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Cerfrance : l’agriculture dans tous ses états

Comme chaque année, l’acteur référent du conseil et de l’expertise comptable dresse le bilan local de l’agriculture. Sans surprise, il reflète la tendance nationale côté productions et prix de vente.

Cerfrance

Suivant les zones, l’affouragement a été mis en place dès juillet ©DR

Alors que 60 000 visiteurs s’apprêtent à découvrir les fleurons de l’agriculture régionale lors de son célèbre salon tarbais, Cerfrance Hautes-Pyrénées a dressé un état des lieux local particulièrement pertinent sur la conjoncture et les prévisions 2022 du secteur. La démarche se fait tous les ans et elle vise à anticiper le niveau d’excèdent brut d’exploitation et de revenus disponibles d’exploitation par filière. Si les travaux ont été menés fin 2021, la campagne est toujours en cours pour quelques points. Animée par Thibaud Lacrampe, conseiller agricole du réseau, cette expertise dévoile les tendances du secteur mais aussi les enjeux.

UN CONTEXTE CLIMATIQUE INSTABLE

Ils s’inscrivent dans un contexte marqué tout d’abord par le climat, notamment les vagues de chaleur voire de canicule qui ont sévi : « Courant juin, il y avait déjà une sécheresse des sols due au déficit de précipitations même si les Hautes-Pyrénées ont été un peu préservées par ce manque d’eau, ça a pas mal affecté le rendement des cultures et la pousse de l’herbe », souligne l’expert. Les orages de grêle n’ont pas épargné un couloir qui comprend Rabastens, Vic-en-Bigorre et les enclaves tout comme les gelées tardives qui, elles, ont eu un impact sur les plantations de vignes.

L’IMPACT DE L’ÉNERGIE

Autre point qui a marqué la campagne, c’est l’évolution du cours de l’énergie en général. « Ce qui est nouveau, c’est l’envolée du prix du gaz naturel à partir de 2022, s’il est stabilisé aujourd’hui c’est sur une fourchette haute. L’électricité, bien sûr, qui sera répercutée en 2023 ». Les conséquences sur les exploitations sont évidentes : une hausse spectaculaire des charges, attendue encore plus fortement cette année.

Avec + 84 % pour l’engrais et + 74 % pour le carburant, l’indice des prix d’achat de production agricole a bondi de 19 %

 

Avec + 84 % pour l’engrais, + 19 % pour les aliments et + 74 % pour le carburant, l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole bondit de 19 % : « L’impact est un peu plus nuancé en fonction des stratégies d’achat, ceux qui ont pu acheter en morte saison ont été moins touchés » souligne Thibaud Lacrampe.

DES PRIX DE VENTE À LA HAUSSE

Une hausse qui s’est évidemment répercutée sur le prix de vente des productions agricoles avec une évolution globale de 20 % pour la partie « végétale », notamment + 49 % pour les céréales, + 41 % pour le tournesol et + 11 % pour les vins IGP : « Ils ont également souffert niveau rendement, ça va poser problème au niveau des revenus dégagés » souligne le conseiller. Partie « animale », le constat est le même et varie suivant les exploitations : +25 % pour les vaches, +11 % pour les bovins maigres, +12 % pour les volailles et +13,5 % pour le lait.

DES PRODUCTIONS EN RECUL

« Les seules productions qui s’en sortent sont le colza et le maïs irrigué », souligne Thibaud Lacrampe. Deux faits marquent les grandes cultures, la baisse des surfaces en culture d’hiver et l’assolement en tournesol qui est en tête des hausses avec 44 000 hectares pris à l’échelle de la région. Le maïs affiche lui une relative stabilité tandis que le blé tendre recule de 31 000 hectares et le blé dur de moins 9 000 hectares. L’évolution des cours suit le contexte, depuis la récolte 2020 les bilans mondiaux en céréales et oléagineux se contractent ce qui fait augmenter les prix, celui du blé dur a fortement progressé à cause de la faible récolte canadienne et l’arrêt des exportations depuis la Mer Noire accentue les tensions sur les prix.

PRIX DES CEREALES : DU SIMPLE AU DOUBLE

Sans surprise, le coût de toutes les productions est à la hausse comme l’explique l’expert : « Niveau prix, par rapport à il y a deux ans, on est parfois du simple au double. Le manque de disponibilité qui tend les marchés en blé est une tendance qu’on retrouve au niveau national et européen. Pour le maïs, qui nous intéresse plus dans le sud-Ouest, la récolte de 11 millions de tonnes est la plus faible depuis 1990 ».

PRIX RECORD DES OVINS

En bovin viande, on retrouve le même scenario, avec une consommation stable en 2020 et orientée à la baisse en 2022, notamment sur la viande hachée qui portait le secteur. Moins de disponibilité, une décapitalisation du cheptel, moins de naissances, moins de vaches… « Pour les broutards, ça colle pas trop mal avec les exports, notamment avec l’Espagne qui a moins engraissé » constate Thibaud Lacrampe. Après des années de baisse, la consommation des ovins est enfin stabilisée et connaît même une légère progression. Le prix moyen du kilo carcasse est de 8 €, un cout jamais atteint… mais les charges évoluent de 10 %. Autant de perspectives contrastées pour une année 2023 qui s’annonce compliquée pour l’agriculture.