Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Jean-Louis Cazaubon :  » Maintenir le système Neste « 

Élu à la tête du conseil d’administration de la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne le 26 janvier dernier, le nouveau président Jean-Louis Cazaubon revient sur la nouvelle tarification appliquée par la CACG mais aussi l’évolution et les enjeux pour maintenir le système Neste.

Neste

Jean-Louis Cazaubon, Conseiller Régional et président de la CACG. © Boutonnet L. - Darnaud A. - Région Occitanie

La Vie Economique : Dans quel contexte économique s’inscrivent les nouvelles tarifications de la CACG ?

Jean-Louis Cazaubon : « La CACG est une compagnie d’aménagement créée avec des lettres de missions de l’État qui au fil du temps a arrêté les financements. Elle a des compétences en interne en termes d’ingénierie et d’hydraulique depuis la construction des barrages jusqu’à la gestion de l’eau, à savoir la lâcher au bon moment, en bonne quantité dans les rivières etc. Ce n’est pas un simple tuyau, il y a une concession d’État et il veut la céder. Le système Neste fonctionne autour de cette concession, il y a un canal construit sous Napoléon III, il alimente 17 rivières. Il y a eu diverses études qui ont conclu qu’il fallait équilibrer financièrement cette concession. »

LVE : Concernant la concession, il y a eu une recapitalisation.

J.-L. C. : « La Région Occitanie reprend la concession, elle y a mis 6,7 millions d’euros, la Région Nouvelle-Aquitaine dans une moindre mesure 2, 3 millions et tous les départements y contribuent à hauteur de 800 000 € à 1 million d’euros. La recapitalisation totale s’élève à 26 millions d’euros et inclut un nouveau projet stratégique qui comprend, entre autres, la production d’énergie renouvelable et décarbonée. Jusqu’ici, les plus gros financeurs étaient les agriculteurs, leur contribution s’élevait à 1,2 million d’euros, là elle s’arrêtera à 600 000 €. Ils ont quand même été pris en compte au fil des négociations, compte tenu de la production en termes des besoins alimentaires, tout le monde était conscient qu’ils ne pouvaient aller au-delà. Même s’ils trouvent ce tarif élevé, ils font quand même une économie de 600 000 € .»

LVE : Même si ce n’est pas la revendication principale des irrigants, la concession subit malgré tout une augmentation cette année.

J.-L. C. : « On est tributaires de l’énergie, donc elle est inévitable quand celle-ci explose. C’est ça l’augmentation, avec la main d’œuvre c’est le premier poste important. Un irrigant qui passe par la CACG la subit à hauteur de 25 %, les irrigants libres la prennent de façon bien plus marquée. Dans le Gers où les deux systèmes sont possibles, il y a un vrai désaccord avec les manifestants, ils n’ont d’ailleurs pas participé .»

LVE : La principale inquiétude des irrigants est liée à la nouvelle tarification suivant le volume.

J.-L. C. : « C’est la nouveauté, on nous y contraint un peu. Jusqu’à maintenant, celui qui utilisait le moins d’eau était pénalisé, pour lui l’augmentation ne va presque rien changer. Par contre pour celui qui en consomme beaucoup plus, c’est sûr que c’est là que le bât blesse. Cette décision est obligatoire pour faire perdurer le système Neste c’est-à-dire le canal mais aussi les ouvrages. Ils sont conscients que s’ils veulent continuer d’irriguer, il n’y a que ça. Derrière, la seule question c’est est-ce qu’on veut qu’il perdure ? »

LVE : Concernant leur besoin en eau, quelle est votre position ?

J.-L. C. : « Ils ont tout à fait raison, on a besoin de disposer de 5 millions de m3 supplémentaires. La main de l’homme ne fait pas que des bêtises, il n’y a qu’à voir le lac de Puydarrieux qui est devenu une réserve ornithologique mais les opposants appliquent des dogmes… Une nouvelle réserve c’est extrêmement compliqué. Mais il faut de l’eau, on gère la difficulté tous les ans. En tant que nouveau président, pour en disposer dans l’urgence, la solution serait de négocier des quantités d’eau supplémentaires avec les hydro-électriciens, qu’il s’agisse d’EDF ou la SHEM ( NDLR : Société Hydro-Électrique du Midi). Bien sûr, en leur payant le manque à gagner parce que l’eau lâchée l’été n’a pas le même prix au kilowatt que l’hiver, il faudra les indemniser. À court terme, utiliser les barrages hydro- électriques en urgence serait une solution mais elle coûte. »

LVE : Justement, qui payerait cette compensation ?

J.-L. C. : « Le soutien de la rivière doit passer par là aussi et ce coût ne doit pas être supporté uniquement par les agriculteurs. Ils ne peuvent pas servir de variable d’ajustement à chaque instant, ça c’est une réalité. Ce qu’il faut savoir c’est que jusqu’à la recapitalisation, 70 % de l’eau qui était gérée ne bénéficiait d’aucune rémunération. L’eau de soutien d’étiage qui sert à la salubrité, personne ne la payait. L’Agence de l’eau va dans un premier temps amener quelques subsides pour rétribuer l’action de la CACG, après il faudra que chacun assume sa part. L’entretien d’une telle concession demanderait 5,5 M par an. On n’a pas trop le choix, si on laisse tomber, qu’est ce qui se passera ? Toutes les collectivités ont mis de l’argent, conscientes de la nécessité, maintenant on va voir avec les agriculteurs comment bâtir ce système Neste en concertation et en toute transparence. C’est complexe, il faut mettre cartes sur place .»