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Défaillances d’entreprises : 2023, année terrible

L’audience solennelle du tribunal de commerce de Tarbes du 22 janvier a mis en exergue une année 2023 difficile pour les entreprises avec une augmentation de 78 % des procédures collectives.

Jean-Michel JULIAN président du tribunal de commerce de Tarbes entreprise

Jean-Michel JULIAN, président du tribunal de commerce de Tarbes © Lilian Cazabet - La Vie Economique

Si un doute subsistait, la progression de 78 % des procédures collectives enregistrées en 2023 dans les Hautes-Pyrénées le balaie sans fioritures : « Le niveau d’avant crise est de retour », a constaté Jean-Michel Julian lors de l’audience solennelle du tribunal de commerce de Tarbes. Une situation similaire dans les autres départements du Grand Sud-Ouest (voir article précédent en Haute-Garonne). Pour le président, ce 22 janvier était l’occasion de dresser le bilan de l’activité juridictionnelle de l’année écoulée mais aussi de présenter les objectifs de celle qui commence. Sans surprise, 2023 fut difficile pour les entreprises même si le président tempère la situation : « Nous avions une économie sous cloche depuis l’apparition de la Covid, et le quoi qu’il en coûte a cessé. Certains pronostiquaient un tsunami économique, le niveau des défaillances revient à celui de 2019 ».

175 procédures collectives

C’est dans un contexte économique moins dynamique que celui de 2022 que s’inscrit ce bilan avec des immatriculations enregistrées au registre des commerces et des sociétés en baisse passant de 1 907 à 1 647 : « La majorité des inscriptions concerne les toutes petites entreprises, le plus souvent sous forme du statut d’auto-entrepreneur », précise Jean-Michel Julian. Les radiations connaissent elles aussi un ralentissement puisque 702 ont été enregistrées à la place des 756. Avec 175 procédures collectives, difficile pourtant de nier les difficultés qui ont surgi au cours de ces derniers mois, notamment au niveau des jugements d’ouverture de liquidation ou de redressement judiciaire qui flambent de 300 %. Les déclarations de cessation de paiements sont également à la hausse et, avec 30 % de plus, les injonctions de payer reflètent « des difficultés économiques avérées » selon le président : « C’est une manière d’allonger les délais de paiement, il y a un vrai manque de trésorerie ».

Les jugements d’ouvertures de redressement judiciaire flambent de 300 %

Une cellule prévention trop peu utilisée

L’audience solennelle a été une nouvelle occasion de faire passer ce message crucial pour la prévention et les procédures amiables, toujours trop peu utilisées par les chefs d’entreprise alors qu’« elles permettent d’anticiper sur les procédures collectives, plus pénalisantes et contraignantes », comme l’a souligné Jean-Michel Julian qui a également rappelé que « sur 78 convocations, seules 21 entreprises ont répondu ». Via la cellule de prévention, ces entretiens sont primordiaux pour découvrir les moyens qu’offre la loi face aux difficultés. Enfin au titre des sanctions, 2023 aura vu le tribunal prononcer 5 interdictions de gérer, une faillite et un comblement de passif. Un état des lieux dont on ne peut omettre le poids des remboursements des PGE qui est en cours, l’inflation, le contexte géopolitique mondial et ses incidences, l’augmentation des taux et de la masse salariale globale, la flambée des matières premières et, évidemment, « la recherche permanente de main-d’œuvre qualifiée ». Autant de facteurs qui ont pesé sur l’année, « pleine d’incertitudes pour nos entreprises qui, globalement, n’investissent pas, le stand-by s’est installé », a constaté Jean-Michel Julian.

Une période de mutations

En ce début d’année, c’est pourtant une vision rassurante qu’il a voulu partager, s’appuyant tout d’abord sur un retour à l’inflation de 2,4 % et des taux de crédits qui suivraient la même courbe mais surtout la grande force de caractère des entreprises : « Les défaillances devraient se stabiliser malgré les nouveaux défis à relever dans cette période de mutations économiques et sociales. Il y a une très forte prise en compte de l’écologie avec des taux d’emprunts qui varient suivant les projets plus ou moins vertueux ». La semaine des 4 jours, le télétravail, l’entrée en vigueur de la loi sur le partage de la valeur pèseront dans le quotidien du tissu économique : « En cette année olympique, les entreprises viseront toujours l’or et nous serons là pour les soutenir avec tout ce que la loi met à notre disposition », a assuré le président.

Globalement, les entreprises n’investissent pas, le stand-by s’est installé

Les grandes lignes de 2024

Et pour cela, côté tribunal de commerce de Tarbes, les objectifs sont posés avec, au cœur des préoccupations, les délais de production des jugements des contentieux : « Nous sommes au service de la justice et la réactivité du juge comme du greffe doit faire partie de nos exigences », précise Jean-Michel Julian qui a insisté sur le non-renvoi des affaires. Une rapidité qu’il souhaite également pour la conciliation et le mandat ad hoc. Misant encore une fois sur la cellule prévention et les « solutions confidentielles avec les mandataires judiciaires », le président a insisté sur les signaux d’alertes comme les injonctions de payer ou l’absence de dépôt des comptes annuels, autant de preuves de réelles difficultés. Des objectifs que les deux nouveaux juges installés lors de cette audience solennelle vont viser, bien connus du monde de l’entreprise, Jean-Claude Barcos, dirigeant de la société de transport, et Mathieu Lagarce, à la tête de deux Intermarché à Tarbes, serviront désormais la justice en plus de leurs activités.