Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Une filière résiliente

Après une année 2022 marquée par l’influenza aviaire, en 2023 l’horizon s’éclaircit pour la filière foie gras. Une tendance à consolider en 2024.

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© Domaine de Barbe

« Depuis 2015, on compile un millefeuille de problèmes », résume Alexandre Léon, animateur de l’association foie gras du Périgord. Le premier cas de grippe aviaire en Dordogne, à Biras, il s’en souvient très bien : c’était le 25 novembre. Un anniversaire qu’il préférerait ne pas fêter. Jusqu’à un point culminant, en 2022, alors que la filière nationale accuse « une perte de 80 % du cheptel reproducteur », relève Camille Didierjean, conseillère avicole à la Chambre d’Agriculture. Les couvoirs des Pays de la Loire fournissant les canetons de la France entière sont durement touchés par l’épidémie. Depuis le 5 décembre 2023, le ministère de l’Agriculture a de nouveau placé tout le territoire français en risque « élevé » – induisant le confinement des volailles – après la découverte d’un premier foyer en élevage dans le Morbihan. Pour l’instant, le Sud-Ouest semble épargné.

Filière touchée mais pas coulée

En Dordogne, une soixantaine d’éleveurs ont été impactés par la grippe aviaire. L’IGP locale a perdu 65 % de sa production en élevage, passant de 3 millions de canards en 2021 à 1 million de canards certifiés IGP en 2022. Selon les chiffres du Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras), en 2022, la filière a également été touchée par une hausse de ses coûts de production, avec une augmentation de 24,5 % entre 2021 et 2022. En cause : la crise sanitaire, le prix des canetons, les coûts de l’alimentation des animaux, et de l’énergie.

« Après une chute de la production de 35 % au niveau national, la filière foie gras va progresser de 20 % en 2023 »

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a eu « peu de départs ou de défaillances d’entreprise dans l’IGP » et l’horizon s’éclaircit à l’heure de dresser un premier bilan pour 2023. « La filière reprend des couleurs, annonce Marie-Pierre Pé, présidente du Cifog. Après une chute de la production de 35 % au niveau national, elle va progresser de 20 % en 2023. » Peu touchés par la grippe aviaire cette année, les éleveurs périgourdins ont récupéré plus de canetons mâles que prévu, trois grandes coopératives du Gers ayant été à l’arrêt pendant quatre mois. Et seuls les mâles permettent l’obtention de l’IGP. « On a pu la remettre en place dès l’été, et on espère retrouver 50 % du potentiel de production », note Alexandre Léon.

Vaccination des canards gras

Pour 2024, l’animateur de Foie gras du Périgord espère avant tout « reconstruire le potentiel de production » notamment grâce à la vaccination des canards gras, qui était très attendue. Sur un an, 64 millions de canards des filières canard à rôtir et à foie gras seront vaccinés, selon le Cifog. « Il s’agit d’une dérogation, car il est interdit de vacciner les volailles en Europe, mais en France, il y a eu une obligation réglementaire de le faire sur les canards gras, dans les élevages de plus de 250 individus. C’est une expérimentation sur cet animal qui est plus excréteur de virus. Par la suite, on devra le faire valider à grande échelle. C’est le seul espoir dans le paysage pour une amélioration de la situation sanitaire », révèle Alexandre Léon.

« Le Périgord a une filière de circuit court bien plus importante que dans d’autres départements »

Une filière à préserver puisque le foie gras du Périgord bénéficie aujourd’hui d’une grande notoriété, née « du tissu artisanal de producteurs et des grandes marques nationales qui viennent du Périgord comme Rougié ou Delpeyrat », relate Marie-Pierre Pé. Si certains, depuis, en sont partis « par manque de production à l’échelle industrielle, la région reste celle qui compte le plus de conserveurs en TPE / PME », estime Alexandre Léon. Ce que confirme la présidente du Cifog : « Le Périgord a une filière de circuit court bien plus importante que dans d’autres départements ». Et la richesse de ce foie gras, c’est « sa multitude de recettes et des transformateurs qui portent le nom de grandes familles qui sont toujours aux manettes : quand on inscrit son nom sur un produit, on engage son honneur, c’est une garantie forte de qualité ».

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© Domaine de Barbe

« On vend autant que ce qu’on produit »

D’autant que le foie gras séduit toujours, l’adhésion ne décroche pas et « on vend autant que ce qu’on produit ». Ce qui est moins le cas sur les produits viandes. « Cela vient surtout des restaurateurs qui, face aux problèmes d’approvisionnement, ne travaillent plus, ou moins, le produit. Heureusement, la conservation tamponne cet effet », analyse Alexandre Léon. Et sur nos tables de fêtes, le foie gras a été au rendez-vous, mais pas en plus grande quantité qu’en 2022. « Du fait du peu de stocks restant en début d’année, l’offre sera sensiblement équivalente à celle de l’an dernier », détaille Marie-Pierre Pé.

La filière en chiffres

En filière longue, c’est-à-dire en groupement de production, la Dordogne compte 190 éleveurs et 90 engraisseurs

En circuit court, soit des agriculteurs indépendants, la Dordogne enregistre 250 exploitations.

Plus de 300 entreprises font partie de l’IGP foie gras du Périgord : plus de 200 producteurs, éleveurs, gaveurs et une centaine d’entreprises en aval

L’IGP Périgord compte une vingtaine d’éleveurs faisant eux-mêmes le gavage et la transformation

500 € par an : c’est le prix d’une adhésion à l’association Foie gras du Périgord qui donne droit à la certification, de la communication et des contrôles

91 : c’est le nombre de jours minimum pour faire un foie gras certifié IGP canard à foie gras du Sud-Ouest : 80 au moins pour l’élevage et 10 minimum pour le gavage