Industriel et entrepreneur dans l ’âme, (et peut-être même dans le sang si on en croit l’ancienne publicité pour la marque automobile Chenard-Walker, créée par ses aïeux en 1899, affichée au-dessus de son bureau), Thomas Breuzet est depuis longtemps investi dans la filière Bio. Entré dans la société lot-et-garonnaise Danival (fabricant de plats cuisinés bio) dès sa sortie d’études d’ingénieur agronome au début des années 2000, il dirige aujourd’hui le groupe Quinoak qui regroupe 3 entreprises artisanales (Péchalou, Baskalia et Granabio), commercialise 7 marques et emploie 65 personnes pour un chiffre d’affaires de 12,5 M€, dont plus de la moitié en bio : « J’ai d’abord racheté l’entreprise Péchalou, bien connue pour ses yaourts artisanaux, en 2014, qui faisait alors déjà 20 % de sa production en bio à partir de laits issus des fermes du Périgord et qui était en difficultés financières. Nous avons immédiatement créé une marque (Laiterie du Périgord) dédiée au réseau de magasins bio et facilement identifiable.
LE DÉVELOPPEMENT DE PÉCHALOU DANS LES GRANDES SURFACES
La croissance et la rentabilité engendrées nous ont permis ensuite d’investir 2,5 M€ dans notre outil de production de Saint-Cyprien, tout en développant nos moyens humains et marketing afin de continuer à développer Péchalou en grande surface dans tout le Sud-Ouest, à nous développer sur le plan national en magasins bio et de renforcer notre activité avec la restauration collective. Aujourd’hui, Péchalou affiche un CA de 7 M€ et emploie 33 personnes », nous rappelle Thomas Breuzet.
UNE CRISE AUX MULTIPLES FACTEURS
Le patron de Quinoak est également à la tête de l’entreprise Baskalia (laiterie artisanale pionnière des yaourts et caillés de brebis avec une forte identité sur son territoire, le Pays basque) rachetée en 2018 et fondateur, avec Laurent Vondra, de Granabio à Agen qui propose, depuis 2020 sous la marque « La Manufacture Végétale », une offre inédite de yaourts à base de graines et de céréales issues de l’agriculture biologique et d’exploitations françaises : « dans ces 3 entités, nous travaillons avec des producteurs installés dans un rayon de 50 kilomètres. Aujourd’hui on arrive à dire qu’agriculture Bio et productions locales sont concurrentes alors que le Bio est d’abord local ! Dans un contexte difficile, il faut absolument que notre filière communique à nouveau sur les bienfaits, pour la santé mais aussi l’environnement et une plus juste rémunération des producteurs du Bio », ajoute Thomas Breuzet.
Témoin direct de l’évolution au fil des ans de la filière, le jeune entrepreneur lot-et-garonnais n’est pas inquiet pour l’avenir à long terme du bio mais demande de l’aide pour soutenir les professionnels (agriculteurs et transformateurs) touchés de plein fouet par une crise systémique aux multiples facteurs : « aujourd’hui, il y a bien une crise du marché du Bio mais rappelons qu’il a doublé de 2017 à 2020 avec une croissance moyenne de 15 % par an ! »

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RENDEMENT PLUS FAIBLE POUR LE PRODUCTEUR
Selon lui, la crise actuelle est naturellement liée au pouvoir d’achat, qui concerne tout le marché de l’alimentaire, et elle est plus marquée sur le bio car les prix sont un peu plus élevés. « Il faut expliquer pourquoi le bio est plus cher ! Sans pesticides ni engrais azotés, fabriqués d’ailleurs avec du gaz, il y a un rendement plus faible pour le producteur à qui nous assurons une meilleure répartition de la valeur contrairement à l’agriculture dite conventionnelle mais que j’appelle plutôt non-bio, n’ayant toujours pas trouvé la trace de la convention précitée… », souligne Thomas Breuzet.
Dans ce contexte difficile, il faut que notre filière bio communique à nouveau sur les bienfaits pour la santé et l’environnement
« Les pouvoirs publics pensaient qu’avec un tel niveau de croissance, le marché du bio était solide et autonome, qu’il fallait « laisser faire le marché », mais il est encore fragile, et a donc besoin d’un soutien réaffirmé des pouvoirs publics, vu les bénéfices qu’il apporte pour la santé et l’environnement, maintenant démontrés par les résultats de recherches scientifiques de plus en plus nombreux », martèle le PDG de Quinoak.

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LE BEL AVENIR DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
Président de la coopérative « Manger Bio Sud-Ouest » regroupant transformateurs et groupements de producteurs de Nouvelle-Aquitaine afin de livrer la restauration scolaire en produits bio et locaux, Thomas Breuzet se mobilise pour que de plus en plus de collectivités locales s’engagent fortement pour le bio à travers leur restauration collective. « Nous venons de lancer une campagne de communication nationale, et une campagne régionale, à destination des consommateurs et demandons le renforcement de l’aide des pouvoirs publics car la filière pourrait connaître beaucoup de difficultés… Il ne faudrait pas casser en 6 mois le travail réalisé depuis 30 ans d’une filière très résiliente sur le plan agronomique, principalement animée par des transformateurs PME, qui pèse tout de même près de 15 milliards d’euros en France… Et dans les cantines, on peut maîtriser le coût et proposer 40 % d’alimentation Bio ! »