La dernière chose qui puisse effrayer les équipes de Mécamont Hydro est bien le châtiment de Sisyphe. Un rocher qu’il faut mener au sommet d’une montagne des milliers de fois n’est pas de ceux qui leur posent un problème : avec plus de quarante ans d’expérience dans les remontées mécaniques sur tous les terrains, même le Tartare ne les aurait pas découragées. Basée à Lannemezan, cette entreprise intervient là où personne ne peut ou ne sait le faire, se confrontant aux conditions les plus extrêmes. Reprise en juillet 2019 par Pierre Zerbini et Stéphane Arné, elle compose avec le froid, la glace, l’altitude et fait reculer les limites de l’impossible, assurant aussi bien les maintenances, la rénovation ou l’installation des systèmes chers aux skieurs que ceux des transports urbains.
Une référence dans les téléphériques
Alors qu’ils viennent de terminer la construction et l’installation de la télécabine de Luchon et préparent celle du téléphérique des Laquets du pic du Midi prévue cet été, les deux associés mènent de front le plus gros des marchés qu’ils aient jamais remporté, celui de la Compagnie du Mont-Blanc de Chamonix : « Il s’agit de la reconstruction des deux téléphériques qui avaient brûlé en 2018, précise Stéphane Arné. On démarre de 1 200 m d’altitude et on arrive à 3 300 m. Entre les deux, un premier tronçon de 2 kilomètres suivi d’une autre de 3. C’est la première fois qu’on fait des téléphériques aussi longs. » Budgété à 10 millions d’euros, le chantier va durer 3 ans et symbolise parfaitement l’envol pris par l’entreprise. Incontournable au niveau national dans ces équipements de remontées publiques, les contrats s’enchaînent et ils sont conséquents : en 6 ans, l’entreprise a doublé son chiffre d’affaires qui s’élève désormais à 12 millions d’euros. Une évolution qui ne doit rien au hasard mais tout à la diversification.
Les deux associés mènent de front le plus gros des marchés qu’ils aient jamais remporté : celui de la Compagnie du Mont-Blanc de Chamonix
La branche Hydro
L’activité des remontées mécaniques a longtemps été la vocation de l’entreprise créée à Arreau en 1981 par Tony Miranda. Avant d’en prendre la tête, Stéphane Arné l’a vue évoluer puisque dès 1999, il y travaillait comme chef de chantier avec, à l’époque, 25 salariés. Une équipe ultra-professionnelle qui a gagné ses lettres de noblesse dans ce milieu si spécifique mais soumis à la saisonnalité. Au fil du temps, Mécamont Hydro s’est ouvert à la maintenance des équipements hydroélectriques mais c’est réellement avec l’arrivée des deux associés que celui-ci est devenu une vraie source d’activité : « On a voulu se lancer dans le remplacement des vannes et des conduites forcées, explique Pierre Zerbini. Avant on ne faisait que de l’entretien. » En 2021, le premier chantier de ce type est aussi un premier défi et, s’il fait office d’opportunité, il n’en demeure pas moins une performance : « On a remplacé une conduite forcée à la centrale d’Eget pour la SHEM et ça s’est avéré très dur avec une conduite de 700 mètres de long, d’un diamètre de 1,20 m avec de très fortes épaisseurs… Et le tout avec 78 bars de pression en bas », se souvient Stéphane Arné. Un magnifique ouvrage qui devient la meilleure carte de visite pour la branche Hydro de Mécamont.
Un secteur performant
Désormais aussi importante que les remontées mécaniques, l’activité fait pleinement partie du quotidien, au barrage de Fabrège en vallée d’Ossau, la vieille vanne de 5 tonnes a pu être remontée et remplacée et, début juin, le remplacement de deux conduites forcées est programmé au lac d’Oô à Luchon. Un nouveau chantier de 2 ans, de plus de 3 millions d’euros, qui pourrait bien être suivi par celui de Tahiti où Mécamont Hydro s’est positionnée. Ce dernier prévoit le remplacement d’une conduite forcée et nécessite l’utilisation d’un téléphérique de chantier, autant dire que pour les Pyrénéens dont c’est le cœur de métier, la contrainte se profile comme un véritable atout : « C’est très exigu et difficile d’accès donc on ne peut pas intervenir sans en installer un et nous, on a les compétences pour faire les deux », se réjouit Pierre Zerbini. Et la force de Mécamont Hydro est bien dans cette polyvalence qui lui permet d’assurer toutes les facettes des interventions. Des compétences uniques qui ont poussé les associés à élargir encore le champ des possibles en se lançant dans la rénovation ou la création de machines dites spéciales.
L’entreprise a conçu et installé le Ponton dans le ciel du pic du Midi
Des créations atypiques
Hors normes, celles-ci ne relèvent en rien de ce qui existe et le seul critère est être hors critères. La plus célèbre culmine à 2 877 mètres d’altitude, inutile de dire à ces bâtisseurs de l’extrême que le ciel est la limite, ils y ont fait naître un ponton suspendu qui domine les nuages. Attraction phare du pic du Midi, ce belvédère d’acier et de verre qui offre la plus vertigineuse des vues a été conçu, fabriqué et surtout installé par Mécamont : « C’était un lieu hostile et reculé, tout a été assemblé par hélicoptère, tout en préservant la sécurité de nos gars », se souvient Stéphane Arné. Un défi où la sécurité était primordiale et une réalisation époustouflante. Ce sont encore eux qui ont signé l’immense portique mis au point pour la maintenance des moteurs d’avions chez Tarmac Aérosave et, actuellement, ce sont les locotracteurs du fameux petit train d’Artouste qui sont rénovés. L’attraction populaire n’entre elle non plus dans aucune case si n’est celles des machines spéciales.
Un triptyque qui fait la différence
Des exploits qui n’existeraient pas sans le fameux triptyque qui rend l’entreprise aussi inclassable que ses créations : un bureau d’études qui conçoit, définit et répond à la problématique du client ; des ateliers où tout peut être fabriqué et transformé, monté et testé et enfin des équipes chantiers exceptionnelles qui les installent dans tous les sites : « On part d’une feuille blanche, on répond à un besoin, quel qu’il soit », souligne Stéphane Arné. Pour le client, un seul interlocuteur assure le suivi des prestations : « On essaye de se différencier sur ces trois points-là par rapport à la concurrence ». Il faut dire qu’en déménageant à Lannemezan, Mécamont Hydro s’est dotée d’un outil industriel de pointe avec une immense chaudronnerie moderne, un grand hall axé sur des capacités d’usinage, un atelier de traitement de surface et un site de montage, soit 8 000 m² qui permettent tout… Et elle se le permet.
En 6 ans, le chiffre d’affaires a doublé
Cap sur des chantiers futuristes
À force de reculer les limites du possible, c’est désormais dans l’innovation pure que l’entreprise s’est engagée à travers des projets qui pourraient bien bouleverser l’avenir de l’industrie. Certains sont en passe de devenir des réalités, à l’instar de la structure de production d’électricité avec des panneaux photovoltaïques suspendus par câbles. Le concept, mené avec EDF, est à l’étude et, pour le comprendre, l’allégorie de Pierre Zerbini est limpide : « C’est le même principe que l’étendoir à linge, le fil c’est le câble, ça tient au sol et on pend des panneaux bifaciaux à la verticale pour que le soleil tape d’un côté ou de l’autre ». Un équipement inédit qui dans le futur pourra être installé sur un niveau d’eau, des canaux ou une friche industrielle, en un mot toutes les zones non utilisées et des sources précieuses en énergie potentielles. Le prototype de 1 mégawatt devrait être lancé avant la fin de l’année et sera expérimenté pendant douze mois à Carbonne (31).
Un téléphérique entre l’entreprise et l’usine équipée d’une chaudière par Dalkia
À Lannemezan même, c’est avec l’entreprise spécialisée dans le traitement des déchets PSI Environnement et l’usine chimique Arkema que Mécamont Hydro étudie un autre système aussi inouï qu’inédit : « On a un projet d’installation de téléphérique entre l’entreprise et l’usine qui vient d’être équipée d’une chaudière par Dalkia. Les déchets CSR, combustible solide de récupération, de PSI l’alimenteraient et nous, on assurerait leur transport », explique Stéphane Arné. Une association de talents et de vocations qui ne serait que le premier pas car ce principe est adaptable à tout ce qui nécessite un transport régulier comme le souligne Pierre Zerbini : « Notre concurrence, ce sont les camions et on sait que l’impact sur l’environnement va jouer dans le futur. On propose des installations quasi automatiques, entièrement sécurisées et pérennes, pensées pour durer de 20 à 30 ans. Elles consomment soit extrêmement peu d’électricité ou pas du tout avec les panneaux photovoltaïques ». L’entreprise qui voulait ne plus être dépendante d’un seul secteur d’activité a réussi son pari : « On a réussi à obtenir ce bon équilibre sur les 5 dernières années et grâce à ça, on arrive à jongler. Quand il y a eu la saison blanche pour les stations de ski, on a réussi à basculer un peu plus d’activités sur nos autres domaines d’intervention », souligne Stéphane Arné. Avec 85 salariés aventuriers dans ses rangs, formés sur place et aux profils bien spécifiques, Mécamont Hydro est bien décidée elle aussi à atteindre les sommets.
Le centre de formation Hauteur et Sécurité
Si certains ouvriers de Mécamont Hydro ont des métiers classiques qui relèvent de l’industrie pure, d’autres nécessitent un savoir-faire aussi pointu que les chantiers sont uniques. L’entreprise, certifiée ISO 9001 et MASE, les forme à cet ADN ultra-spécifique et 11 apprentis sont d’ailleurs dans ses équipes, du CAP à l’ingénieur. Des compétences qu’elle a ouvertes à tous les professionnels à travers son centre de formation Hauteur et Sécurité, axé sur les travaux en hauteur, le CACES, l’AIPR et la sécurité. Plus de 500 personnes ont bénéficié de ces parcours diplômants et, cette année, le double est attendu.