Parler de laine dans les Pyrénées, c’est dérouler une pelote dont le fil mène invariablement à Sarah Langner. Figure centrale d’absolument tous les projets qui boostent la filière locale, cette passionnée a réussi en quelques années à redonner vie à une matière délaissée. Installée à Jezeau, au cœur de la vallée d’Aure, c’est d’abord à travers l’agence de développement textile Marelha qu’elle a commencé ce défi. Composée de deux activités distinctes mais qui se complètent, celle-ci a pu s’appuyer sur un bureau d’études ultra-dynamique et une boutique où laine lavée, fil à tricoter, feutre et fourrure se dévoilent dans leur splendeur retrouvée. Depuis 2019, bien des projets s’y sont déjà concrétisés, d’autres sont venus apporter de nouveaux challenges et avec son énergie communicative, Sarah Langner draine une équipe de cinq personnes qui arrive à les relever inlassablement.
5 races rustiques et 55 éleveurs
De la force, l’équipe de Marelha n’en manque pas. Si l’on imagine son quotidien aussi doux que l’est ce symbole des Pyrénées, la réalité est bien plus coton. Tombée en désuétude et classée comme déchet, la transformation de la laine n’était plus d’actualité. Lorsqu’elle s’est lancée à son compte, Sarah Langner l’a d’abord collectée auprès d’une douzaine d’éleveurs. L’auroise, race célèbre de la vallée d’Aure à Campan, était la seule, aujourd’hui les cinq races rustiques qui représentent le territoire sont présentes dans son atelier. La lourdaise qui vit au Val d’Azun, la barégeoise, en infime quantité, la castillonnaise dans la zone Gers et Comminges et enfin la tarasconnaise, endémique et plutôt ariégeoise. Ce sont désormais 43 éleveurs qui fournissent la précieuse matière dont ils ne savaient que faire, un chiffre amené à évoluer : « Cette année on en aurait en estimation 55, ils ont des cheptels qui vont d’une vingtaine à 800 brebis », souligne Sarah Langner.
Une transformation ardue
Autant dire que la collecte nécessite une logistique impressionnante et des trajets ininterrompus, notamment au fin fond des vallées et des montagnes. Au total, 12 tonnes de laine rejoignent les locaux de Marelha où elle sera transformée après un triage qui dure deux mois. Et ce sont bien ces étapes qui en font un produit si rare alors qu’on en trouve dans la moindre prairie. Ces fameuses tonnes perdent 65 % de leur volume, dont 55 % au lavage au fil des traitements, faisant d’une matière qui arrive à foison un vrai produit de niche. Les marques sont de plus en plus nombreuses à se fournir auprès de Marelha qui compte une trentaine de clients comme Maison Izard, Rive Droite ou Asphalte. Du made in France qui puise dans le made in 65 et séduit de plus en plus de consommateurs, tant pour ses qualités que son esprit.
Douze tonnes sont collectées au fond des vallées
Pyloow, la marque maison
Lorsqu’on connaît son cursus mode, textile et école de commerce, il aurait été étonnant que Sarah Langner n’ait pas sa propre griffe parmi cette liste. Avec Pyloow, c’est chose faite, accessoires de maison créés à partir de matières naturelles, locales et durables composent son essence où l’auroise a la part belle. Poufs, plaids et coussins sont disponibles en ligne mais également à la boutique de Jézeau. Une boutique qui devrait vivre sa dernière année au tiers-lieu la Soulane puisqu’il est temps pour l’équipe de Marelha de voler de ses propres ailes… et celles-ci devraient les mener à Beyrède, un autre village de la vallée d’Aure, fief de Sarah Langner.
Levée de fonds et agrandissement
Avec le développement de toutes ses activités, Marelha va s’installer dans un bâtiment plus conséquent où la chef d’entreprise compte bien ouvrir l’atelier-boutique dont elle rêve : « Il y aura une partie dédiée à la confection et au tissage et une autre pour le consommateur. Il pourra ainsi découvrir les coulisses de la fabrication des produits proposés à la vente ». Pour l’entrepreneuse, ce sera l’occasion de poursuivre inlassablement son travail de sensibilisation autour de la précieuse filière laine. Une levée de fonds qui vise les 450 000 euros est lancée et le site devrait ouvrir ses portes début janvier 2026. En attendant, l’accompagnement aux entreprises qui veulent développer leurs produits se poursuit, la collecte grandit et Sarah Langner est en passe de gagner son pari : « Quand j’ai commencé, je disais qu’il serait réussi le jour où j’aurais des concurrents ». La passionnée a trouvé des alliés, leur a insufflé son dynamisme et ensemble, ils restructurent la filière locale, c’est déjà une belle victoire.