Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Hautes-Pyrénées – Sauver Saint-Savin, coûte que coûte

Le petit village de 386 habitants se bat pour sauver son Abbatiale romane dont les travaux de restauration s'élèvent à plus d’un million d'euros. Retenu par la Mission Patrimoine et l'emblématique Stéphane Bern, le projet se voit notifier d'un vrai coup de pouce.

saint savin

Des élues mobilisées © Hermance HITTE

Les dernières Journées du Patrimoine l’ont encore démontré, elles sont toujours l’occasion de découvrir les joyaux qui se nichent dans des villages parfois bien petits. On les aime pour leur caractère authentique, faits de ruelles et de charme, ils sont souvent l’âme d’un département. Le patrimoine est un élément majeur de leur personnalité mais quand on a moins de 400 habitants et le budget qui va avec, comment l’entretenir ? Cette question, Saint-Savin ne se la pose pas ou, du moins, elle tente d’y répondre. Commune emblématique des Hautes-Pyrénées, cet ancien castrum qui domine la vallée est une terre d’histoire et de légendes qui se lisent à travers ses pierres.

100 000 VISITEURS CHAQUE ANNÉE

Chaque année, 100 000 visiteurs viennent flâner dans ses minuscules artères où le lavoir, les fontaines et les anciennes maisons bigourdanes rivalisent avec la vue éblouissante sur les montagnes. Avant même d’y arriver, c’est l’Abbatiale qui retient toute l’attention, son clocher en cône qui semble toucher les cieux illumine la route et les 386 habitants de la commune comptent bien que cela ne change pas. Majestueuse et imposante, la bâtisse fondée au Xe siècle est une merveille dont la splendeur la laissait imaginer indestructible. Et pourtant… Quand le diagnostic de la Drac est tombé en 2019, ce fut un de tonnerre dans ce paisible hameau : du bâti au mobilier, tout était à restaurer.

Le budget annuel de la commune n’y suffirait pas

MALGRÉ LES SUBVENTIONS, IL RESTE 30 % À CHARGE

« Le constat est sans appel, le bâtiment n’est plus hors d’eau, il y a des entrées multiples par les toitures, les appuis de fenêtres, les fissures, les joints, l’évacuation des eaux pluviales… », explique Françoise Bayoumeu, conseillère municipale. « On a un patrimoine assez exceptionnel, beaucoup de pièces sont classées, l’Abbatiale l’est elle-même depuis 1840. Elle est inscrite sur la première liste des Monuments Historiques ». Le montant de la restauration est un autre coup dur, les travaux dits d’extrême urgence et prioritaires s’élèvent à 1,2 million d’euros auxquels il faut ajouter ceux de sauvegarde générale soit 2,3 millions d’euros au total. Le traitement du mobilier coûte 290 000 €, la restauration des deux tableaux est estimée à 200 000 € supplémentaires… Pour le petit village du Lavedan, c’est un gouffre qui s’ouvre même si l’Etat prend en charge 50% du montant. « Suivant les travaux, la Région participe à 20 %, et il reste à charge 30 %. Autant dire que même le budget annuel communal n’y suffirait pas », souligne Sylvie Ligneau, adjointe au maire.

Comme il est hors de question de laisser dépérir ce bijou roman, c’est tout un village qui va relever les manches avec un seul objectif : lever des fonds.

UNE CAGNOTTE EN LIGNE

La première action fut la mise en place d’une cagnotte en ligne, via la Fondation du Patrimoine, dont la visibilité est nationale : « C’est leur métier, ils touchent des grands groupes auxquels nous n’aurions jamais eu accès, donc nous avons passé une convention avec eux en avril 2021. Avec le délégué départemental, nous avons monté le dossier et nous avons ouvert une cagnotte pour le bâti avec un objectif de 140 000 € ». Les donateurs réguliers, les actions de promotions, les voies de diffusion mais aussi un élan local irrésistible se met en marche. Françoise Bayoumeu n’hésite pas à prendre l’annuaire des entreprises du département ainsi que celui des différentes fondations pour chacune les solliciter. Les particuliers se montrent plus concernés par le sujet, notamment ceux des Hautes-Pyrénées et actuellement 39 210 € sont récoltés par ce biais.

UNE AIDE ÉVENTUELLE DE 300 000€ AVEC LA MISSION PATRIMOINE

En parallèle, l’argent du fonds de dotation est réactivé. Une borne interactive avec système de paiement par carte bleue est installée depuis le 19 juillet dans le bâtiment. Après quelques semaines, l’engouement des visiteurs est réel, 2 300 € sont récoltés… Sachant que l’installation a coûté 2 200 €. Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, le temps qui passe n’en a cure et tant les pluies que l’usure continuent de dégrader le site. Dans ce contexte, l’annonce qui est tombée le 29 août relève presque du miracle et c’est sous les traits d’un sauveur qu’on pense à Stéphane Bern dans le hameau du Lavedan : « c’est la deuxième fois que nous candidatons à la Mission Patrimoine et celle-ci est la bonne, » se réjouit, soulagée, Françoise Bayoumeu. Parmi les 101 projets de maillage, la restauration de l’abbatiale est celui qui a été retenu dans le département ». Le financement maximum est de 300 000 € et dépend du succès du Loto du Patrimoine mais pour ces véritables guerrières infatigables, c’est un coup de pouce plus que bienvenu : « Nous sommes très heureux, maintenant il faut que les gens achètent les tickets ! Pour chacun, nous percevons 1,83 €, on ne connaîtra le montant qu’à la fin de l’année. Si la Région s’aligne à 20 %, on sera au budget pour les travaux prioritaires ».

saint savin

Des dégradations visibles à l’extérieur © Hermance HITTE

NOUVEL ESPACE MUSÉOGRAPHIQUE

Sachant qu’un nouvel espace muséographique pour valoriser le trésor est un des objectifs de la commune, l’heure n’est pas à la béatitude pour les gardiens de Saint-Savin qui poursuivent, inlassablement, leur combat.