Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Éloge de l’égalité femmes-hommes

Depuis ces dernières années, Metoo oblige, de plus en plus d’entreprises, médias, institutions, élus, villes et associations ont fait le job pour faire avancer l’égalité femmes-hommes. Pour autant, quel chemin encore ! Après la journée du 8 mars, je vous propose un décodeur des situations et freins couramment partagés par les femmes…

Marie-Laure HUBERT- NASSER Fondatrice et CEO de YouWan, Bordeaux fragilité

Marie-Laure HUBERT- NASSER Fondatrice et CEO de YouWan, Bordeaux © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Pendant de nombreuses années, en amont du 8 mars, j’appelais associations, journalistes, organismes pour leur proposer des actions pour cette journée internationale des droits des femmes. Longtemps les retours furent assez timides et je me souviens des remarques : « Pourquoi un jour et pas tous les jours ? », « Tiens, c’est ta journée des jupettes », « étrangement, chez nous, ce sont les femmes qui ne veulent pas bouger »… Parfois, on me posait des questions, me proposait une tribune, souvent on me prêtait des lieux pour nous réunir. Et puis #metoo a renversé la table et de plus en plus de personnes s’y sont mises et de plus en plus de médias, institutions, élus, villes et associations ont fait le job.

FAIRE BOUGER LES LIGNES

J’ai alors pris la décision de créer YouWan, la réussite au féminin. Une plateforme de formations pour les femmes pour leur permettre de booster leurs carrières. Et je me souviens de ce moment où, acceptés dans notre incubateur(1), il nous a été demandé de « pitcher » devant les autres start-ups. On était une quinzaine de boîtes, fondateurs et associés, dans le grand open space et elles avaient toutes défilé avec des projets très différents, du deep tech à l’automobile en passant par les applications mobiles pour la santé en zone rurale ou le choix de voitures ou d’appartements à distance… Notre tour passé, les doigts se levèrent et les questions commencèrent à pleuvoir. « Mais pourquoi un programme pour les femmes, seulement ? » « Mais quelles difficultés rencontrent les femmes ? » « Que peut-on faire pour aider leur carrière à progresser ? »…

74 % des Français reconnaissent qu’en matière d’égalité, « il y a encore beaucoup à faire

MOINS BIEN PAYÉES

Une longue discussion naquit d’où émergèrent curiosité, sidération et partage d’expériences. Une situation que nous vivons depuis lors, assez régulièrement. Pourquoi ce sujet paraît-il si actuel et méconnu à la fois ? Comment se fait-il que tant de personnes ignorent les freins et l’injustice que rencontrent les femmes au travail.

Un constat qui n’honore pas une société contemporaine. Comment accepter par exemple d’être moins bien payées à fonctions égales (15 % d’écart) ou de voir sa carrière ralentie, surtout au moment des enfants et des congés maternité… Sans parler de la retraite qui ne devrait pas favoriser le sort d’un grand nombre de femmes. Il y a quelques jours paraissait une enquête inédite et approfondie produite par la Fondation Jean-Jaurès sur les inégalités entre les femmes et les hommes avec 74 % des Français reconnaissant qu’en matière d’égalité, « il y avait encore beaucoup à faire » ! Des chiffres alarmants dénoncent par ailleurs une aggravation des situations discriminatoires pour les femmes notamment dans le monde du travail. Un recul de 5 points par rapport au dernier rapport Ifop de 2004 ! Et au final, un souhait des Français de voir prioritairement la condition des femmes s’améliorer, notamment en matière d’égalité salariale. Un enjeu contemporain majeur pour l’opinion publique qui relaie les campagnes de mobilisation telles que l’arrêt symbolique du travail par les femmes le 7 novembre, date à laquelle les employées ne sont plus payées si l’on considère l’écart des salaires constaté dans les entreprises.

Alors pour ce 8 mars, j’ai eu envie de vous proposer un décodeur des situations et freins couramment partagés par les femmes. Et des conseils pour permettre d’avancer. L’égalité est un élément fondateur de l’innovation ! Qui plus est dans l’entreprenariat. Mais pour réaliser cette égalité, il est bon de savoir décrypter ce qui nous freine !

LE SYNDRÔME DE L’IMPOSTURE

Nous sommes paraît-il 70 % de la planète à survivre au syndrome de l’imposture. Ce sentiment que nous ne sommes jamais à la hauteur et que nous ne méritons pas la reconnaissance qui nous est faite. Une amie me parlait de cette voix intérieure qu’elle entendait chuchoter : « tu seras démasquée. Ils sauront que tu n’es pas au niveau ». Nous sommes nombreuses à entendre la même voix, y compris au sommet des responsabilités. Il arrive parfois que des femmes réalisent en m’écoutant que ce qu’elles ressentent a donc un nom, partagé par beaucoup d’autres et finalement cela rassure !

TRAVAILLER LA CONFIANCE EN SOI

Travailler la confiance en soi et l’estime de soi, se féliciter des réussites, s’accorder une récompense plutôt que de sauter sur le prochain challenge sont des moyens pour sortir de cette emprise. Ce syndrome, nous l’avons échafaudé en grandissant, en cumulant des « croyances limitantes ». Des injonctions de l’enfance que nous avons adoptées sans nous interroger sur la réalité de ces affirmations, comme par exemple « on n’est pas doués en math dans la famille » qui conduit des générations à adopter ce principe comme une vérité. Une croyance qui nous limitera toute notre vie, sauf à en prendre conscience. Et nous conduira vers une orientation professionnelle pas toujours conforme à nos désirs.

L’égalité femmes-hommes est un élément fondateur de l’innovation, qui plus est dans l’entrepreneuriat

LE SYNDRÔME DE LA HOTTE

Un syndrome bien connu dans le monde du travail qui est celui de dire « oui » à toutes les tâches qui nous sont proposées par peur de décevoir ou de ne pas être au niveau ! Un dossier supplémentaire alors que nous sommes déjà surchargées, un remplacement le week-end, une soirée de plus avec les clients, un voyage non prévu… Petit à petit, nous remplissons la hotte (du père Noël) de missions que nous n’arriverons pas à porter sauf à prendre sur son temps de repos, sur sa santé. Un générateur de burn out qui pourrait être évité en apprenant à dire « non ».

Poser ses limites, savoir refuser une mission ou une nouvelle responsabilité parce que nous ne pouvons pas l’assumer ou parce que nous priorisons d’autres enjeux mais aussi parce que nous choisissons une plus grande harmonie vie pro vie perso. Important d’apprendre à le dire. Sans agacement. Avec souplesse et parfois même sans explication. Ne pas s’empêtrer dans des explications personnelles fait gagner du temps.

LA GESTION VIE PRO, VIE PERSO

Un réel challenge que de se retrouver à 22 heures après le coucher des enfants avec l’ordinateur sur les genoux ! Nous sommes très nombreuses à nous raconter ces soirées où nous reprenons nos dossiers au lieu de lire un bon roman ! Courir, accélérer, courir encore, telle est la vie d’une maman. Un stress permanent accompagne nos vies. Et cette fameuse « charge mentale » semble nous ronger le cerveau. Penser à l’orthodontiste en pleine conférence, se demander si les enfants auront fait leurs devoirs en rentrant, s’inquiéter de la tenue de sport à laver ou du rendez-vous à prendre et de la pâte à tartiner à acheter. Car les statistiques le montrent et même si les conjoints sont actifs, nous faisons 1 heure 30 de tâches ménagères supplémentaires au quotidien.

LE LEADERSHIP OU COMPRENDRE CERTAINS CODE DU POUVOIR

Être un leader nécessite une compréhension de certains codes du pouvoir. Ne vous asseyez plus au fond de la salle quand vous êtes en retard. Mettez votre veste rouge pour un rendez-vous important. Redressez-vous dans une assemblée d’hommes. Mettez-vous au premier rang pour la photo annuelle de votre entreprise ! Si vous prenez la parole, préparez-la et prenez le temps de dérouler votre pensée. N’expédiez pas vos arguments. Regardez vos interlocuteurs. Faites en sorte d’attirer leur attention et s’ils parlent en même temps que vous, arrêtez-vous et attendez de récupérer leur attention. Ne forcez pas la voix.

L’égalité femmes-hommes est un élément fondateur de l’innovation, qui plus est dans l’entepreneuriat

« MANSPLAINING »

En toute situation, prenez véritablement votre place, choisissez, vous aussi, votre bureau et les différents signes qui feront de vous l’égale de votre collègue. J’ai mis du temps à apprendre ces codes. Je les ai transmis dans un essai(2).

Les femmes sont bien souvent confrontées au mansplaining ! Cela vient de « man » et « explaining ». Traduisez : un homme explique à une femme un sujet pour lequel elle a une réelle expertise et le plus souvent sur un ton paternaliste. C’est ainsi que m’ont été expliqués mes livres, leur sens, ce que je devais traduire des actes de mon patron, ce qu’il pensait quand il m’avait confié le contraire ou plus récemment ce qu’était mon entreprise ! J’admets accepter avec le sourire le mansplaining en matière de cuisine, mon niveau est assez faible ! Pour le reste, cela reste insupportable.

Il arrive aussi que des femmes dont le parcours fut rude adoptent plus que de raison les codes de leurs aînés. Elles tapent alors durement et dans cette situation, une citation de Madeleine Albright me revient en mémoire, « Il y a une place spéciale en enfer pour les femmes qui n’aident pas les autres femmes ». « Il faut s’aider, se serrer les coudes », affirme Mercedes Erra. Il faut faire grandir la sororité et développer des cercles vertueux. De nombreuses femmes célèbres s’y emploient.

En toute situation, prenez véritablement votre place !

ALORS COMMENT AIDER LES FEMMES ?

Traitez-les comme des égales, en acceptant leurs différences.

1. 1kubator

2. Petit Guide à l’usage des femmes qui s’engagent en politique. Editions Payot

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