La Vie Economique : En juin dernier, vous avez été réélu à l’unanimité président de l’Union nationale des Couveuses d’Entreprises pour un second mandat de trois ans. Quels ont été les changements que vous avez apportés depuis 2021 et quelles sont les perspectives ?
Emmanuel Dubié : « L’UCE représente 220 lieux d’accueil en France, en métropole et dans les territoires ultramarins, on est en grosse croissance sur les personnes accompagnées et les flux puisque nous sommes passés de 4 000 à 6 100 accompagnements cette année. On s’est attachés à développer la fédération mais aussi à en professionnaliser les acteurs. On a également changé de modèle économique en devenant un acteur de financement de nos adhérents. On pilote des gros consortiums au service de nos adhérents, depuis trois ans, nous sommes intégrés dans le dispositif Cap Créa créé par la Banque Publique d’Investissement. Ce collectif finance les 27 réseaux de la création d’entreprises en France, il y a une vraie montée en puissance, ce sont eux qui lancent par exemple les grands appels à projets nationaux, que ce soit pour des accélérateurs ou l’accompagnement des créateurs d’entreprises. »
LVE : Concrètement, qu’est-ce que ça induit pour l’UCE et ses adhérents ?
E. D. : « La tête de réseau de l’UCE répond à ces appels à projets comme French Tech Tremplin, Marseille en Grand ou les dispositifs d’accélérateur BPI. Quand on les remporte, ces financements vont aux adhérents, aujourd’hui on gère un peu plus de 10 millions d’euros de fonds qu’on leur rétrocède. En mai on a répondu à 4 gros appels à projets, si on est retenus, on devrait gérer plus de 22 millions d’euros. »
« Avec Crescendo, on accompagne en permanence à peu près 70 activités économiques, start-ups, porteurs de projets… »
LVE : Y a-t-il d’autres projets phares dans lesquels l’UCE est engagée ?
E. D. : « Le projet phare de BPI aujourd’hui, c’est Quartiers 2030 ; 430 millions d’euros sont mobilisés et tous les appels à projets pour lesquels notre fédération répond s’inscrivent dans le cadre de cette politique qui favorise l’entrepreneuriat dans les quartiers. Dans ce cadre, l’UCE va pouvoir instruire des prêts d’honneur solidaires quartiers qui iront jusqu’à 15 000 euros pour les créateurs suivis en couveuses. C’est acté et ça sera mis en place début 2025, ça nécessite un gros travail qui nous oblige à revoir nos modèles. C’est un enjeu important, on va rendre les acteurs plus attractifs, on va les conforter sur leur modèle économique à travers ces appels à projets, on va professionnaliser les métiers, c’est aussi pour ça qu’on a créé l’École supérieure de l’Entrepreneuriat. Elle a été initiée par l’UCE et on a notamment développé une formation qui permet de déboucher sur un BAC +3, c’est quelque chose d’important et en 2024 on espère avoir une centaine de créateurs certifiés. »
LVE : Les projets sont nombreux, est-ce qu’avec les bouleversements de la vie politique française vous avez ressenti une inquiétude ou êtes-vous préservés ?
E. D. : « Préservés non. Mais à titre personnel, ce qui peut m’inquiéter et doit inquiéter l’ensemble des réseaux d’entreprises, c’est la raréfaction de l’argent public. On sait que c’est un des gros contributeurs et financeurs, c’est pour ça qu’on appelle nos adhérents à être innovants sur leur modèle économique. Il va falloir faire plus avec moins, c’est le mot d’ordre aujourd’hui, toutes les agences de l’État vont passer non pas au rabot mais à la hache les budgets. C’est un discours qu’on n’entendait pas il y a un an. On sait que les Régions, sur les nouveaux programmes 2025-2027 sur la création d’entreprise, le mot d’ordre c’est moins 30 %. On a des adhérents qui ne vivent qu’à travers les subventions, c’est pour ça que lors des Masterclass on leur apprend à changer de modèle économique avant de se retrouver dos au mur. Le cadre fiscal peut changer du tout au tout d’une année à l’autre, c’est très compliqué. »
80 % des créateurs d’entreprise ne bénéficient pas d’accompagnement
LVE : Justement le problème du financement des entreprises est-il toujours d’actualité ?
E. D. : « Non, il s’est posé il y a quelques années, un énorme travail a été fait et on a un écosystème national plutôt performant. Il y a dix ans, les porteurs de projets venaient nous voir pour des problèmes de financement, aujourd’hui leur sujet prioritaire c’est l’accompagnement. Seulement 20 % des créateurs d’entreprises en bénéficient, ça veut dire que 80 % passent entre les mailles du filet, c’est un enjeu qui est très important, avec Cap Créa et BPI nous avons pour objectif de doubler l’accompagnement. »

© Lilian Cazabet – La Vie Economique
LVE : Quels sont les secteurs les plus dynamiques dans les créateurs d’entreprises accompagnés ?
E. D. : « Depuis son origine en 2001, 60 % des gens accompagnés sont des femmes, il faut le souligner. On a tout type d’activités liées au digital, au numérique et beaucoup de filières métiers, comme ceux de la mer, du sport, de l’audiovisuel, des multimédias, la culture… Et on a des structures spécialisées sur l’accompagnement de projets innovants, à ce titre on a eu des lauréats labellisés French Tech Tremplin. »
L’UCE va pouvoir instruire des prêts d’honneur quartier
LVE : Crescendo en fait partie. Vous avez fondé cet écosystème entrepreneurial incontournable du département. Seul centre labellisé Business et Innovation Européen, c’est à la fois un incubateur d’entreprises, un hub numérique, un fab lab, un espace de coworking… Comment va-t-il ?
E. D. : « Il va très bien ! On accompagne en permanence à peu près 70 activités économiques, start-ups, porteurs de projets… Niveau opérationnel, on a des réussites ; en 2023 on a été labellisés French Tech Tremplin avec des lauréats, on a déposé le dossier de candidature pour cette année et j’espère qu’on sera relabellisés. On est engagés aussi sur l’implantation locale d’un ou plusieurs accélérateurs BPI. On développe fortement l’École supérieure de l’Entrepreneuriat et sur l’activité fab lab, on a également créé des formations certifiantes sur la modélisation 3D avec un organisme national. La première promotion s’est terminée il y a dix jours. »
LVE : Quelle est la feuille de route pour les mois à venir ?
E. D. : « Développer fortement la formation est notre enjeu le plus important. On croise les doigts pour accueillir des accélérateurs BPI dans le cadre des appels à projets nationaux. Ça nous permettrait d’augmenter significativement le nombre de personnes accompagnées, on aura la réponse en septembre. Sinon on développe Adrénal’In notre propre dispositif d’accélération qui est très performant et on a de plus en plus de personnes avec des projets innovants à gros potentiel en termes de marché, d’emploi et de valeur ajoutée qui en bénéficient. Comme tous les réseaux de la création d’entreprises, on doit évoluer en termes d’ESG-RSE et les intégrer pour mieux valoriser l’impact qu’ont certains porteurs de projets. »
Crescendo au cœur d’un projet européen innovant
Le 13 juin, Bic Crescendo était présent à Saragosse pour la journée de lancement du programme Interreg poctefa Ridi Pirineos 2024-2026, porté par l’université de Saragosse et dirigé par le chercheur José Alberto Molina. Ce projet innovant bénéficie de la collaboration de neuf entités et a pour principal objectif la création d’un Moteur de Recherche Transfrontalier de Connaissances et d’un Living Lab, destinés à promouvoir l’échange de R&D+i entre universités et entreprises des deux côtés des Pyrénées. Il facilitera l’accès à des informations pertinentes dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation, en favorisant la collaboration et l’échange de connaissances entre les universités et les entreprises participantes. D’autre part, le Living Lab deviendra un espace dynamique où des projets communs seront développés et où les bonnes pratiques et les expériences innovantes seront partagées.