Le golf de Chantaco. On doit d’abord cet endroit unique à René Jules Thion de la Chaume (1877-1940). Haut fonctionnaire, honoré par la France comme commandeur de la Légion d’Honneur, il fut tout d’abord un grand sportif qui participa à l’épreuve d’escrime des Jeux olympiques de 1900. Fait remarquable, il soutint une thèse de doctorat sur le sujet suivant : « L’accroissement des budgets d’État au XIXe siècle ». Il aurait sûrement des choses à dire aujourd’hui…
Un grand dirigeant de la Banque d’Indochine
Après un début de carrière au ministère des Finances et à l’Inspection générale, il entama une carrière dans la banque en rejoignant en 1909 la Banque d’Indochine comme secrétaire général. Il fut rapidement nommé directeur général avant d’assumer la présidence du conseil d’administration. Fondée en 1875 par le Comptoir d’escompte de Paris et le Crédit industriel et commercial, la Banque d’Indochine (1875-1974) avait le monopole de l’émission de la monnaie dans les colonies françaises d’Asie et du Pacifique et était présente dans tous les grands centres économiques du Vietnam et du Cambodge actuels, à savoir les villes de Saïgon, Hanoï, Dalat, Haïphong, Hué, Phnom Penh et Battambang. En complément de son poste de dirigeant de la Banque d’Indochine, il fut notamment administrateur d’entreprises importantes des provinces de Cochinchine, d’Annam et du Tonkin, et notamment des sociétés des Ciments Portland artificiels de l’Indochine, de la Manufacture française des tapis et couvertures, des Caoutchoucs de l’Indochine, de la Société indo-chinoise d’électricité, du Crédit foncier de l’Indochine, des chemins de fer de l’Indo-Chine et du Yunnan, pour n’en citer que quelques-unes.
Hommage d’un père à sa fille
La création du golf de Chantaco est un hommage d’un père à sa fille. René Jules Thion de la Chaume créa le golf de Chantaco pour saluer le succès de sa fille Simone, qui gagna le British Open en 1927, mais également pour faire plaisir à sa famille et à ses amis. Une grande championne de golf, toute jeune, était née. René Thion de la Chaume tomba amoureux du Pays basque et, en particulier, du petit bijou environnemental qu’est Saint-Jean-de-Luz. Il fit ainsi l’acquisition de 130 hectares de terrains et de plusieurs fermes au pied de la Rhune, fermes dénommées Etcheverria, Urchaboleta, Kantia, Mochobaita, Coyoenia et Chantacoenia. Le nom choisi pour le golf fut Chantaco, non emprunté à la dernière ferme évoquée et qui serait une déformation du mot Santiago, rappelant le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
De grands architectes
Le parcours du golf de Chantaco fut dessiné par Harry Shapland Colt (1869-1951), grand architecte paysagiste spécialisé dans la conception des parcours de golf. Il fut capitaine de l’équipe de golf de l’université de Cambridge, travailla avec un autre architecte paysagiste, dénommé Mac Kenzie et revisita les parcours de l’Eden Course de Saint Andrews, Pine Valley et Augusta aux États-Unis. Il dessina notamment le golf de Saint-Cloud en 1913 et le golf du phare à Biarritz. Quant au magnifique club-house, il a été dessiné par Jean Walter, architecte français, spécialiste de l’Art déco, et qui conçut différents bâtiments dans les secteurs du logement social, des hôpitaux et de l’immobilier du luxe.
Le magnifique club-house de Chantaco a été dessiné par Jean Walter, architecte français, spécialiste de l’Art déco
Simone Thion de la Chaume : grande championne de golf
Dans cette histoire mythique, il convient de revenir sur le parcours des deux grandes championnes de golf de la famille et d’un grand champion de tennis. Fille de René Thion de la Chaume, Simone gagna en l’espace de trois années de fameuses compétitions de golf. En 1925, elle gagna la coupe Fémina (championnat national français des dames qui se joua à Saint-Cloud) ; en 1926, elle remporta les Internationaux de France et en 1927, le trophée du British Open. Elle fut donc une championne de golf de niveau international. Lors d’un déplacement aux États-Unis, elle rencontra René Lacoste, un des plus grands joueurs de tennis de tous les temps : le fameux mousquetaire au palmarès impressionnant.
Un mousquetaire au palmarès impressionnant
En 1924, René Lacoste et Jean Borotra (le Basque bondissant), que j’ai vu jouer en double mixte au tournoi de l’Aviron Bayonnais à plus de 80 ans, remportèrent une médaille de bronze aux Jeux olympiques qui se déroulèrent à Paris. En 1925, René Lacoste gagna le simple messieurs à Wimbledon et le double, toujours avec Jean Borotra. Il gagna la même année les Internationaux de France. En 1926, il remporta les Internationaux des États-Unis à Forest Hills. En 1927, il gagna de nouveau les Internationaux de France et le championnat des États-Unis avant de vaincre de nouveau à Wimbledon et à Roland-Garros en 1928. Mais le summum de sa carrière fut atteint lorsqu’il remporta la Coupe Davis avec ses trois acolytes mousquetaires, Borotra, Brugnon et Cochet entre 1927 et 1932. Sa fille, Catherine Lacoste, qui fut présidente du club de Chantaco pendant plus de 40 ans, fut quant à elle une grande championne de golf, comme sa mère, et la première étrangère à avoir gagné l’US Open en 1967.
Lors d’un déplacement aux États-Unis, Simone rencontra René Lacoste, un des plus grands joueurs de tennis de tous les temps à qui l’on doit le crocodile iconique
« Le style René Lacoste »
Comment ne pas terminer sans rendre hommage à René Lacoste pour sa formidable réussite entrepreneuriale et son sens aigu du marketing. La chemise Lacoste, aujourd’hui iconique, était née de son imagination. Mais d’où vient le crocodile, emblème de la marque ? Et, il était énorme sur les blazers portés par son inventeur ! Je cite le paragraphe page 80 du magnifique ouvrage Le style René Lacoste, coécrit par Patricia Kapferer et Tristan Gaston-Breton : « René Lacoste connaît bien Boston. C’est en effet dans cette ville qu’il a gagné en 1923 son surnom de « Crocodile ». Se promenant dans les rues de Boston un matin, il était passé avec Pierre Guillou devant un maroquinier et avait suggéré à son capitaine, en plaisantant, de lui offrir une valise en peau d’alligator s’il remportait son match l’après-midi. René Lacoste avait perdu, mais l’anecdote était parvenue à l’oreille d’un journaliste du Boston Post, George Carnes, qui s’en était inspiré pour le surnommer « l’Alligator » dans son compte rendu du match. L’adoption généralisée de ce surnom avait été rapide et René Lacoste l’avait même encouragée en demandant à Robert George, son ami styliste, de faire broder un très beau crocodile sur les vestes blanches qu’il portait dorénavant en entrant sur les courts ». Grand parmi les grands, René Lacoste était un homme aussi élégant sur les courts (pantalon blanc et chemise blanche) que dans les soirées (en smoking comme le montrent les photos historiques situées dans une des pièces du club-house du golf de Chantaco). Ce dandysme a laissé un héritage inspirant au Pays basque d’aujourd’hui.
René Jules Thion de la Chaume créa le golf de Chantaco pour saluer le succès de sa fille Simone, qui gagna le British Open en 1927
L’autre golf de Saint-Jean-de-Luz
Or, ce magnifique golf ne fut pas le premier de la ville de Saint-Jean-de-Luz. Le premier golf luzien, dénommé « golf des Anglais », était situé sur la colline de Sainte-Barbe. Comprenant 9 trous, il se révéla rapidement trop petit pour accueillir les touristes anglais qui souhaitaient venir en villégiature sur la côte basque. C’est dans ce contexte que de nombreux hectares furent achetés à Ciboure pour permettre la construction d’un golf de 18 trous. Ce fut la naissance du golf de la Nivelle, qui fut donc construit après le premier golf français situé à Pau, à l’initiative également des Anglais en 1856, et celui de Biarritz en 1888.