La Vie Économique : L’année dernière, la récolte a été particulièrement marquée par le mildiou, qu’en est-il cette année ?
Jean-Marc Fontaine : Il y en a eu moins, donc on a cru que ça allait mieux, mais nous avons eu une succession d’avaries incroyable : le mildiou, le gel, la grêle, la pluie qui a causé maladie et pourriture… Alors on va récolter encore moins que l’année dernière. Ce qui est inquiétant, c’est que ces cinq dernières années ont été des petites récoltes, donc on craint de dire que ça ne soit pas conjoncturel, mais structurel. En 2018, la récolte pour l’interprofession était de 535 000 hectolitres, en 2023 de 350 000 hectolitres pour le Bergeracois, cette année, je pense qu’on sera aux alentours des 340 000 hectolitres…
LVE : Le Bergeracois tire-t-il son épingle du jeu par rapport à la crise que traversent les vins de Bordeaux ?
J.-M. F. : Depuis trois-quatre ans, il y a une accélération de la déconsommation des rouges, les consommateurs sont de moins en moins séduits par le profil des produits rouge, et des consommateurs importants décèdent petit à petit et ne sont pas remplacés. Ainsi, le rouge perd 2 à 3 % de vente chaque année, les gens ne veulent plus des vins taniques, avec un degré trop fort et trop d’astringence ou qu’il faut garder – les gens n’investissent plus dans une cave, ils veulent consommer tout de suite. Dans ce contexte, le Bergeracois résiste mieux pour deux raisons : le consommateur n’aime pas les fluctuations de prix, et, ici, nous avons eu des prix stables, et 45 % des surfaces sont en blanc, et ils ont le vent en poupe, ils séduisent les jeunes consommateurs, c’est pour ça que nous sommes mieux équilibrés. Nous sommes moins inquiets sur le développement et la vente des blancs.
Avec des prix stables et 45 % des surfaces en blanc, les vins de Bergerac séduisent les jeunes consommateurs
LVE : Quels sont les défis de la profession aujourd’hui, selon vous ?
J.-M. F. : Le modèle économique doit se réinventer. Le vin de papa avec le portail et le château sur l’étiquette, c’est fini. Et le marché évolue très vite, plus vite que peut le faire la viticulture. On le voit bien avec le bio. À un moment, on nous a mis la pression pour faire du bio, des viticulteurs l’ont fait, mais ça a mis quelques années, et aujourd’hui, le consommateur boude le bio à cause des prix plus élevés que les vins classiques avec un produit final qui ne justifie pour eux pas forcément l’écart de prix. L’autre paramètre très important, c’est que les instances gouvernementales ne nous aident pas, tout est fait pour rendre coupable le consommateur de boire du vin, il y a une dénormalisation.
LVE : Quels sont vos projets pour l’interprofession ?
J.-M. F. : L’interprofession a la charge de faire la promotion des vins, de faire en sorte que nos appellations vivent bien. Cela, avec un budget de financement payé par les producteurs et négociants, avec une part de la vente à l’hectolitre reversée à l’interprofession. Je souhaite travailler sur l’image de nos appellations, en aidant nos entreprises à mieux exporter, notamment avec des subventions pour des salons. C’est quelque chose auquel je crois beaucoup. Aujourd’hui, seuls 9 % du volume des vins de Bergerac-Duras sont exportés, c’est très peu. Un point très important est donc de mieux soutenir, informer et former pour mieux exporter. D’autant que nous avons l’un des cépages les mieux exportés, le merlot. Sur le territoire, nous avons des petites entreprises isolées, je veux créer une dynamique globale.
Le vin de papa avec le portail et le château sur l’étiquette, c’est fini