Couverture du journal du 02/10/2024 Le nouveau magazine

SkinMed : l’IA contre la désertification

À Ribérac, dans le Périgord Vert, Jennifer Gauthier et Olivier Delwant ont créé en 2022 SkinMed. La start-up lutte contre le manque de dermatologues grâce à l’intelligence artificielle.

Skinmed

Jennifer GAUTHIER, cofondatrice de SkinMed © Loïc Mazalrey - La Vie Économique

À l’officine de Ribérac, comme dans 57 autres en France, il est possible désormais de se faire dépister pour un grain de beauté suspect, grâce à l’intelligence artificielle. Le pharmacien, via un équipement et un logiciel fournis par la start-up SkinMed, peut faire un rapide examen, en moins de cinq minutes. Il se dote d’un dermoscope – que l’entreprise fait venir du leader mondial dans le domaine, un géant américain –, clipsé à un téléphone, lui-même connecté à l’application qui contient l’IA et développée par Anapix. Le professionnel va ensuite photographier la lésion suspecte du patient.

Un dépistage rapide

La photo, envoyée dans l’interface, est analysée par l’intelligence artificielle qui va déterminer un indice de malignité de la lésion, et les répartir en trois couleurs : vert, orange et rouge. Cette analyse faite par l’IA est couplée à l’analyse d’un expert, en l’occurrence un dermatologue référencé et partenaire de SkinMed. Il va rédiger un compte rendu, avec ses préconisations et son avis, avant qu’il soit renvoyé au pharmacien. Pour l’instant, moins d’une dizaine de professionnels collaborent avec la start-up, mais elle devrait très bientôt en salarier un. Le résultat est ensuite remis au pharmacien et au patient. « Le dépistage va très vite avec la téléexpertise, et on voulait un acte rapide pour le pharmacien, qui ne dure pas plus de cinq minutes pour être efficace et retenir son intérêt », résume Olivier Delwant.

Depuis sa création, plus de 2 000 dépistages ont été faits, et 20 % étaient au moins une lésion suspecte

À la conquête des généralistes

À la rentrée, la start-up espère également avoir équipé des médecins généralistes. Les praticiens auront l’équipement de dépistage comme les pharmaciens et en plus un stylo de cryothérapie. « Ainsi, le médecin pourra faire le traitement pour tout ce qui est bénin », explique Jennifer Gauthier.

Avec SkinMed, les deux dirigeants de la SAS ont cherché à « améliorer le parcours de soins et faciliter l’accès aux soins », résume Jennifer Gauthier. Et renchérit : « En Dordogne, il ne reste que 11 dermatologues, et 2 doivent partir en retraite. » À l’échelle nationale, en 2029, la population de dermatologues doit diminuer de 37 % par rapport à aujourd’hui selon la start-up. Un véritable problème de santé publique. « Avant la pandémie, on voyait le praticien de Ribérac, comme tout le monde à 50 km à la ronde, et à sa retraite, on s’est retrouvé sur le carreau. Et deux de nos proches ont été touchés par des mélanomes », raconte Jennifer Gauthier.

Skinmed

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Plus de 2 000 dépistages

Un déclic pour le couple qui a travaillé dans le domaine médical. « On a été plusieurs fois au salon mondial de la médecine à Düsseldorf, on a vu pleins de technologies, et notamment que l’IA et la télé santé bougeaient beaucoup. » Entre histoire personnelle et professionnelle, il n’en fallait pas plus au couple pour lancer SkinMed en février 2022. Dans leurs recherches, les associés ont découvert les travaux de Bernard Fertil, qui a été directeur de recherche au CNRS et démarré des recherches sur l’IA pour la dermatologie il y a plus de vingt ans. En 2016, il a créé la plateforme Anapix qui était une IA et un forum de discussion pour les dermatologues. « Nous avons transformé et adapté le concept pour SkinMed et depuis nous avons l’exclusivité de distribution pour toute la France », note Jennifer Gauthier. D’ici la fin de l’année, SkinMed devrait même devenir propriétaire de l’IA.

Dans leur projet, loin d’élaborer un concept reposant uniquement sur les robots, Jennifer Gauthier et Olivier Delwant ont voulu créer un véritable parcours reposant sur l’humain. « Face au manque de praticiens, on prône l’observation, mais il n’y avait aucun support concret pour le faire », relève Jennifer Gauthier. C’est pour cela qu’avec SkinMed, ils ont également créé toute une série de documents, laissés aux pharmaciens, pour un auto-examen des lésions. Dessus, un questionnaire à remplir et rendre au professionnel est proposé.

Depuis la création de la start-up, plus de 2 000 dépistages ont été faits, et 20 % étaient au moins une lésion suspecte. Pour la suite de son développement, l’entreprise s’est d’ores et déjà dotée de cinq chargés de développement, répartis sur l’ensemble de l’Hexagone et mise sur 500 pharmacies dans son réseau d’ici la fin de l’année, et le million d’euros de CA. Olivier Delwant et Jennifer Gauthier ne cachent pas l’ambition de leur entreprise, dont ils voient le développement à l’international.

Skinmed

© Loïc Mazalrey – La Vie Économique

Premier cancer en France

Selon santé publique France, en 2022, entre 150 000 et 243 000 cas de cancers de la peau ont été diagnostiqués en France. Les cancers cutanés sont les plus répandus dans l’hexagone.