logiquement une déperdition de touristes. Comme cette loi sur les meublés de tourisme est toujours en discussion (régime fiscal, durée de location), leur nombre pourrait encore diminuer.
19 millions de visiteurs au Pays basque en 2023
Selon les estimations de l’agence départementale du tourisme Béarn & Pays basque, les retombées économiques du tourisme auraient été de 2,78 milliards d’euros pour le département en 2023 dont 2,1 milliards pour le Pays basque. Celui-ci aurait bénéficié de 100 millions d’euros de retombées supplémentaires par rapport à 2022 mais ce chiffre est à reconsidérer avec une inflation à 5 %. Le Pays basque a accueilli 19 millions de visiteurs en 2023 dont 75 % de Français.