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Villacampa-Pyrénées : la renaissance des skis en bois

La Manufacture à Félix a remis au goût du jour les skis en bois sous la marque Villacampa-Pyrénées. Six ans après sa création, l’entreprise commence à se faire un nom et étend sa gamme à d’autres objets en bois.

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

« La Manufacture à Félix » : l’erreur grammaticale, ce « à » en substitution du « de », est dite volontaire par Jack Fauvel, le fondateur de cette TPE artisanale qui se décrit facétieux, voire caustique et parfois même hors cadre. Des traits de caractère qui, peut-être, expliquent pourquoi cet attaché territorial a choisi de relever le pari osé de relancer la fabrication de skis en bois dans les Pyrénées. Inspirés des modèles utilisés par les pionniers des sports de glisse, aux premières heures du pyrénéisme, les skis Villacampa-Pyrénées se veulent un concentré de technicité et d’esthétisme, héritages d’un savoir-faire local disparu.

L’histoire de cette entreprise béarnaise est en effet d’abord celle du béarnais Félix Villacampa, dont la marque de ski Villacampe s’est éteinte au début des années 2000 avant que Jack Fauvel ne lui donne une seconde jeunesse, en 2018. Après plusieurs déménagements, La Manufacture à Félix dont l’atelier est désormais installé à Bizanos, a connu des hauts et des bas, des associés, davantage de salariés, des prototypes à affiner et des longues phases de recherches… Désormais, elle a trouvé une stabilité qui se traduit notamment par une gamme de skis « aboutie » et « fiable » selon Jack Fauvel : « La vraie bascule a eu lieu quand j’ai recruté Éric en 2021, qui est menuisier de formation. Grâce à lui, nous sommes revenus à la base, à ce qui fait nos skis : le bois. » Les deux hommes se tournent vers des essences différentes, plus anciennes, et les travaillent : à ce jour, La Manufacture à Félix propose 6 modèles de skis.

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

© Cyril Garrabos – La Vie Economique

Skis de station, de randonnée ou de slalom, noyau en frêne, placage en ébène blanc du Laos, en chêne des marais ou encore en sycomore doré, ski plus ou moins « flex », tissus techniques divers, résine à 50 % bio… Si chaque modèle est très spécifique, d’autant plus ceux créés sur mesure à la demande du client, tous ont pour point commun d’être fabriqués de A à Z au sein de l’atelier grâce au savoir-faire d’Éric accompagné d’Anaïs, la seconde salariée. « Chaque ski demande 25 heures de travail. C’est de l’horlogerie de luxe », évoque Jack Fauvel. Une expertise qui a un prix : il faut débourser entre 900 euros et 3 000 euros (1 500 euros en moyenne) pour une paire Villacampa-Pyrénées.

Les skis de La Manufacture à Félix, qui a depuis peu choisi de vendre en direct dans un marché concurrentiel où il est difficile de peser et de marger, sont de fait à destination de passionnés davantage que du grand public. Moniteurs, gendarmes du PGHM et autres guides de haute montagne, « des gens qui se reconnaissent dans le discours », constituent l’essentiel de sa clientèle mais pas seulement. À plusieurs reprises, l’atelier a été contacté afin de réaliser des modèles personnalisés pour des marques de luxe, comme Claudie Pierlot ou Balenciaga. Récemment, Jacquemus lui a même commandé une luge.

La Manufacture à Félix sait donc fabriquer autre chose que des skis. Concevoir et vendre des articles de sport outdoor, à l’instar de skate-boards ou encore de raquettes de plage, mais aussi des meubles à la demande, est en effet l’autre pan de son activité. Avec, en produit phare, un vélo créé avec le designer Stéphane Mathieu dont le cadre est entièrement en bois. Pour Jack Fauvel, ce deux-roues de standing est aujourd’hui « la porte de sortie » de la société alors que son chiffre d’affaires demeure fragile, bien qu’à l’équilibre. « Nous avons beaucoup travaillé, mais pas assez. La marque et l’entreprise doivent passer un cap », remarque-t-il, précisant par ailleurs « être structuré pour fabriquer 250 paires » par an. « Désormais, nous devons développer des produits pour faire du chiffre d’affaires et, en particulier, ce vélo. Pour cela, je dois trouver des investisseurs. » Jack Fauvel se dit donc prêt à ouvrir ses portes sans oublier de rappeler, à toutes fins utiles, que dans cette aventure « le sens prévaut ».

« Chaque ski demande 25 heures de travail. C’est de l’horlogerie de luxe. »

Fabriquer sa propre paire de ski

La Manufacture à Félix ouvre ses portes aux entreprises et aux particuliers intéressés pour fabriquer eux-mêmes leur propre paire de skis. « C’est un peu comme le surfer qui aura envie de shaper sa propre planche », sourit Jack Fauvel, qui compare ces sessions de trois jours à un « Vis ma vie d’artisan ». Ces master classes, mises en place après le Covid, ont trouvé leur public : l’an dernier, 30 sessions ont ainsi eu lieu.