La Vie Economique : Pourriez-vous nous rappeler quelles ont été les grandes étapes de votre parcours entrepreneurial ?
Daniel Duclos : « J’ai commencé sur le plan industriel en 1988 avec Delta System, aujourd’hui racheté par l’américain JLG, le numéro un mondial de la nacelle. Nous avons créé le Toucan, première nacelle à mât vertical fabriquée à Tonneins. Une entreprise qui emploie toujours près de 200 salariés. Ensuite, en 1995, des Américains sont venus nous racheter. J’ai été PDG salarié pendant deux ans et j’ai voyagé dans le monde entier. J’ai vu que les loueurs de nacelles étaient très peu développés en France. Il y a 25 ans, il y avait 20 fois moins de machines qu’aujourd’hui. À l’époque, il y avait 2 000 machines en France contre 60 000 aujourd’hui.
J’ai donc lancé Accès Industrie pour la location de nacelles industrielles en 1997. On l’a développée très rapidement : on est passé de 0 à 60 millions de chiffre d’affaires en 5 ans. C’est une croissance terrible qu’il a fallu consolider. Dans le même temps, j’ai contribué à créer Goupil avec mon frère, aujourd’hui racheté par Polaris. Ensuite, j’ai recréé ATN en partant d’Accès en 2016, mais on a eu des problèmes de fourniture notamment en mécano soudure. Je vendais partout mais on n’a pas pu produire. Aujourd’hui, je peux dire qu’il y a plus de 1 000 personnes qui travaillent dans des entreprises que j’ai créées. C’est déjà pas mal ».
LVE : Que retenez-vous de ces diverses expériences sur l’entrepreneuriat en France ?
D.D. : « J’aime bien le mouvement : ce que je préfère, c’est créer les projets, mais les faire ronronner après, c’est pas mon truc. Quand on monte une entreprise, on a une certitude : c’est qu’on va être embêté ! Mais on ne sait jamais où ni quand. Il faut aimer ça : c’est l’aventure moderne. On ne va pas à la conquête du château du voisin de nos jours, on va à la conquête économique, c’est plus pacifique à certains égards même si ça peut être sanglant par moment. Il faut garder un côté ludique, un certain détachement, un peu de distance dans les affaires ».
LVE : Vous avez pris des coups ?
D. D. : « Oui forcément, et j’ai essayé de ne pas trop en donner. De toute façon, quand vous réussissez, vous avez raison et quand vous échouez vous avez tort. J’ai eu des hauts et des bas dans ma carrière, c’est comme ça et j’ai bien aimé ce que j’ai fait. Je n’ai pas fait des entreprises pour gagner de l’argent, je l’ai fait pour le fun. Je n’ai jamais cherché à me rendre indispensable dans les entreprises que j’ai créées, ce qui m’a parfois joué quelques tours. Mais ce que je vois, c’est que ces entreprises sont encore là, donc je n’avais pas tout faux ».
J’ai lancé Accès Industrie pour la location de nacelles industrielles en 1997 : on est passé de 0 à 60 millions d’euros de chiffre d’affaires en 5 ans

Daniel Duclos © Louis Piquemil – La Vie Economique
DANIEL DUCLOS : BIO EXPRESS
Naissance en 1962 à Tonneins
Ingénieur diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers
1986 : 1re entreprise, le Sirena (discothèque) 1988 : création de Delta Systèmes 1990 : conception de la 1re nacelle à mât vertical : le Toucan
1995 : vente de Delta System à une entreprise américaine (aujourd’hui JLG, leader mondial)
1997 : création avec son frère de Goupil Industries, véhiculaires utilitaires électriques aujourd’hui propriété de Polaris
1997-2015 : création et direction d’Accès Industrie, location de nacelles
2016 : reprise d’ATN, construction de nacelles
2018 : revente d’ATN au groupe Fassi
2022 : domaine de Peyriés : porc noir, miel, agritourisme et restaurant à la ferme à venir
LVE : Vous qui avez voyagé, que pensez-vous de notre rapport à l’entreprise en France ?
« Dans l’entreprise, on a une pression terrible : des banques, des pouvoirs publics, des fournisseurs, des clients, de l’administration. Parfois, on a l’impression que tout le monde veut vous mettre la tête sous l’eau. Je ne crois pas qu’on aime la réussite en France. Il y a eu une époque où avec Bernard Tapie à la télé et Jean François-Poncet en Lot-et- Garonne, on a aimé un peu plus les entreprises et les entrepreneurs. Aujourd’hui, on envie les gens qui ont réussi.
Une certaine mentalité laisse penser que si les riches avaient moins, on aurait plus mais ce n’est pas vrai. C’est difficile, il y a des inégalités. Mais nous vivons dans un pays riche : on est bien soignés, on a accès aux loisirs, à la musique, à la culture avec Internet. Mais on cultive l’insatisfaction permanente dans nos sociétés. On est très bien France mais on n’arrive pas à l’apprécier. Si on voyage un peu, on voit les choses différemment ».
Une certaine mentalité laisse penser que si les riches avaient moins, on aurait plus mais ce n’est pas vrai
LVE : Pourquoi vous être lancé dans l’élevage de porcs noirs ?
D.D. : « J’ai repris cette propriété familiale il y a une dizaine d’années. J’y venais quand j’étais petit. J’ai accepté quelques cochons de la part d’un ami et j’ai fermé un bois pour les accueillir. Et puis j’ai commencé à transformer pour moi et mes proches. J’ai eu beaucoup de retours positifs. Ici, ils sont élevés en plein air et tués à un an et demi alors qu’ailleurs ils sont concentrés dans des bâtiments sans voir le jour et tués à 6 mois. C’est beaucoup plus rentable mais la qualité de la viande n’est pas la même. Je ne voulais pas faire ça pour la rentabilité mais pour la qualité.
Le restaurant à la ferme ouvrira l’année prochaine
© Julien Mivielle
LVE : Comment travaillez-vous ? Avec des distributeurs locaux ?
D.D. : « Je travaille à présent avec un transformateur agréé au Temple-sur-Lot et l’abattoir de Villeneuve-sur-Lot. Je fais également du miel depuis 10 ans. J’ai 12 hectares et je veux garder le côté qualitatif dans ce que je fais. C’est à la fois pour le confort animal et leur respect. Au-delà de la qualité du produit, il y a une qualité de démarche. On les mange mais on les respecte. Aujourd’hui j’ai une centaine de cochons. Je vends en direct à la propriété. Je voudrais aussi travailler l’agrotourisme avec chambre et table d’hôte, et restaurant à la ferme pour les groupes de 10 à 35 personnes. Les chambres et tables d’hôtes démarreront à partir de mai. Le restaurant à la ferme ouvrira l’an prochain. J’envisage aussi des cabanes perchées au bord du lac. Et pourquoi pas organiser des séminaires de team building ? J’ai envie de faire des choses qui me font plaisir et je ne me voyais pas ne rien faire ».

© Julien Mivielle
DANIEL DUCLOS, ENTREPRENEUR ET PHILOSOPHE
C’est un aspect peu commun pour un chef d’entreprise qui frappe lorsqu’on le rencontre : Daniel Duclos est imprégné de spiritualité et de philosophie. Une prédilection qui l’a même poussé jusqu’à écrire un livre paru en 2011 aux éditions Terre des graves : « Bonheur et réussite par la pensée positive ». « J’ai commencé à être entrepreneur assez jeune : en 1986 à 24 ans et j’ai compris que c’était très stressant. Je ne dormais pas bien. Alors j’ai cherché des méthodes pour aller mieux dans le cadre du travail, pour gérer le stress. J’ai trouvé des choses et j’ai continué à travailler le sujet. J’ai étudié la philosophie bouddhiste, la méthode Coué, l’analyse transactionnelle et le management. J’ai compris que la gestion du mental était le plus important. De fil en aiguille, ma capacité à gérer le stress a augmenté », explique Daniel Duclos.