Couverture du journal du 03/12/2024 Le nouveau magazine

Confiserie Marinette à Cauterets, 80 ans de berlingots

Étroitement liés au thermalisme, ces bonbons sont devenus la signature de Cauterets. Éric Millet est à la tête de la plus ancienne confiserie de Cauterets et chaque jour, il hypnotise les touristes avec la fabrication de ces douceurs d’antan.

confiserie Marinette, cauterets, berlingots, Eric Millet

Eric Millet, patron de la confiserie Marinette, assure tous les jours des démonstrations de fabrication de berlingots. © D.R

Avenue du Mamelon vert, les casquettes ont remplacé les couronnes et si les façades conservent la beauté intacte d’une architecture du XIXe siècle, au cœur de Cauterets on trouvera plus de touristes immortalisant le site à coup de smartphones que de nobles en goguette. Il suffit pourtant de flâner le long des magasins pour comprendre que le village n’est pas resté attaché qu’aux pierres de son patrimoine fabuleux. Dans cette rue principale c’est d’abord un arôme bien particulier qui fait office de filtre envoûtant, une odeur gourmande de sucre chaud qui surgit entre deux vitrines de souvenirs. La suivre c’est découvrir un étrange ballet où, sur une table de marbre, homme et rubans colorés hypnotisent les badauds qui finalement n’attendent qu’une chose : la naissance des berlingots.

LA PLUS ANCIENNE CONFISERIE

Nacrés, translucides, scintillants comme des pierres précieuses, ces bonbons sont partout, cinq commerces leur sont dédiés dans cette artère. Pour comprendre ce qui lie le village à ces douceurs d’antan, la confiserie Marinette est sûrement la mieux placée : avec 80 ans d’existence, c’est la plus ancienne de Cauterets. En 2023, point de Marinette mais le solide Éric Millet qui accueille les clients : « Le nom est resté, même s’il n’y a eu aucune reprise familiale, c’est Marinette qui a fondé la confiserie et je l’ai gardé ». Depuis 20 ans, c’est lui qui assure chaque jour la fabrication des fameux berlingots. Un travail artisanal bien plus physique qu’il n’y parait : « Je fais entre 7 et 9 tournées quotidiennes de 5 kilos. Dans notre jargon, ça s’appelle une cuite et il faut compter un peu moins d’une heure pour chacune d’elles ». Fabrication qui devient une démonstration mais surtout un spectacle puisqu’Éric Millet travaille à la vue de tous au centre du magasin.

Depuis 1943, rien n’a changé dans les gestes et la recette : un mélange de sucre, d’eau et de glucose porté à 150 degrés

confiserie Marinette, cauterets, berlingots, Eric Millet

© Shutterstock

DEMONSTRATION D’UNE RECETTE ANCESTRALE

Si le magasin a été rénové en 2009, la méthode est ancestrale et tant le crochet rivé au mur que la berlingotière où les rubans de sucre prennent leur forme de torsade sont d’origine. Depuis 1943, rien n’a changé dans les gestes et la recette : un mélange de sucre, d’eau et de glucose porté à 150 ° où les différents arômes et huiles essentielles sont incorporés : « Je le verse ensuite sur le marbre où il refroidit à 80 °, je prends des bouts de pâte que j’étire à l’aide du crochet, ça l’oxygène et lui donne les reflets nacrés ». Autant dire que toutes les étapes sont hypnotiques et que le parfum qui les accompagne séduisent été comme hiver. Entre skieurs, randonneurs, vacanciers et curistes, la clientèle évolue avec les saisons, de décembre jusqu’à la Toussaint, le magasin ne désemplit pas. Mais c’est justement du côté des adeptes du thermalisme qu’il faut regarder pour revenir à l’origine du berlingot à Cauterets.

DU SUCRE POUR OUBLIER LE SOUFFRE

Illustre pour les vertus de ses eaux soufrées, ce bourg perché à 950 m d’altitude était un des favoris de la noblesse et Marguerite de Navarre elle-même y multipliait les séjours. Des gargarismes aux différentes cures de boissons, les bienfaits de l’eau sont reconnus, même Victor Hugo est venu en user, mais ils laissent un goût amer qui n’est pas des moindres… « C’est comme ça que le berlingot est né, s’amuse Eric Millet. Dès le siècle dernier, les médecins ont préconisé de sucer un bonbon juste après pour adoucir la gorge ». La petite pyramide devient un incontournable de la ville et en 100 ans, les basiques au miel et à la menthe se sont enrichis de saveurs qui ravissent les gourmands, chez Marinette, il n’y en a pas moins de 26 : « Je travaille avec des arômes naturels et des huiles naturelles. On change les parfums de temps en temps mais certains marchent très bien comme le caramel-beurre salé et le menthe-chocolat ». Une évolution qui n’est pas la seule car si la flambée du coût de l’énergie n’a pas impacté le confiseur dont le travail mécanique dépend des mains, il n’en est pas de même avec celui des matières premières.

UNE AUGMENTATION INEVITABLE

Les berlingots sont désormais vendus à 18 euros le kilo, un prix qui signe une légère augmentation qui s’explique aisément : « Quand j’ai commencé je les vendais à 14 euros/kg. Mais le prix du glucose a été multiplié par trois en à peine 9 mois. Les commandes que je passais à 300 euros s’élèvent désormais à plus de 900 euros. J’utilise entre 7 et 8 tonnes de sucre par an et lui aussi a également augmenté donc je n’ai pas pu faire autrement que calquer les tarifs. J’essaye de me mettre à la place du client, on n’est pas à Courchevel mais parfois on n’a pas le choix ». Avec un panier moyen de 25 €, les berlingots continuent de séduire, devenus eux-mêmes une des signatures de ce village étonnant où les anciens palaces du XIXe sont désormais survolés par les œufs qui mènent aux sommets… Entre passé et présent, Cauterets est à l’image de son célèbre bonbon, elle garde sa saveur d’antan et arrive à rester au goût du jour.