Depuis la fenêtre de son bureau situé au premier étage de l’hôtel-de-ville, Patrice Laurent, le maire de Mourenx, a le loisir de l’observer chaque jour : la Tour des Célibataires, géante de béton de quelques 49 mètres de haut et 17 étages, trône au cœur de la ville comme sur son blason. C’est dire si la destruction de cet immeuble devenu un symbole apparaît comme un marqueur fort de l’histoire de Mourenx, débutée il y a seulement 66 ans. Cette « ville nouvelle », construite pour accompagner l’aventure industrielle du gaz de Lacq, ouvre en effet un nouveau chapitre écrit depuis une dizaine d’années par Patrice Laurent : sans s’affranchir de son passé, elle se tourne vers un autre avenir qui concorde avec le dynamisme retrouvé par le bassin industriel. Une renaissance que le premier édile estime « dans la continuité » de l’épopée mourenxoise.
Un nouvel immeuble après démolition
Détruire la Tour des Célibataires, qui laissera place à un immeuble plus moderne de 6 étages et 22 logements, pourrait pourtant laisser penser à une certaine rupture. Le premier édile lui-même dit avoir, par réflexe, d’abord refusé cette idée. Puis la réflexion a fait son chemin : « Lors de sa construction, 200 studios y ont été créés. Si certains ont été par la suite réunis en cassant des cloisons, ce n’était pas l’idéal. Il y avait un taux de vacance élevé et des problèmes de sécurité. Tout cela considéré, associé à l’image négative que la tour renvoyait, j’ai été finalement convaincu de la nécessité de la voir disparaître », reconnaît-il. « Et puis cela va de pair avec la vie de cette ville qui, sans cesse, s’est renouvelée. » A l’époque, quand l’immeuble est construit, il représente le « top du logement social » selon le maire socialiste, intégrant un confort optimal : avec son nouveau projet baptisé « Les Terrasses du Tourmalet », le bailleur CDC Habitat veut de nouveau proposer ce qui se fait de mieux en la matière mais en accord avec son temps. L’histoire, finalement, se répète et Patrice Laurent y pose son empreinte.
Une modernisation de la ville
« Nous travaillons à moderniser la ville et à redorer son image », resitue ce dernier, élu en 2014. « Nous avons rénové toutes les écoles, construit une nouvelle caserne de gendarmerie, un nouveau Pôle Emploi et un nouveau gymnase, ainsi qu’un pôle culturel et un pôle de santé… » Un travail sur le long terme et de longue haleine, d’autant plus lorsque l’on sait que Mourenx, à sa création, était destinée à n’être que ville dortoir avant d’être rasée une fois la source du gaz de Lacq tarie. Un avenir chahuté par Louis Blazy, autre maire bâtisseur qui en 1975 est à l’initiative du développement de la plateforme Sobegi, totalement déconnectée du fameux gaz et pourvoyeuse d’emplois. Aujourd’hui encore, le bassin de Lacq prend un nouveau virage davantage en lien avec la transition énergétique : il s’apprête à accueillir plusieurs projets d’ampleur tournés vers les énergies vertes, à l’image de l’usine de production d’e-kerozène portée par Elyse Energy, pesant 2 milliards d’euros.
Nous travaillons à moderniser la ville et à redorer son image.
Un lieu pour les entreprises
Pour Patrice Laurent, par ailleurs également président de la communauté de communes de Lacq Orthez, Mourenx a sensiblement son rôle à jouer au vu de ces nouvelles arrivées, en offrant toutes les infrastructures nécessaires à l’installation des familles mais pas seulement. L’accueil des représentants d’entreprises et autres industriels est un des axes de développement pour Mourenx, et le Belvédère, un ancien restaurant dominant la ville bien connu de ses habitants, s’y prêtera bientôt. « Nombreux sont ceux ici à avoir une anecdote là-haut », sourit l’élu. « Il y a un affect très fort pour le Belvédère et nous allons le faire renaître. » Le site, aujourd’hui à l’abandon, recevra après réhabilitation des du recrutement, alors que selon les chiffres du chômage de septembre 2023, les besoins sur la communauté de communes de Lacq Orthez sont deux fois supérieurs à ceux du département. » Une école des métiers est par ailleurs en projet à Mourenx, qui voit décidément les infrastructures se multiplier mais pas à n’importe quel prix.
Nous perdions des habitants depuis les années 6o. Mais voilà deux deux ans que nous doublons nos droits de mutation.
Une attractivité retrouvée
« Je ne construis pas tant que je n’ai pas obtenu 80 % de subventions », martèle le maire, conscient du budget limité de sa commune, soit 9,9 millions d’euros en fonctionnement et 5,7 millions d’euros en investissements. Ainsi, par exemple, le Belvédère dont le coût final devrait avoisiner les 1,5 millions d’euros verra le jour uniquement si les subventions suivent : sur ce projet, l’État s’est déjà engagé à hauteur de 400 000 euros, la Fondation Total est investie dans la démarche et les industriels invités à partager le financement. « Je ne veux pas ruiner la ville : depuis mon arrivée, j’ai fait deux fois plus d’investissements que mon prédécesseur, j’ai réduit la dette et obtenu deux fois plus de subventions », se félicite Patrice Laurent. Un développement qui semble peser dans la balance de l’attractivité de Mourenx selon deux indicateurs cités par ce dernier : « Nous perdions des habitants depuis les années 60. Mais depuis deux ans, nous doublons nos droits de mutation, d’une part, et de l’autre il y a eu cette rentrée une hausse des enfants inscrits à la maternelle. » À écouter son maire, Mourenx, à l’aube de son 70e anniversaire, est plus que jamais une ville nouvelle.
De 12 000 à 6 500 habitants
En 1949, la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA) découvre le gisement de gaz naturel de Lacq, après huit années de recherches. L’aventure industrielle peut démarrer. Plusieurs usines pétrochimiques souhaitent rapidement s’installer sur ce site.
En 1956, la SNPA s’associe à la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts (SCIC) pour lancer un programme de construction destiné à héberger les ouvriers : une ville nouvelle pour 12 000 habitants est construite en 1957 sur un vaste terrain de la commune rurale de Mourenx qui compte alors 218 habitants.
En 1973, les industries de Lacq subissent la première crise pétrolière. Quelques années plus tard, en 1980, l’usine Péchiney ferme ses portes et 5 000 personnes sont licenciées. Mourenx va alors perdre des habitants : en 1990, ils ne sont plus que 7 500. Aujourd’hui, Mourenx compte 6 500 habitants.
En 2013, la commercialisation du gaz de Lacq par Total est stoppée. Le bassin industriel n’est pas abandonné mais accompagné dans sa reconversion notamment par l’État, les collectivités, TotalEnergies ou encore Arkema. Depuis 2006 et l’installation de Vertex Bioénergie du Sud-Ouest (ex-Abengoa), le site prend un virage vert tourné vers les carburants alternatifs et la transition énergétique et prévoit l’installation de plusieurs projets structurants. Plus de 2 000 emplois devraient être créés d’ici 5 ans