Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Périgord, la French Tech essaime

Oui, on peut aussi faire pousser de la tech en Périgord. Il y a un peu plus d’un an naissait l’entité départementale du réseau French Tech : l’association, qui réunit entreprises innovantes et jeunes pousses, les accompagne dans leur développement et leur apporte une visibilité. Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord Valley (FTPV), fait un arrêt sur image entre premier bilan et projets de consolidation.

Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord Valley

Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord Valley © Loïc MAZALREY

La Vie Economique : Installer la French Tech Périgord Valley, c’était un défi loin des métropoles ?

Natalia HÉRAUT : « Ce n’était pas évident de parler de tech en Périgord, même si cette activité préexistait, bien sûr : en formalisant un réseau, nous avons mis en lumière des entreprises éparses et souvent méconnues, qui ne se connaissaient pas non plus. Notre label concourt à l’attractivité du territoire, montre les start-ups et les entreprises innovantes. Fédérées sur un hub, elles peuvent se rencontrer plus facilement et participer à des événements au sein d’un réseau bien identifié.

On est arrivé au bon moment, au bon endroit, avec le développement de l’entrepreneuriat et de programmes d’accompagnement. Nos membres fondateurs ont joué un rôle important, le Département, le Grand Périgueux, la CAB (Bergerac) et la Chambre économique de Dordogne, l’ensemble des partenaires et des adhérents ont participé à ce mouvement d’identification de l’innovation locale. Cela correspond aussi à l’arrivée de la fibre : au-delà des équipements, il faut développer les usages pour favoriser les installations. Nous allons voir les acteurs locaux pour leur faire des propositions, mais ils peuvent aussi venir vers nous en cherchant des solutions.

Au bout d’un an, nous avons prouvé notre efficacité. Nous participons à l’attractivité du territoire quand un groupe comme One Point s’intéresse à nous, et notre présence est un argument supplémentaire quand Périgord développement part en promotion à Paris avec Osez le Périgord (nouvelle édition les 11-12 mai, ndlr). L’existence de la FTPV peut attirer le regard de business angels sur les start-ups locales, le financement est un enjeu important : notre annuaire leur apporte de la visibilité et de la crédibilité, nous sommes un tiers de confiance. »

LVE : À quoi ressemble votre communauté ?

N.H. : « Nous accueillons tout type de projets, de l’idée naissante au dossier plus abouti, il n’est jamais trop tôt ou trop tard. Nous aidons nos adhérents, des entreprises de toutes tailles et secteurs d’activité, à connaître l’écosystème et les dispositifs, mais nous ne sommes pas une structure d’accompagnement : on travaille en transparence avec le tissu existant pour aider à passer des caps, observer le rythme de développement. Toutes les entreprises sont susceptibles de nous rejoindre, avec des secteurs traditionnels comme la filière cuir ou l’agriculture boostés par les nouvelles technologies, elles pensent à se digitaliser et à la transformation numérique de leur organisation. Les entreprises déjà installées ont envie de se dynamiser au contact des start-ups, travailler sur les nouvelles mobilités ou d’autres façons de se structurer : elles peuvent s’enrichir de leurs différences.

On est arrivé au bon moment, au bon endroit… Notre label French Tech concourt à l’attractivité du territoire

Le confinement a accéléré une tendance à la mise au vert, nous comptons des cadres urbains venus lancer leur projet, on verra sur la durée mais on montre qu’ils peuvent travailler sur un territoire rural riche en tiers lieux et espaces partagés. Notre feuille de route est plus orientée vers l’agritech, avec Elzeard et ses logiciels pour les maraîchers, car il y a beaucoup de technologie dans l’agriculture et des acteurs à fédérer ; et vers l’industrie, notamment agroalimentaire comme Mademoiselle Dessert qui nous a rejoint. Nous abordons des thématiques transversales qui concernent tous nos adhérents, qu’il s’agisse de RSE, de développement durable et d’écologie, des préoccupations dans l’ADN de bien des start-ups, ce qui peut entraîner des entreprises industrielles dans un mouvement collectif et une entraide. »

RECRUTEMENTS ET VITRINE

Avec 50 adhérents en un an, la French Tech Périgord Valley (FTPV) continue de fédérer. Natalia Héraut a reçu le renfort d’une stagiaire pour la communication et l’événementiel, et des recrutements sont en cours pour répondre à des appels à projets inscrits dans la feuille de route. « Nous avons vocation à constituer une équipe avec un chargé de coordination des FT Tremplin et Central, pour sourcer et animer le réseau des acteurs locaux, expliquer le programme et attirer de nouveaux profils vers cette communauté d’entrepreneurs. »

La structure est financée par les membres fondateurs et par les adhésions : ces moyens lui permettent de s’implanter et se développer. La suite du financement passera par les réponses aux appels à projets, et ils sont nombreux. Et, pour être visible au-delà de son site Internet et ses réseaux sociaux, la FTPV devrait bientôt s’installer dans un lieu-totem de Périgueux.

LVE : Le tourisme, secteur important en Dordogne, est-il déjà tourné vers des innovations comme le metaverse ?

N.H. : « Les technologies aident mais ne remplacent pas. Nous avons Lascaux 4 pour montrer qu’on peut faire le grand écart, s’appuyer sur les technologies pour valoriser la préhistoire. Dans le domaine des loisirs, Toog utilise le digital pour créer du lien social. Le metaverse interroge beaucoup et les professionnels du tourisme vont s’en emparer, c’est une carte à jouer. La Région Nouvelle-Aquitaine l’a bien compris avec la mise en place de Tourisme Lab pour accompagner ces start-ups-là. Des appels à projets pourraient inciter des entreprises innovantes à proposer des choses dans un haut lieu du tourisme comme le Périgord. »

Nous avons des cadres urbains qui sont venus lancer leur projet en territoire rural

OLVIER DEFAUX, PRÉSIDENT EMBLÉMATIQUE

Olivier Defaux illustre le parcours réussi d’une start-up vers une PME : il a créé Dreamtronic dans cette pépinière de Cré@Vallée, développé l’emploi et l’international. « Il s’implique dans la transmission, le partage d’expérience et le mentoring ; présider la FTPV est pour lui une façon de rendre au territoire ce qu’il lui a donné », souligne Natalia Héraut. Et si ses adhérents suivent le même chemin, la FTPV a de l’avenir.

LVE : Quels sont les outils à disposition et les thématiques abordées en un an d’existence ?

N.H. : « Nous avons développé des groupes de travail sur la cybersécurité, la e-santé, la formation et l’agritech. Nous avons aussi pour mission de relayer les appels à projets régionaux et nationaux, nous sommes lauréats du French Tech Tremplin et avons obtenu un financement par le Community fond pour mettre en place des actions locales et diversifier le profil des entrepreneurs, avec un soutien aux projets issus des zones de revitalisation rurales ou encore portés par des personnes au RSA ou réfugiées, et dans le cadre des quartiers prioritaires de la ville. Sans oublier la mixité, nous y travaillons avec Les Premières et la troisième édition du programme départemental Entreprendre et Innover… Start, les 19 et 20 mai, permettra de tester son profil d’entrepreneure.

Notre feuille de route est plus orientée vers l’agritech et l’industrie notamment agroalimentaire

La French Tech Bordeaux nous aide via FT Central pour organiser des rendez-vous entre nos entreprises adhérentes et des acteurs publics ou privés, et la plateforme d’aide au recrutement FT Connect, que nous complétons avec des acteurs locaux.

L’objectif était de créer un bon réseau pour faire gagner du temps aux entreprises en leur présentant les bons interlocuteurs. Nous avons créé des liens avec des acteurs incontournables de l’innovation : la Région, BPI, ADI… et attiré l’attention pour qu’ils intègrent la Dordogne car c’est sur le terrain qu’on comprend les spécificités. »

French Tech Périgord Valley

© Shutterstock

LVE : Votre propos dépasse-t-il le monde de l’entreprise ?

N.H. : « Cette pédagogie passe aussi par le lien avec le monde étudiant via l’association Du Périgord aux grandes écoles, essentiel pour fixer de jeunes talents. Nous sommes en train de recenser l’offre de formation locale pour répondre aux besoins des entreprises qui souhaitent recruter des stagiaires, des alternants et futurs salariés. »

La French Tech Bordeaux nous aide via FT Central

Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord Valley

Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord Valley © Loïc MAZALREY

LVE : Quels projets nourrissez-vous ?

N.H. : « Je vais poursuivre la feuille de route donnée par le board d’entrepreneurs pour faire grandir la communauté et proposer des événements. Les enjeux de souveraineté nationale et d’écologie peuvent être déclinés de façon opérationnelle dans des territoires ruraux. L’industrie est déjà très présente ici, celle des cartes électroniques notamment, et nous pouvons aider les start-ups industrielles à relocaliser des savoir-faire, qu’il s’agisse d’économie des ressources, d’hydrogène, d’impression 3D par exemple. Maintenant que l’association est bien repérée à Périgueux, nous avons la volonté de diffuser la culture tech dans l’ensemble du département. Nous avons récemment organisé un afterwork au Quai Cyrano, à Bergerac, et un événement réunit ce 12 mai les entreprises du Sarladais chez B2G sur le thème des start-ups industrielles. Notre volonté de faire vivre le label rencontre une volonté générale. Le confinement  a bien sûr ralenti la mise en place de la communauté, mais la montée en puissance est réelle. La Dordogne réalise qu’elle est constellée d’initiatives, on sent moins de complexes et une revanche des territoires ruraux. »

CYBERSÉCURITÉ

Avec la guerre en Ukraine, les attaques informatiques, déjà réelles en Dordogne, constituent un risque majeur dans le cyberespace. « Les entreprises n’ont pas toutes les moyens de protéger leur système d’information mais ont pris conscience du danger, nous favorisons le rapprochement avec des interlocuteurs locaux comme Gematique, basé à Périgueux, ou d’autres entreprises qui proposent des solutions. » Ce travail de vulgarisation, la possibilité d’échanger sur les outils et les réactions à adopter en cas d’attaque, participent aussi du mouvement fédérateur de la FTPV.

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