La Vie Économique : Originaire d’Hagetmau dans les Landes, de formation ingénieur généraliste, vous avez commencé votre vie professionnelle en 1989. Durant votre carrière *, vous avez pu évoluer à différents postes à responsabilités dans différents secteurs d’activités comme : l’industrie papetière, le conseil, la gestion des déchets, le recyclage des plastiques, la gestion des déchets radioactifs (nucléaire). Pourquoi ce changement de vie à 50 ans, pour recommencer à 0 ?
Thierry Perez : « En 2018, alors que la problématique du recyclage des plastiques n’est pas encore au cœur des préoccupations de notre société, nous sommes inter- pellés par notre réseau du milieu de la plasturgie afin de nous réintéresser à la problématique du recyclage des plastiques souples. Cette idée va faire son chemin, et nous décidons la même année avec mon épouse de nous lancer dans l’aventure !
Notre première chance a été de proposer une solution en adéquation avec les préoccupations sociétale, environnementale et économique de 2019 sur le plastique. Pour nous, le deuxième facteur favorable a été cette crise sanitaire dramatique de la Covid 19, qui a retardé de manière critique le calendrier du projet, mais qui en réalité offre une vraie opportunité de relance des activités économiques sur un nouveau modèle afin de répondre au défi climatique des prochaines années. Longtemps, le milieu économique a considéré que la solution pour retraiter nos déchets triés devait passer entre autres par l’exportation de nos déchets en Asie (Chine), sans jamais se poser la question des impacts environnementaux. Le seul indicateur décisionnel était la logique financière. Aujourd’hui, et c’est une bonne chose, la préservation de notre environnement est devenue un enjeu majeur. Avec Valogeren, nous revendiquons une solution de transition environnementale made in France et plus particulièrement made in Lot- et-Garonne pour l’économie circulaire des plastiques. »
LVE : De quel constat êtes-vous parti pour lancer Valoregen et que souhaitez-vous apporter d’innovant ?
T. P. : « La consommation de plastique vierge pour la fabrication des emballages souples en France est de 1 million de tonnes par an. Son taux de recyclage est de l’ordre de 4,2 % en France à comparer aux 9,6 % de recyclage sur ce segment au niveau européen. Ce qui situe notre pays au 28e rang en Europe au niveau du recyclage des plastiques. Si nous sommes convaincus de la nécessité de mener une politique de réduction des plastiques à usage unique sur les années à venir, cette disposition seule ne résoudra pas le problème. Pour enrayer la situation au vu des qualités intrinsèques de cette matière qui présente également des avantages avérés, une solution de recyclage de cette matière est une réelle opportunité.
Avec Valoregen, notre mission est de développer et assembler les technologies de recyclage plastique souple les plus avancées permettant le développement d’une économie circulaire durable des plastiques afin d’accélérer la transition vers la neutralité climatique et des écosystèmes sains.
NOTRE MISSION EST DE DÉVELOPPER ET ASSEMBLER LES TECHNOLOGIES DE RECYCLAGE PLASTIQUE SOUPLE LES PLUS AVANCÉES
LVE : Pourriez-vous expliciter plus précisément votre ambition ?
T. P. : « Valoregen a pour ambition de devenir le premier recycleur de plastiques neutre en carbone au monde grâce à une technologie brevetée et unique. Avec notre modèle innovant de recyclage hybride (recyclage 4.0), nous visons le marché des emballages souples polyéthylènes avec une production en phase 1 à partir de fin 2021 de 15 000 t/an de recyclage mécanique et de 13 000 t/an de recyclage chimique. Ce modèle de recyclage unique en France et soutenu commercialement par une multinationale de premier rang répond également aux ambitions de la feuille de route Neo Terra du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. »
LVE : Facteur clé d’innovation : le recyclage 4.0 (recyclage hybride). Que recouvre-t-il ?
T. P. : « Le recyclage hybride est une combinaison de deux modèles de recyclages pour les plastiques souples permettant d’obtenir des taux de valorisation supérieur à 85 % en associant le recyclage mécanique des matières et le recyclage chimique à travers des technologies innovantes. »
NOUS AVONS SIGNÉ AVEC UN LEADER MONDIAL DE LA PÉTROCHIMIE POUR UN CONTRAT DE FOURNITURE DE 10 ANS
LVE : Le choix de l’implantation de votre unité a été un long processus. Pourquoi avoir privilégié le Lot-et-Garonne ?
T. P. : « Notre choix de l’implantation en Lot-et- Garonne a été motivé par un premier axe qui est familial, et plus particulièrement du côté de mon épouse Myriam, cofondatrice de Valoregen, originaire de Nérac. Ce lien familial a été d’une très grande aide de par sa connaissance du territoire, facilitant l’accès aux parties prenantes, aux élus et donc très bénéfique pour notre implantation. Le retour aux sources…
Un deuxième axe plus technico-économique a été aussi déterminant : proximité de l’échangeur routier sur l’axe de l’autoroute A62 avec des solutions logistiques et à équidistance des gisements des matières (déchets) que sont les régions bordelaise et toulousaine avec des bassins de consommation importants ; disponibilité de compétences par l’intermédiaire des formations (Bac et Bac +2) en plasturgie au lycée de Marmande ; proximité du canal pour utilisation du transport fluvial. En complément, nous devons souligner l’opportunité de la présence d’une solution immobilière avec l’EcoParc de Valorizon dédié à l’économie circulaire. La présence de cette solution immobilière et de l’accompagnement dont nous avons bénéficié par les équipes de Valorizon est une véritable chance pour le projet Valoregen. »
LVE : Quelles en sont les données chiffrées ?
T. P. : « La capacité de production initiale lors du démarrage sera de 28 000 tonnes par an. Nous envisageons la création de 45 emplois directs. »
LVE : En conclusion …
T. P. : « Nous avons signé avec un leader mondial de la pétrochimie, un partenariat commercial pour un contrat de fourniture pouvant aller jusqu’à 100 KT/an sur une période de 10 ans. »
* Directeur général de Derichebourg Milieux Sensibles en charge des activités pour le secteur nucléaire de juin 2016 à décembre 2018. De 2010 à 2016, directeur du département solutions clients au sein de l’Andra (Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs). Expérience significative et reconnue dans la gestion et l’exploitation des lignes de régénération des plastiques en tant que Directeur Général pendant plus de 5 ans dans une société d’économie mixte de traitement de déchets conventionnels (Cyclea). Auparavant, consultant au sein du cabinet KPMG (conseil aux PME/PMI Région de la Nouvelle Aquitaine).