Depuis une bonne vingtaine d’années, nombre d’observateurs glosent sur l’inéluctable déclin de « l’empire américain », sa faiblesse grandissante face à l’hyperpuissance chinoise, le retour de son isolationnisme sur la scène diplomatique mondiale, sa dette abyssale… Les États-Unis ne sont certes pas le paradis, le pays étant en proie à de grandes incertitudes sur le plan politique, sa société étant clivée comme jamais, etc. La plupart des Américains sont lassés et n’expriment aucun enthousiasme de revivre un duel Biden-Trump à la prochaine présidentielle, comme le confiait d’ailleurs Hillary Clinton à Bordeaux lors du World Impact Summit le 7 mars dernier. Et pourtant.
Optimisme et détermination
Ces mêmes Américains (patriotes de toujours) n’hésitent pas à se retrousser les manches avec un optimisme non béat, une détermination à toute épreuve pour rebondir et investir sur l’avenir dans un secteur clé de leur économie : le tourisme. L’événement auquel j’ai assisté en est une illustration frappante. C’est un grand barnum que seuls les Américains avec leur sens du show et du business sont capables d’organiser, un événement hors du commun dont nos compatriotes pourraient tirer des enseignements en termes de marketing territorial et d’attractivité économique : l’IPW. Organisé par l’US Travel, l’IPW avait lieu cette année du 3 au 8 mai dernier dans une très grande ville emblématique, Los Angeles, cité des Anges aussi bien « City of Lights » que « Dark City ».
« Les États-Unis continuant de dominer le monde en matière d’arrivées de voyages long-courriers »
Résilience de l’industrie américaine du voyage
5 700 participants, dont 2 000 acheteurs et médias internationaux de près de 70 pays, soit une augmentation significative de 20 % par rapport à l’année dernière, ont démontré l’enthousiasme palpable pour les voyages aux États-Unis. Chris Thompson, président de Brand USA, l’organisation nationale de marketing de destination et principal sponsor de l’IPW 2024 de la U.S. Travel Association, n’a pas manqué de souligner la particulière résilience de l’industrie américaine du voyage international après ce Covid paralysant. « Il y a un net regain d’enthousiasme pour les voyages, les États-Unis continuant de dominer le monde en matière d’arrivées de voyages long-courriers. » « Les revenus générés par le tourisme sont encore très bons et le marché nord-américain tient bon grâce aussi et en premier lieu aux touristes américains eux-mêmes », souligne Dominique Plaissety, président de Mice Finder.
En 2023, le pays a accueilli près de 67 millions de visiteurs qui ont dépensé 213 milliards de dollars en activités de voyage, ce qui représente une augmentation de 28 % par rapport à l’année précédente. Ainsi, les visites entrantes en provenance d’Inde ont déjà dépassé les niveaux de visites de 2019, et les pays suivants devraient le faire en 2025 : Australie, Brésil, Canada, Allemagne, Italie et Royaume-Uni et France. Avec 340 000 visiteurs pour le seul premier trimestre 2024, soit une progression de plus de 20 % par rapport à 2023, le marché français a le vent en poupe.
« Nos ambitions sont limitées par des attentes souvent longues à la douane »
Marché stratégique pour le MICE
À côté des soirées privées et autres manifestations festives organisées durant l’événement, l’IPW (avec ses 100 000 rendez-vous d’affaires) sert également de catalyseur économique, générant plus de 5,5 milliards de dollars de futurs voyages aux États-Unis. Sur les stands représentant toutes les villes et États, les exposants rivalisent d’initiatives pour donner envie de visiter leur destination. Le moindre monument ou personnalité originaire du territoire donne lieu à un story telling toujours très poussé et enjoué bien sûr.
Pour le secteur MICE, les États-Unis demeurent un marché toujours stratégique pour le monde avec des destinations attractives pour tout type d’événement et très bien desservies par les compagnies aériennes du monde entier. « Il y a toutefois une vraie problématique depuis 2-3 ans : les prix (de l’hôtellerie et de la restauration) ont fortement augmenté et je trouve que les prestations sont en baisse », alerte Dominique Plaissetty, expert du tourisme d’affaires. Avant d’ajouter : « la grande époque du tourisme d’affaires est derrière nous mais j’ai pourtant un bon espoir : le développement des mails et des visios a toutefois suscité un besoin de recréer un contact physique ».
250e anniversaire de l’Amérique
Les États-Unis devraient accueillir 90 millions de visiteurs qui dépenseront 279 milliards de dollars par an d’ici 2027, objectifs définis dans la stratégie nationale des voyages et du tourisme pour 2022. Les dernières prévisions de Tourism Economics montrent que les dépenses des voyageurs internationaux devraient augmenter de 74 % entre 2023 et 2027. Ces chiffres seront évidemment boostés par la Coupe du Monde de la FIFA qui se tiendra aux États-Unis en 2026, la célébration du 250e anniversaire de l’Amérique aussi en 2026, sans oublier les Jeux olympiques d’été de Los Angeles en 2028.
340 000 visiteurs français sont allés aux États-Unis au 1er trimestre 2024, une progression de plus de 20 % par rapport à 2023
Faire du voyage une priorité nationale
« Notre objectif national devrait être d’être rien de moins que le numéro un en termes d’arrivées de visiteurs, de dépenses des visiteurs et d’expérience des visiteurs. Mais nos ambitions sont limitées par des délais d’attente excessivement longs pour les visas de visiteur, des attentes souvent longues à la douane et un système de contrôle du trafic aérien qui peine à répondre à la demande. Parvenir à une croissance des voyages nécessitera une concentration soutenue de la part du gouvernement et de l’industrie pour résoudre les frictions et améliorer le processus pour les voyageurs », a déclaré le président de l’US Travel Geoff Freeman. De nombreux autres leaders de l’industrie, ainsi que des élus, ont rejoint l’IPW 2024 et ont rappelé en quoi les voyages sont essentiels pour leurs communautés, entreprises et économies. « Les contributions [de l’industrie du voyage] à notre économie contribuent à offrir une expérience incroyable aux touristes pour toute leur vie », a martelé enthousiaste la maire de Los Angeles Karen Bass.
Brand USA : une organisation stratégique
C’est le président Obama qui fut à l’origine de Brand USA, l’organisation de marketing de destination pour les États-Unis, créée en 2010 par le Travel Promotion Act en tant que premier partenariat public-privé du pays visant à promouvoir les États-Unis en tant que destination de voyage de premier ordre. La mission de l’organisation est d’augmenter les visites internationales aux États-Unis afin de stimuler l’économie américaine et d’améliorer l’image des États-Unis dans le monde. Selon des études d’Oxford Economics, au cours des dix dernières années, les initiatives marketing de Brand USA ont contribué à accueillir 8 millions de visiteurs supplémentaires aux États-Unis, bénéficiant ainsi à l’économie américaine avec un impact économique total de plus de 58 milliards de dollars et soutenant, en moyenne, plus de 37 000 visiteurs.