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Martine Balout : la passion du patrimoine

Personnalité connue et reconnue dans le monde du tourisme et du patrimoine, à Périgueux et au-delà, Martine Balout propose des visites sur-mesure pour une découverte intimiste de l’histoire locale. Avec Historia’Cité, elle donne des clés pour percer les secrets de sa ville.

Toujours en quête d’informations — comme chez Cacaothé ce jour-là —, Martine Balout échange avec des commerçants désireux de connaître l’histoire et l’âme des lieux qu’ils occupent. patrimoine

Toujours en quête d’informations — comme chez Cacaothé ce jour-là —, Martine Balout échange avec des commerçants désireux de connaître l’histoire et l’âme des lieux qu’ils occupent. © Louis Piquemil - La Vie Economique

C’est une entreprise qui lui ressemble, collant parfaitement à son itinéraire et à son attachement à Périgueux. Sa signature. Historia’Cité donne des clés pour percer les secrets de la ville, aborder des thèmes que sa créatrice a largement explorés. L’activité est née en septembre 2022, fruit de son expérience, somme de ses connaissances et contacts. « Je m’adresse aussi bien à des touristes américains qu’à des Périgourdins. Récemment, j’ai guidé l’association des Papis ravis, des amoureux de Périgueux qui ont découvert bien des choses sur leur ville ! » Si le format de groupe qu’elle souhaite accompagner est plutôt d’une vingtaine de personnes, adapté aux lieux dans lesquels elle obtient des visites privilégiées, elle attend avec impatience la réservation faite par une structure du sud de la France qui affrète des bus vers des destinations surprises. La formule idéale pour découvrir Périgueux avec elle !

LABYRINTHE INSOLITE DES RUELLES, LIEUX DE RÉSISTANCE…

La conférencière, guide nationale agréée par le ministère de la Culture et auteure, directrice du Patrimoine de cette Ville d’Art et d’Histoire de 1977 à 2022, a fait de sa passion son métier. Elle a su mettre en scène les visites pour révéler l’architecture comme on ne savait pas forcément la regarder jusque-là : promenades aux flambeaux, costumées, à vélo… Elle mobilise à présent toutes ces approches, sa documentation et ses archives pour proposer des parcours thématiques : labyrinthe insolite des ruelles, lieux de Résistance, aventure ferroviaire et ère industrielle, naissance des jardins au XIXe, hôtels particuliers et histoires de familles du XVe au XIXe, révolution urbaine au Second Empire, gastronomie, chemins de Saint-Jacques, rempart antique, l’eau et la rivière, lieux de justice… tout est possible, avec l’intervention de spécialistes sur certains sujets.

« J’aime me sentir détective du patrimoine, découvrir des pépites, des histoires contemporaines méconnues »

Elle marche aussi sur les traces du passage de personnages illustres, Victor Hugo, Delacroix, George Sand. « J’aime me sentir détective du patrimoine, découvrir des pépites, des histoires contemporaines méconnues comme celle de la liqueur La Gauloise qui revit à Limoges. Nous allons faire un livre  avec le distillateur. »

Martine Balout, créatrice de Historia’Cité, a grandi à l’ombre de la cathédrale, rue Mignot : c’est toujours ce cœur de ville proche de Saint-Front et de la rivière qu’elle préfère. patrimoine

Martine Balout, créatrice de Historia’Cité, a grandi à l’ombre de la cathédrale, rue Mignot : c’est toujours ce cœur de ville proche de Saint-Front et de la rivière qu’elle préfère. © Louis Piquemil – La Vie Economique

LABEL HISTOIRE

La petite fille rêveuse voyageait déjà dans l’histoire. « Le premier cap, c’est un exposé sur le tournage de Jacquou Le Croquant au pied de Saint-Front, au  château de l’Herm, à Fanlac… » sur les traces de la légende et  du contexte historique. Elle n’a plus arrêté d’enquêter dans les coulisses de sa ville. L’apprentissage des langues étrangères aurait dû la conduire dans une agence de voyage, à Paris, mais ses études d’histoire et histoire de l’art ont pris le dessus. En 1977, elle choisit de devenir guide dans sa ville de cœur, qui n’organisait pas encore de visites. « J’ai proposé que Périgueux se porte candidate au label Ville d’art et d’histoire. » Reçue au concours national d’animateur de l’architecture et du patrimoine en 1987, elle s’investit progressivement dans l’activité touristique jusqu’à la direction de l’Office de tourisme de la ville où elle se bat aux côtés des élus pour obtenir 4 étoiles et le classement en station de tourisme en 2007. Très investie dans la communication, la directrice a guidé la reine mère d’Angleterre, le prince Charles ou Farah Diba, conduit le ministre de la Culture Aillagon sur les toits de la cathédrale quand l’accès n’était pas encore sécurisé. Elle a valorisé la ville dans Des racines & des ailes et noué des liens en Europe, pour rapprocher Parme et Périgueux par exemple. Pour autant, elle n’a jamais abandonné le contact avec le public, sur le terrain.

UNE OFFRE SINGULIÈRE

Grâce à une convention avec le centre des monuments nationaux, l’exploratrice du patrimoine local peut par exemple accéder aux toits de la cathédrale Saint-Front dans le cadre d’une longue balade dans la vieille ville. « Je peux aussi proposer des visites nocturnes, pour porter un autre regard sur les ruelles, une ronde de nuit ponctuée de lectures. » Rien à voir avec les promenades aux flambeaux qu’elle guidait avec le concours de plusieurs services municipaux (police, technique, etc.) : ce créneau très personnalisé ne vient pas concurrencer l’offre touristique locale (lire encadré). « J’écris une autre histoire, je propose ce que les autres ne font pas, dans un esprit de conférence, souvent autour d’un personnage ancré à Périgueux. »

DONNER DU SENS

Sa ville est un inépuisable sujet de recherche. « Des liens se tissent au fil des mises en relation. » Ce sens du partage lui ouvre bien des portes fermées au plus grand nombre. « La relation humaine est essentielle dans l’approche patrimoniale, l’histoire vit à travers ceux qui l’ont fait et ceux qui en ont hérité. » Des propriétaires de demeures viennent désormais vers elle. « Nous nous aidons mutuellement à travers des actes notariés, des traces de travaux. » Récemment, l’un d’eux l’a invitée à découvrir sa demeure, près des quais, et lui a proposé de l’intégrer à l’une de ses visites exceptionnelles. Elle reçoit cette offre comme la récompense d’années de proximité et de terrain.

EMPREINTES DANS LA VILLE

Qu’il s’agisse d’associations, d’agences de voyage, d’entreprises, de réunions familiales ou événements de particuliers, elle trouve le bon sujet pour rendre le moment unique. Elle a ainsi pu occuper les participants d’un mariage, dans ces moments de flottement entre la cérémonie et la soirée, avec ses secrets de ville. « J’essaie de donner les clés pour déchiffrer des détails de sculpture, présenter les grands témoins de l’évolution de la cité. » Aucun parcours ne ressemble à un autre. De quoi développer le goût du patrimoine.

« Je travaille avec la directrice de Montmartre sur le lien entre l’architecte de la cathédrale Saint-Front et du Sacré-Cœur. »

PROLONGER PAR L’ÉCRITURE

Martine Balout s’est constitué un solide fonds documentaire. « J’aime m’offrir des livres. » Elle aime aussi écrire et signe ses propres ouvrages, dont deux tomes constitués à partir des chroniques publiées dans La Dordogne Libre. Prochaine parution : Histoires incroyables mais vraies, à partir de ses recherches dans la presse locale. « Mon entreprise me permet aussi cela. » Les trajectoires individuelles se fondent dans le cours de l’histoire et elle va chercher des tranches de vie qui sont autant de tranches de ville. « Les demeures de Périgueux se lisent à travers ce qu’en ont fait les hommes. J’étais l’autre jour avec un descendant de la famille Didon, ce préhistorien à qui l’on doit des circuit s gastronomiques et touristiques,  je recueille aussi des témoignages familiaux sur l’écrivain Léon Bloy ou le caricaturiste Sem. »

PARTENARIAT AVEC PÉRIGORD HABITAT

Les visites thématiques qu’elle programme une fois par mois, annoncées sur son site Internet, sont destinées au grand public. « J’ai beaucoup d’imagination », sourit celle qui redoute les habitudes. Les idées poétiques se suc-cèdent, comme ce calendrier de l’Avent qui ouvre 25 portes à travers la ville ou encore, pour une balade de Carnaval, une distribution de masques évoquant les ferronneries d’art. Un partenariat avec Périgord habitat, bailleur social qui dispose de logements dans la ville ancienne, « nous permet d’apprendre ensemble l’histoire ces demeures ». En tirant le fil de l’histoire locale, la tête chercheuse du patrimoine se promène autour de Périgueux, au château des Reynats, à Chancelade, sur les traces de la famille Magne, à Trélissac, ou à l’hôtel de Bouillac, à Montignac. « J’ai envie de relier ces lieux magnifiques à leur histoire.»

« Qu’il s’agisse d’associations, d’agences de voyages ou d’entreprises, elle trouve le bon sujet pour rendre le moment unique. »

PASSEUSE D’HISTOIRES

Les vies professionnelle et personnelle de Martine Balout fusionnent dans cette entreprise très personnelle. « Cette approche m’appartient, j’aime ajouter de la délicatesse à notre monde qui en manque parfois, un petit cadeau en souvenir. » Avec Historia’Cité, elle goûte l’aventure indépendante que ses enfants ont choisi de vivre avant elle. « Ils ont tous l’esprit d’entre-prise. » Sa fille est coach sportive et influenceuse à Ajaccio, l’un de ses fils est aménageur de véhicules de loisir à Pau, l’autre a été restaurateur en Suisse avant de piloter un food truck à Périgueux. « Même si j’ai eu la chance d’être libre dans mon travail, je savoure une plus grande indépendance, mais toujours dans la transversalité. Il n’est jamais trop tard pour créer son activité. »

Périgueux patrimoine

© Louis Piquemil – La Vie Economique

UN CONTEXTE TOURISTIQUE  FRAGMENTÉ

2023 marque la première saison sous le signe de la séparation, avec deux offres et accueils distincts : la compétence touristique locale avait évolué vers une dimension communautaire au sein du Grand Périgueux où la ville occupait une belle place au regard de son capital patrimonial. Une mésentente entre élus a conduit à un détricotage de ce qui avait été patiemment assemblé. Ce printemps, l’Office de tourisme de Périgueux reste place du Coderc tandis que le Grand Périgueux a installé son personnel dans la halle de la gare de Niversac, entrée de l’agglomération côté Périgord noir.