On l’appel toutes les cinq minutes . Au plus fort de la saison touristique, le téléphone de Diego Larequie, 25 ans, peut sonner jusqu’à 100 fois dans la journée, entre la première et la dernière sortie de ses gabarres.
« Il y aurait parfois de quoi devenir fou », sourit le jeune patron des Gabarres de Bergerac, pleinement à sa tâche. « Un coup de fil, c’est une demande de réservation et au bout, de l’argent qui rentre dans les caisses de la société. La saison est trop courte pour en négliger ne serait-ce qu’un seul », explique celui sur lequel repose désormais la pérennité de l’empire Larequie. Diego Larequie avait 22 ans quand son père, Pierre, est décédé d’un cancer en 2020, le laissant seul maître à bord de l’entreprise familiale. « J’étais l’associé de mon père depuis quatre ans lorsqu’il nous a quittés », indique le jeune Bergeracois. « J’avais déjà beaucoup appris à ses côtés, mais ce n’est pas la même chose de gérer une société seul ou à deux. Quand tu te retrouves seul à la barre du bateau, tu dois prendre des décisions, faire des choix, aller de l’avant, sans toujours savoir si tu prends la bonne direction. »
La première année a été la plus difficile, le Covid-19 ajoutant à l ’absence de la figue paternelle son lot d’incertitudes et de contradictions. « On a démarré le 12 juin cette année-là, soit presque trois mois après la date du coup d’envoi de la saison en période ordinaire », se remémore le jeune chef d’entreprise. « Heureusement pour moi, la moitié de nos saisonniers était encore disponible, sans eux, je n’aurais pas pu redémarrer l’activité et aller au bout de la saison comme on l’a fait. On n’a jamais eu autant de monde que cette année-là. »
DES DÉBUTS DIFFICILES
Pierre Larequie lui-même « n’en serait pas revenu de voir autant de passagers sur Carpe Diem et Cassiopée », glisse son fils cadet.
« Quand mon père a mis sa première gabarre à l’eau dans les années 1990, Bergerac n’était absolument pas une ville touristique. C’était une cité industrielle, rien de plus. Les gens passaient leurs vacances dans la région de Sarlat et ne s’arrêtaient pour ainsi dire jamais ici. Heureusement que les locaux ont joué le jeu en venant s’offrir des balades sur la Dordogne, sans ça, il lui aurait été très difficile d’en vivre ».
Est-ce parce que la vie était moins chère et les besoins moins nombreux ? Malgré des débuts timides, Pierre Larequie a persisté et il a eu raison. Au mitan des années 2000, Bergerac, l’industrieuse, a amorcé sa mue, s’imposant peu à peu sur la carte des cités touristiques de la Dordogne. Depuis quinze ans, la dynamique est enclenchée. « Certes, les touristes restent ici moins longtemps qu’à Sarlat, mais ils s’y arrêtent et y passent en moyenne deux à trois jours. » Un délai suffisant pour pousser Pierre et son fils à étoffer l’offre des Gabarres de Bergerac en imaginant de nouveaux circuits sur la Dordogne.
« On propose trois balades différentes de 50 minutes, 1 h 30 et 3 h 30 pour les individuels et de 50 minutes pour les groupes avec des départs de Bergerac et de Creysse, en amont de la rivière », détaille Diégo Larequie qui s’appuie sur la présence de 16 saisonniers pour assumer les rotations. « Nous sommes ouverts 7 jours sur 7 en juillet et en août. D’où le nombre important de personnes qui travaillent ici », précise l’intéressé.
J’étais l’associé de mon père depuis 4 ans lorsqu’il nous a quittés
Est-ce parce que les premières années ont été des périodes de vache maigre ? Pierre Larequie a toujours insisté pour que son fils soit polyvalent. Billetterie, guide, pilotage, gestion des salaires, élaboration des emplois du temps… Le jeune garçon a tout appris sur le tas, jusqu’à l’entretien et la réparation des bateaux. « La formation a commencé très tôt », plaisante le chef d’entreprise. « Je me rappelle avoir distribué des flyers en ville avec ma sœur alors que j’avais même pas dix ans. Je me souviens que je n’arrivais pas à prononcer le mot gabarre, je disais bagarre à la place ».
À L’ASSAUT DES PETITS TRAINS DE PÉRIGUEUX ET DE BERGERAC
De ces expériences précoces, renouvelées d’une saison sur l’autre, Diégo Larequie a gardé le sens de l’effort et le goût de l’aventure. Nul ne s’étonnera qu’en 2020, il ait décidé de racheter le petit train de Bergerac, puis celui de Périgueux l’année suivante.
« J’en ai même acheté un troisième qui ne sert pas pour l’instant, mais qui pourrait dépanner s’il devait y avoir un problème sur les deux premiers », indique cet esprit prévoyant, déjà tourné vers de nouveaux projets en lien avec le tourisme. Bar, hébergement, activité nautique ? Diégo Larequie préfère ne pas trop en dire pour l’instant. « L’hébergement, c’est déjà fait », évoque-t-il au détour de la conversation. « Je me suis lancé cette année dans la location d’une maison à Sarlat. C’est une autre façon de contribuer à faire vivre le territoire. » ■